Grai est russe et veut que cela se sache. En effet, difficile de prendre la bande du Tatarstan pour autre chose que ce qu’elle est, avec sa musique très typée et ses tenues très traditionnelles, ce qui est tout à leur honneur, puisque cette origine est loin d’être facile à porter ces temps-ci. Alors certes, Vladimir Poutine est méchant, mais Grai nous donnerait presque envie d’aimer à nouveau la Russie, pays de tradition où le folk metal puise encore plus qu’ailleurs son inspiration dans le folklore riche à sa disposition.
Leurs compatriotes d’Arkona ayant contribué à populariser une scène qui ne demandait que ça, Grai profite de l’occasion pour sortir son troisième album. Composé de deux filles et trois garçons, le groupe nous offre ici un disque qui se rapproche beaucoup ce qu’ont pu faire d’autres groupes au son labellisé « made in Russia », mais qui s’en distingue néanmoins avec une approche du folk metal surprenante, complètement débarrassée de son côté épique.
En effet, avec Grai on a plutôt l’impression d’être au coin du feu, à écouter les histoires des récoltes du kolkhoze qu’en pleine bataille, et ce n’est pas pour nous déplaire. L’ambiance de l’album est joyeuse et chaleureuse du début à la fin avec des mélodies à la flute combinées à d’autres instruments folkloriques russes et à la voix typique et mélodieuse d’Irina, qui rappelle donc évidemment Masha d’Arkona. Les guitares donnent parfois l’impression de n’être qu’un simple accompagnement, comme sur l’instrumental « Fortress », et il est vrai que le tempo des chansons n’accélère jamais véritablement. Mais si les passages acoustiques (comme la joviale intro de « Beard ») sont accentués, une touche plus heavy est tout de même apportée grâce aux growls plutôt efficaces de Yuri qui se feront plus rares au fur et à mesure que l’opus avance. On retrouve également quelques petits breakdowns savamment placés à la manière d’Eluveitie sur « Beard » et « Hugging The Storm ». Ces petits éléments de metal moderne restent toutefois discrets et se marient à merveille avec l’univers des plus traditionnels de Grai.
Ce qui frappe le plus à l’écoute de cet album, c’est cette basse, omniprésente dans toutes les compos du groupe, pour le meilleur (comme sur « Hunt ») et pour le pire puisqu’elle manque parfois cruellement de groove. L’exemple le plus flagrant « Get Back » fait un peu figure d’erreur de casting, bien qu’elle n’enlève rien à la qualité de l’oeuvre en général. Mais globalement, le bassiste/chanteur Yuri s’en sort plutôt bien, ce qui est moins le cas de son compère batteur Andrey, qui a beaucoup de mal à insuffler de la vie dans les rythmiques de Grai. On se consolera avec les belles mélodies d’une musique qui prend tout de même aux tripes et nous projette hors du temps.
Le temps d’écoute, justement, est un peu court puisque les neuf titres qui composent Mlada forment un total d’à peine trente-cinq minutes sans les deux chansons bonus. On reste donc un peu sur notre faim, mais cette durée a au moins le mérite d’empêcher l’ennui d’arriver. Les mélodies de flute et de guitare sont souvent similaires mais l’ensemble est bien tourné pour que chaque chanson ait son minimum d’identité propre, ainsi on retiendra la plutôt heavy « Hugging the Storm », la ballade « I will sow my sorrow » ou la très entrainante « Hay Harvest » qui permettent de former un album cohérent et loin d’être linéaire.
Grai nous offre donc un très bon disque qui séduira quiconque s’intéresse de près ou de loin au folklore russe. Sans révolutionner le style, le groupe propose un album honnête qui a sans doute plus vocation à être apprécié dans les pays de l’Est que chez nous, mais que l’on pourra quand même écouter avec nos oreilles occidentales pour découvrir un folklore et une culture unique.
NB : Tous les titres de chansons sont de simples traductions du russe trouvées sur le site du groupe. Toutes les paroles sont originalement chantées en russe sur l’album.