Depuis ses débuts en 2004, le quartet américain divise le public hard. Adulé par les aficionados du Hard FM, il fut surtout critiqué chez d’autres pour son côté trop pop-rock, et ses compositions trop simplistes, médiocrement rachetées par des livrets bourrés de photos plus ou moins trash de la chanteuse Julie, mettant en avant sa plastique pulpeuse… à tel point qu’on l’a même vue affublée du nom on ne peut plus explicite de « pute » sur certains blogs metal, et que la formation de Virginie Occidentale a été plus d’une fois accusée d’avoir recours à la vieille recette magique de la « blonde à gros seins » pour faire vendre sa musique moisie, en flattant les bas instincts du chevelu moyen ! Si une chose est sure, c’est donc que leur dernier né, Judgement, sorti le 22 octobre dernier chez Bad Reputation, n’avait pas gagné la partie d’office…
Et pourtant, cet album démarre sur les chapeaux de roues avec un « Lost Reality » rentre-dedans à souhait, une instrumentalisation bien ficelée qui met parfaitement en valeur la voix de Julie, ce que, finalement, nous préférons chez elle ! Les hurlements du bassiste Chris Sammons viennent ajouter une dose supplémentaire d’adrénaline à un morceau qui passe à toute vitesse, en mode « prend-toi ça dans la face », et qui s’achève d’un coup en nous laissant scotchés au canapé ! Et ça donne franchement envie d’écouter la suite…
« Right Thing Now », plus calme mais encore très énergique, enchantera sans nul doute les admirateurs de Crucified Barbara. La voix de la chanteuse, à la fois soignée, grave et tonique, est définitivement convaincante. De plus, contrairement au précédent morceau, on peut entendre sonner quelques trilles du guitariste Jeff Westlake. Arrive ensuite un « Alone » qui, après un premier couplet aux sonorités FM un peu inquiétantes, débouche sur un refrain à la mélodie atypique, très enlevée et, en définitive, presque mystique. Très plaisant, mais on regrettera un solo de gratte sans grand intérêt, et quelques arpèges joués en son clair, avec une reverb qui, il faut bien l’admettre, ressemble un poil à Kyo… « Self Destruct », certes un poil FM, mais avec un son lourd et des accents blues comme seuls les Ricains en ont le secret, est encore un morceau très bien ficelé. Jusqu’ici, on n’a pas grand-chose à reprocher à Hydrogyn, et on écoute ce début d’album avec un réel plaisir.
C’est un « Gold Dust Woman » beaucoup plus calme qui poursuit notre écoute. Et, très vite, on se rend compte qu’on a à faire à un petit chef d’œuvre, plus précisément une reprise du groupe britannique Fleetwood Mac ! Une introduction en son clair, très enlevée, amène Julie au sommet de son art, dans une atmosphère psychologique et introspective, entretenue par l’excellente prestation et le magnifique solo du guitariste canadien Jeff Boggs, invité pour l’occasion. Ce morceau, couronné par un refrain qui donnera des frissons au plus insensible des machos, laisse rêveur, nous fait planer en douceur… avant que le combo nous rappelle brusquement à l’ordre avec un « Medicate » beaucoup plus hard, de nouveau très voisin de Crucified Barbara, bourrin et toujours très bien fait. On en profite au passage pour noter les remarquables progrès du groupe dans le domaine des arrangements sur cet album, qui donne à l’ensemble une maturité et une crédibilité largement accrues.
« Big Star » éclate avec plus de force encore que le reste, grâce à un rythme soutenu et une nouvelle prestation guitaristique de Jeff Boggs, irréprochable. On aurait là un autre tube, si la voix de Doug Pinnick (chanteur de King's X, invité pour l'occasion), qui partage ici le chant avec Julie, ne donnait pas au morceau un côté FM très exacerbé, un peu dur à avaler si on n’est pas amateur du genre. « Gonna Getcha », son très gras à l’appui, est un peu plus engageant mais ne présente cependant pas de particularité exceptionnelle ; il s'écoute néanmoins sans dégoût. « Too Late », qui inclut encore une fois la participation de Jeff Boggs, surprend. En effet, il y a indubitablement quelque chose d’un peu (beaucoup) FM dans la mélodie et la partie instrumentale, mais pourtant… ça passe bien ! Allez savoir si la voix rattrape l’ensemble, ou si un autre brillant solo de Boggs suffit à le faire oublier, toujours est-il qu’on finit par n’en garder que le côté « Hard » sans « FM », pour un autre morceau convaincant !
« Don’t Be My Judge », un morceau plus acoustique et proche d’un slow, nous replonge dans une ambiance psychologique : en entendant Julie chanter cela, nous avons immédiatement l’impression qu’elle s’adresse à ses détracteurs, à ceux qui la trouvent vulgaire, qui semblent lui accorder autant d’estime qu’à une poupée gonflable, et la considèrent comme un faire-valoir physique du groupe. Presque suppliante dans ses intonations, elle devrait clouer le bec aux individus susnommés, par une performance vocale hallucinante qui donne envie de l’appeler Madame, magnifiquement soutenue par le reste du groupe.
Enfin, les deux morceaux bonus de la version Europe de l’album, « Assault Attack » et « Deadly Passion », sont encore deux bien belles pièces, la première très énergique et une nouvelle fois boostée par Jeff Boggs, dont on se demande pourquoi il ne fait pas définitivement partie du groupe, et la seconde, un live qui inclut encore une belle performance vocale de Julie.
Hydrogyn est-il toujours ce groupe de Hard-Pop-Rock si controversé qu’il était jusqu’alors ? La réponse, vous l’aurez deviné, est un NON catégorique et élogieux. Incroyablement plus mature, la formation américaine nous livre ici un opus d’une grande qualité, travaillé, sans redondance, et indubitablement Hard et Heavy… Autant dire qu’on est à des millions d’années-lumière de Journey ou Two Fires ! Et l’on n'aura jamais fini de louer les exceptionnelles qualités vocales de Julie, énergique aussi bien que torturée, sensuelle et puissante, mais surtout si bien entourée de trois gaillards définitivement talentueux… Mademoiselle, Messieurs, chapeau !
Note finale : 8/10
Hydrogyn sur La Grosse Radio