(R)allumez le feu !
« Il y a deux sortes de retour dans le monde du rock n’ roll, mon ami. Ceux avec lesquels l’artiste s’écrase comme un étron dans les méandres de la médiocrité… Et ceux qui font l’effet d’un double uppercut dans la mâchoire, mais qui procurent un plaisir presque érotique. » Après treize longues années d’abstinence discographique, Godflesh est [enfin] de retour avec une nouvelle offrande. Le chiffre 13 aurait pu susciter l’inquiétude des superstitieux, mais Justin K. Broadrick et G.C. Green ont bien vite annihilé le moindre de nos doutes.
De but en blanc, A World Lit Only by Fire est à placer dans la seconde catégorie des retours, sans la moindre hésitation. C’est bien simple, tout pue la classe dans ce disque : des compositions surpuissantes et rageuses à la production, qui arrive à concilier modernité et le lo-fi si cher au duo anglais. D’ailleurs, en fait de duo, on devrait plutôt parler d’un trio, puisque la batterie programmée est le troisième membre de Godflesh, qui infuse plus que jamais à leur musique son aspect mécanique, glacial comme une chambre froide.
Mieux, A World Lit Only By Fire arrive à être très direct et accrocheur, avec des riffs qui sont autant de rouleaux compresseurs qui vous écraseront la tête, particulièrement « Shut Me Down », véritable tube de l’album. A la voix, Justin n’a rien perdu de sa rage, et continue de hurler sa misanthropie avec une conviction qui ne trompe pas, dès les premières secondes de « New Dark Ages » jusqu’à la fin de «Forgive Our Fathers» .
Malgré la volonté de retourner vers le minimalisme des premiers albums, Justin n’a pas oublié d’apporter quelques nouveautés au petit nouveau, la plus flagrante étant la guitare huit cordes, qui donne à Godflesh une lourdeur impressionnante et très appréciable. Du côté des points forts, on peut aussi compter le mixage, qui met très en avant la guitare, mais sans oublier la basse de G.C. Green, qui est elle aussi un ingrédient indispensable de la recette Godflesh.
En fait, on ne s’ennuie pas un instant dans ce monde illuminé par le feu, même lors des passages planants et schizophréniques de « Towers of Emptiness » ou « Obeyed ». Ecoute après écoute, cet album montre qu’il peut tenir la dragée haute à ses prédécesseurs, voire même, se placer au dessus. A World Lit Only by Fire est une belle synthèse de la discographie du groupe, et se pose comme une clé idéale pour entrer dans leur univers, ou y retourner. Cette double réussite avec l’excellent EP Decline And Fall permet de classer ce retour de Godflesh parmi les plus réussis de l’histoire du métal, comparable à celui de Celtic Frost et son Monotheist, ou même leurs mentors Killing Joke avec [2003]. Un sérieux candidat pour l’album de l’année !
Chronique par Tfaaon
Cette chronique est dédiée à la mémoire d'Eli Wallach [1915-2014]