Fantaisie de sons
La scène française offre encore un nouveau rejeton : Unseelie. Après la sortie d'un premier EP, la formation s'est lancée dans une campagne de financement participatif afin de récolter les fonds nécessaires à la création d'un premier disque concept, Urban Fantasy. Une œuvre auto-produite, mixée et masterisée au studio Zoé H., regorgeant d'excellentes idées et faisant preuve d'un professionnalisme forçant le respect.
L'auditeur sera bercé par les douces mélopées du combo, évoluant dans un metal mélodique teinté de quelques sonorités industrielles, qui collent parfaitement au concept que souhaite développer le groupe parisien. Cette première cuvée privilégie en premier lieu la création d'ambiances, qui prennent forme via divers artifices intelligemment employés. Tout cela n'est pas sans évoquer un Theatre of Tragedy dans son ère Musique, une influence visiblement prépondérante dans le propos de la formation. On obtient ainsi une recette où l'ensemble se veut soft mais captivant, un pari audacieux qui sera relevé avec le plus grand brio par Anne-Emmanuelle et Marc.
Je parlais des moyens d'imposer une ambiance, ceux-ci sont multiples et toujours employés avec un dosage impeccable. Un exemple venant à l'esprit immédiatement est l'emploi du piano sur ''Frontier'', couplé aux sonorités presque cybernétiques. L'aspect doux du chant féminin est également un bon moyen de mettre en exergue ces atmosphères sans tomber dans l'excès. Le titre suivant, ''Hunters' Game'', met en place un climat différent, où les guitares, ainsi que les touches électroniques, sont plus denses et massives, et ces deux apports primordiaux forment une parfaite combinaison. Le tout donne un metal industriel froid, quasi déshumanisé, où seule la voix permet de constituer un lien. La musique s'inscrit vraiment dans l'ère du temps par sa facette résolument moderne et sa production adaptée à la volonté d'Unseelie, qui se dote des meilleures conditions possibles pour entraîner l'auditeur dans son univers.
Le groupe ne s'encombre pas de démonstrations superflues, préférant mettre l'accent sur la capacité de chaque membre à donner le meilleur de lui-même pour donner une réelle fluidité aux ambiances. Le combo ne s'épargne tout de même pas quelques bons solos de guitare, comme en témoigne la très réussie ''The White Passenger'', piste variée et captivante. La ligne de chant d'Anne-Emmanuelle est polymorphe et permet d'apprécier la maîtrise de la chanteuse, que ce soit dans un ton lyrique, dans un registre plus grave, ou au chant extrême. La frontwoman est d'ailleurs l'un des nombreux atouts d'Unseelie, capable de s'adapter tel un véritable caméléon se promenant au sein de ce monde urbain. Tantôt puissante, tantôt menaçante et parfois douce (''Frontier'', ''Of Water and Dreams''), la prestation remarquable de la jeune femme hisse le groupe vers le haut du panier.
Ce qui est impressionnant chez les Français, c'est cette capacité à se forger une identité, tant visuelle que sonore. Les inspirations des membres sont audibles mais jamais envahissantes, et le combo emprunte une voie judicieuse. En misant avant tout sur un concept intéressant et en composant des titres à l'avenant, respectant à la lettre cette trame, Unseelie convainc sans peines. Si l'ouverture ''Strangers'' est en-dessous des capacités du groupe à cause de quelques dérangeantes longueurs, la suite des événements rectifie le tir. Les mid-tempos sont adroitement écrites, ''Frontier'' et ''Of Water and Dreams'' s'inscrivant de cette façon parmi les pistes les plus marquantes d'Urban Fantasy. Et si la dynamique ''Hunters' Game'' est un manifeste du talent des parisiens, le clou sera enfoncé par ''Beauty is Our Only Saviour'', avec plus de sept minutes au compteur. Un morceau fluide, où chaque moment est utilisé correctement, évitant ainsi de créer la torpeur chez l'auditoire. L'ambiance qui règne est intrigante. Si le groupe aurait pu utiliser la méthode bien connue de la montée en puissance, Unseelie surprend en laissant cette solution de côté, tout en réussissant l'exercice de style.
Ce premier effort studio ne laisse présager que du bon pour la carrière des Français. L’œuvre est envoûtante, et le groupe possède déjà une marque de fabrique bien à lui, un phénomène d'autant plus rare pour un néophyte. Urban Fantasy sent la maturité, le processus de composition mûrement réfléchi et calculé, comme en témoigne le soin apporté aux atmosphères et au concept. Le combo ne donne qu'une envie : connaître la suite.
La Folle Fougère