La bande à V. Santura et Morean est de retour ! Quatre ans après Ylem, l'album signant l'apogée de leur art, Dark Fortress revient en 2014 avec son nouvel album doucement appelé Venereal Dawn (comprenez Aube Vénérienne), tout un programme...
Les fans sont aux aguets, la tâche est rûde : comment faire aussi bien voire mieux que Ylem ? La formation allemande avait en effet réussi à mêler mélodies, atmosphères sombres et riffs violents et crasseux pour atteindre un "innovative black metal" proche de la perfection. Un parfait mélange entre Enslaved et Endstille en quelque sorte.
Pour ce nouvel album, on retrouve dès la première écoute la patte et le son singulier du groupe. Le titre "Venereal Dawn", premier de la galette, nous partage entre confiance et hésitation. La confiance premièrement, car on retrouve fort heureusement ce que l'on aime le plus chez Dark Fortress : des guitares tranchantes, rapides et lourdes, accompagnées de belles variations à la batterie (tantôt blast-beat, tantôt lenteurs et jeux de toms), de claviers discrets mais renforçant largement l'ambiance presque glauque de ce premier titre, et de la voix de Morean, toujours aussi mystérieuse et maitrisée.
Puis vient l'hésitation : cette introduction bien ficelée, à la fois rassurante et déroutante, nous étonne par un ton général plus progressif que violent, en comparaison avec les derniers albums du groupe. On se laisse emporter sans trop savoir où l'on va, et cette impression sera rapidement confirmée par le titre suivant, "Lloigor". Très posé et mid-tempo, il tire sa force par ses quelques éléments les plus accrocheurs : la guitare acoustique, la mélodie bien sentie (comme souvent chez les allemands) à la guitare lead, et son refrain chanté clair en choeur, encore une fois rassurant et surprenant à la fois.
Il est clair que Dark Fortress a voulu tenter des choses nouvelles avec Venereal Dawn, sans perdre l'essence de sa musique. C'est notamment au niveau du chant, beaucoup plus varié encore qu'auparavant, et des guitares, parfois moins agressives mais plus progressives, que l'on peut ressentir ces changements.
Une fois encore, c'est avec une sérénité réservée que l'on attaque "Betrayal and Vengeance", troisième titre du disque. Enfin un peu de groove et de violence, celles-ci même qui nous manquait à l'écoute des deux premiers titres de l'album et que l'on retrouvait fréquemment à l'ouverture des albums précédents de Dark Fortress. On se rappelle notamment de Eidolon qui commençait extrêmement fort avec "Cohorror" et "Baphomet", deux titres incroyablement accrocheurs ! Ici, malgré cette agressivité bienvenue, le titre est plus balancé que l'on aurait pu l'imaginer. On retrouve encore une fois ces choeurs nouveaux chez la formation, et un ton général plus progressif qu'agressif.
De manière générale, exit la folie d'un "Silence" et ses cris glaçants, exit la rapidité d'un "Satan Bled", sa batterie et ses guitares éffrénées, ici on est plus proche d'un "Evenfall" ou d'un "The Valley" sans toutefois atteindre ce niveau de profondeur et de lenteur. A l'image de "Chrysalis", c'est un plaisir de retrouver Dark Fortress, mais on ne retrouve pas le même degré de folie qu'auparavant.
Bien que le ton général de l'album soit moins extrême, la production joue également son rôle dans ce "lissage" : les guitares sont clairement moins tranchantes, un peu plus à l'écart et moins portées sur les aigus au niveau du mixage. Le son est plus rond, la batterie est particulièrement claire et la voix bien mise en avant. Le chant de Morean, moins perçant et moins porté sur les cris, joue également beaucoup dans l'aspect général de Venereal Dawn.
La différence entre ce nouvel album et ses prédécesseurs (Ylem et Eidolon notamment) peut faire penser à celle ressentie à la sortie de RIITIIR de Enslaved, peut-être moins accrocheur mais plus poussé que Axioma Ethica Odini. Heureusement, on retrouve quand même quelques titres plus portés sur la violence que sur l'innovation avec "I Am The Jigsaw of a Mad God" ou "Odem".
Ce qui surprend le plus est encore le choix de la tracklist. Alors que Ylem s'écoutait d'une traite sans problème, proposant sans cesse des moments très intenses balancés par d'autres beaucoup plus planants, Venereal Dawn est plus difficile à avaler, moins digeste, peut-être un peu moins inspiré.
Cet album livre néamoins une bonne dose de black metal atmosphérique, sombre et bien senti, où l'on ne manquera pas d'entrer et de taper du pied. "Luciform" en est peut-être le meilleur exemple finalement, proposant un refrain d'enfer et des couplets poignants où l'on sent enfin un Morean plus expressif que jamais, sur cet album du moins. La tâche était certes rûde pour Dark Fortress, nous ayant offert des titres poignants par le passé, mais on se régale tout de même à écouter un aussi bon groupe. Venereal Dawn reste un plaisir à décortiquer et propose un recueil de bons titres où le groupe joue avec passion sa musique sans essayer de nous berner.
En définitive, Venereal Dawn n'est probablement pas l'album le plus accrocheur, ni le mieux balancé de Dark Fortress. A l'inverse, il offre plutôt une facette supplémentaire à la discographie du groupe. Avec ses 70 minutes au compteur, il faudra laisser du temps à ce nouvel album avant d'être apprivoisé. Ceci-dit, les fans du groupe et les friands de black metal progressif y trouveront probablement leur compte comme complément à une discographie déjà bien remplie et variée.
Unna
7.5/10
Tracklist :
1. Venereal Dawn
2. Lloigor
3. Betrayal and Vengeance
4. Chrysalis
5. I Am the Jigsaw of a Mad God
6. The Deep
7. Odem
8. Luciform
9. On Fever's Wings