La machine en pilotage automatique
Combo à la réputation bien bâtie sur la scène extrême polonaise, Vesania n'a pourtant pas été des plus productifs ces dernières années. Sept ans séparent les deux dernières sorties du groupe, et avec un tel écart entre deux pièces discographiques, il est nécessaire de revenir avec un album faisant honneur à ce come-back. Les cinq musiciens profitent ainsi d'une signature sur Metal Blade Records, comptant dans ses rangs des pointures telles Amon Amarth ou Cannibal Corpse, pour livrer Deus Ex Machina, leur quatrième offrande.
Si l'auditeur exigeant est en droit d'attendre d'une telle formation des titres inspirés et prenants aux tripes, la déconvenue arrivera dès l'opener « Halflight » qui se contente uniquement de faire le boulot, sans passion ni entrain. Le black metal des Polonais est à mille lieues d'être de mauvaise facture. Chaque membre fait son travail correctement, et tous les éléments sont parfaitement en place. Mais si le professionnalisme n'est nullement à remettre en cause dans le cas présent, l'aspect pilotage automatique présenté par Vesania est bien plus inquiétant. Le titre tente tant bien que mal de faire adhérer l'auditoire mais laisse de marbre, tant celui-ci est déjà vu et entendu. Et cet essai bien maladroit n'est pas un cas isolé, tant « Vortex », qui démarre sur les chapeaux de roue, retombe aussi sec dans un brouillon sans queue ni tête.
Cette offrande ne propose aucune réelle innovation, restant dans les carcans bien connus auxquels les musiciens nous ont habitués. Il y a bien quelques expérimentations un tantinet electro (« Fading »), une présence féminine en la personne de la talentueuse Zofia FraŠ› (Obscure Sphinx) sur « Scars », mais ces rares nouveautés ne suffisent pas à sortir la tête de l'eau. Ces apports, loin d'être inintéressants, auraient mérités une exploitation plus poussée, et ce quitte à désarçonner le public et s'éloigner des sentiers battus. De ce côté, seule la prestation de la frontwoman polonaise sur le dernier titre convainc, tant sa rage et son énergie conviennent à merveille au morceau, qui se révèle finalement comme l'un des plus intéressants de la galette.
Deus Ex Machina n'est pas exempt, heureusement, de très bonnes idées. Si les schémas traditionnels sont respectés à la lettre, le cahier des charges suivi mais l'idée d'offrir du neuf exclue, le talent de composition des Polonais a survécu aux années et permet ainsi de profiter de rares pistes tirant leur épingle du jeu. Outre « Scars », « Notion » remporte les suffrages en proposant une écriture intelligente, accrocheuse et des apports symphoniques agréablement insérés afin d'offrir du relief à l'ensemble. La voix d'Orion, par ailleurs, est à l'avenant, le frontman maîtrisant son organe à la perfection et chantant avec conviction et agressivité sur des lignes de chant réussies. « Innocence » offre un jeu théâtral de la part du chanteur entre chant clair et growl, appuyé par un piano envoûtant, et bien que le morceau se classe parmi les meilleurs du disque, il est desservi par son aspect beaucoup trop classique.
Vesania se contente ainsi de faire le minimum avec application, mais en oublie complètement qu'après sept années sans aucune sortie, il est vital de frapper un grand coup. Au lieu de cela, nous avons droit à un disque banal, ni bon ni mauvais, aux pistes qui s'oublient trop rapidement et, surtout, ne proposant rien de neuf. Recyclant une recette déjà éculée sans faire mieux que de nombreux autres concurrents, les Polonais échouent à regagner une place de choix parmi les leaders de la scène extrême de leur pays. S'il subsiste bien quelques moments de grâce, entre des solos inspirés ou un chanteur n'ayant rien perdu de ses compétences, la qualité de composition en berne peine à faire décoller un Deus Ex Machina s'écoutant dans une relative indifférence. Les musiciens ont largement les capacités de rebondir après cet échec et de surprendre. A eux de nous prouver qu'ils sont toujours en mesure d'impressionner. En espérant ne pas avoir à attendre encore sept ans.