Entendez ces doux sons qui vous attirent … Tel Ulysse vers des rivages inconnus … C'est le chant des sirènes, délicieuse mélopée, résisterez-vous à leur appel ? Le Syrens Call, arme redoutable de ces créatures mi-femme, mi-oiseau (ou mi-poisson, c'est selon la mythologie) frappe encore en 2010, s'apprêtant à faire de nouvelles victimes, les vocaux de Soraya à l'affut de nouvelles proies. Un label du nom de Pervade Productions décida d'enregistrer ces mélodies venues du fond des mers pour vous les livrer à vous, lecteurs, pour enfin succomber à votre tour à cette attraction magique. Cette fois-ci, la galette du label français, qui en réalité est la troisième des Syrens Call, est intitulée « Raging Waters », et prête à être commercialisée dès Novembre 2010. Le piège est en place, sera-t-il un succès ? Allez-vous être séduit par cette offrande, ou la cire présente dans vos oreilles vous laissera hermétique à l'opus, qui serait ainsi un échec ?
Encore une fois, c'est un succès pour le groupe de heavy progressif lillois qui, comme à son habitude, met son talent à l'œuvre pour offrir à son public des pièces ciselées à la perfection et mûrement réfléchies. En 6 ans, après « Emoceans » (ainsi qu'un EP en 2006 et un live en 2008), les français ont conservés le don de produire des albums d'une grande réussite.
Et ça démarre avec un titre qui met directement dans le bain, « Hang on to Life ». L'introduction se fait crescendo, par des sonorités électro, avant de voir arriver les guitares qui amènent tout de suite le reste du morceau. Et le chant de notre jeune chanteuse ne tarde pas à se faire entendre lui aussi, arrivant peu après pour accompagner les instruments. En ce qui concerne le refrain, rien à redire si ce n'est qu'il est réussi, au vu d'une réelle démarcation et de lignes mémorisables et surtout très entrainantes, avec plus de puissance et le retour des passages électroniques en fond sonore. Le titre se veut direct, et le pari est réussi, délaissant en revanche la partie plus prog de Syrens Call pour se consacrer et se concentrer en priorité vers l'aspect heavy, pour un commencement de brûlot sur les chapeaux de roue ! Une belle mise en bouche qui en annonce d'autres.
Avec « I'm Your Only One », la formation du Nord réussit à combler les deux styles, par des variations de mélodie mais également en conservant cette puissance et cette force qui fait le bonheur de l'amateur de refrains tranchants. Le clavier, très polyvalent, est mis à contribution pour de nombreux rôles : celui de soutenir la musique, de diffuser des touches un poil industrielles pour apporter de l'appui au refrain et également celui de créer des atmosphères tout au long du morceau. Là encore c'est une belle prouesse et le plaisir apporté par la piste est conséquent, même si les guitares auraient gagnées à être placées un peu plus sur le devant de la scène pour maintenir encore la vigueur instaurée par le premier titre.
Dans l'orientation sonorités industrielles et refrain à vous en faire saliver, « Perfidious Paradise » atteint également des sommets, comme celui du mont Olympe où le chant des sirènes vient attirer un Poséidon en quête de beauté. Cette fois-ci, la rengaine est l'apogée la plus totale du titre. Des lignes de chant dansantes, guidant le morceau, se jouant des chœurs masculins qui soutiennent le chant de la douce Soraya, et qui se démarque complètement grâce à la différence entre une fougue et un enthousiasme éclatant et les couplets où les maîtres-mots sont le calme et la douceur, apportant son flot d'émotions. Clairement une piste tubesque, qui restera gravée dans vos esprits pendant quelques temps.
La volupté est également une invitée de marque, privilégiée, qui vient apporter une touche de beauté à des titres de la trempe de « Cruel Love », dont le nom est déjà plus qu'évocateur. Notre jeune femme cède la rage contre la tendresse, chantant avec une profondeur absolument envoûtante et séduisante, et lorsque la folie s'estompe au profit du frisson, la recette est la même : moins d'énergie, plus de mélancolie, toujours autant de plaisir. Le refrain est dans la continuité des couplets et voit uniquement les musiciens donner un coup de fouet à leur fidèle compagnon et accentuer le rythme, sans le faire trop cependant, pour rester dans l'intimité. Un magnifique break atmosphérique au clavier, diffusant une atmosphère discrète mais subtile et au charme fou, accompagnée d'une guitare s'exprimant avec douceur, le charme opère immédiatement. Nous voilà transportés dans un autre monde.
Cependant, il serait naïf que de penser que ce coffret renferme la perfection absolue et quelques morceaux s'en tireront avec une moins bonne note que d'autres, formant ainsi ce que l'on peut appeler aisément le ventre mou de l'album : relâchement de la joie et des saveurs, au profit d'un peu de torpeur, d'une légère léthargie, sans gravité cependant car il faut bien admettre que l'on ne peut en rien dire que les pistes formant ce noyau de lassitude sont mauvaises. Le fait est que la barre a été placée tellement haute par les morceaux qui étaient avant qu'ils ont du mal à suivre la cadence et à imposer leur rythme, piégés.
Et cela débute par un « Desecrated Past » qui, même s'il ne manque pas de vigueur et de ténacité, souffre d'un certain nombre de longueurs, de passages qui n'ont que peu de saveur lorsque l'on a goûté à l'ivresse des pistes précédentes. Dommage car le refrain n'est pas mauvais du tout et a, somme toute, réellement quelque chose à dire, à nous faire partager. Mais les couplets sans ampleur et ces trop nombreux éléments qui n'apportent rien (des solos trop longs, par exemple) ne sont pas de la plus grande aide pour aider à obtenir une accroche.
N'oublions pas « Relapse », qui tombe dans le vide total. Et là, on peut vraiment le dire, il s'agit sans aucun doute du titre le plus faible de tout l'opus, ne décollant pas, refrain tombant à plat et linéarité trop grande pour pouvoir un instant se sentir submergé d'une émotion quelconque. La platitude est de mise et seul l'interprétation de Soraya Hostens permet de dégager un élément positif de la piste. L'instrumentale « One Bloody Kiss » est nettement supérieure, divulguant des ambiances marines superbement exploitées, ainsi qu'un élan de vivacité communicatif. Mais encore une fois, l'auditeur peinera à prendre énormément de plaisir à l'écoute. La virtuosité de nos musiciens est prouvée, mais l'âme semble laissée quelque peu de côté.
Tout cela est fort heureusement rattrapé grâce à des pépites, à l'instar d'« Ashes of Destiny », prenante et captivante, émouvante et touchante, une piste qui ne manquera pas d'être votre compagne lors de la traversée de l'engouement et de l'intérêt. Syrens Call frappe fort et s'arme de couplets à l'énergie débordante et au charisme remarquable pour séduire un auditeur au départ réticent, et qui finira totalement sous la coupe de nos français qui l'auront emmené vers un autre univers. Dans une progression de force qui se fait croissante, allant d'une simple évocation d'ambiance à la cavalcade de la guitare qui livre une épreuve de vitesse et une prouesse technique imparable, avant de calmer ses ardeurs avec l'arrivée du chant, venant apporter la touche d'émotion à la technique, pour former le duo parfait. Et voilà qu'un refrain efficace arrive, une ambiance qui se prolongera du début à la fin grâce à un clavier tenu de main de maître et une batterie aux plans diversifiés feront du titre une réussite. Notons l'apparition d'une voix masculine narrative.
« Never Come Back Home » et ses relents parfois hard rock est sympathique. Des couplets où la jeune chanteuse montre plus d'agressivité par des intonations montrant cette sensation, des plans de guitare maîtrisés, un chant masculin plutôt distant faisant une brève irruption, une alternance entre le calme et la furie (même s'il ne s'agit pas d'un déchainement), voici les lillois dans leur côté le plus prog, et là encore, ils font des prouesses. Même s'il ne s'agit pas du moreau le plus indispensable du brûlot, il sera en bonne position dans le classement des titres favoris de l'auditeur.
Et ainsi, lorsque le coffret des sirènes se referme, c'est avec un air marin, dans un océan de corail, au beau milieu des flots couleur azur, où l'on explore ces espaces sauvages. Bienvenue dans « The Dance of Light », pièce travaillée avec précision, et ne souffrant d'aucune longueur tant les ambiances se dégageant sont magiques. Un adjectif qui convient parfaitement à Syrens Call. Et l'on trouve de tout durant les 13 minutes d'exploration. Un accompagnement de la voix au piano, des riffs puissants accompagnés d'un chant puissant, des instants de légèreté prenants … Et d'ailleurs, un chant masculin vient par endroits tenir compagnie à dame Soraya. Et ce chanteur n'est autre que Stéphane Buriez, frontman de Loudblast, qui se retrouve dans un rôle de compagnon pour le chant féminin (et qui n'oublie pas ses grunts). Un duo entre les deux qui crée une véritable osmose. La qualité de ce morceau est époustouflante.
La production ne souffre d'aucun défaut, chaque élément étant à sa place et audible à souhait, les manettes ont été confiées à un expert et cela se sent. Même si on aimerait parfois que les guitares soient légèrement plus en avant, le régal est déjà suffisamment grand comme ça.
Côté chant, les sirènes se sont incarnées en une seule personne, celle de Soraya Hostens. La jeune femme possède une personnalité non négligeable par un timbre peu commun, quoiqu'assez similaire à celui de Sandra Schleret (Elis). En plus de cela, sa prestation est de très haute volée, faisant concurrence aux meilleures chanteuses du genre. Aucune fausse note n'est à déplorée, les modulations de sa voix sont récurrentes et rondement menées et du côté émotion, c'est beau à en pleurer. Elle apporte un charme et une présence aux morceaux qui, avec une vocaliste différente, ne seraient peut-être pas aussi réussis.
Si la beauté était renfermée dans un opus, il s'intitulerait « Raging Waters ». La réussite est impressionnante et montre que Syrens Call est une formation d'avenir dans le metal à chant féminin mais également dans le metal français, se plaçant grâce à un essai aussi réussi dans le haut du panier, au-dessus du lot. Une formation qui, on l'espère, fera un bond avec ce nouvel album qui impose le respect.
Note finale : 9/10