Nine Million Witches, ou 9MW donc, c'est l'histoire de deux frangins, Ludovic et Damien Landeau, qui partagent leur passion pour le rock'n roll brut et sans chichis. Entendez par là que ce n'est pas un hasard s'ils parlent de "Heavy Blues" à propos de leur musique ! Remontant aux origines du style qui les fait vibrer, ils adoptent en effet des structures assez typiques du blues sur les couplets, mais n'oublient pas de proposer de gros refrains efficaces, étonnamment un peu sombres. Rétro oui, passéiste non ! Ce grand écart entre passé et présent se ressent également sur la production. Une bonne réverb' sur la voix, quand ce n'est pas de l'écho ou autre artifice, des guitares et une basse au son terriblement lourd, les frangins s'amusent avec la technologie moderne afin d'obtenir le genre de son que leurs glorieux ancêtres auraient pu chercher à obtenir s'ils avaient eu le matos nécessaire. Bonne pioche, puisqu'on bénéficie d'un son à la fois puissant et légèrement poussiéreux, granuleux, parfaitement adapté à l'ambiance.
L'ambiance, on l'a dit, n'est pas spécialement à la rigolade. Si l'influence bluesy est indéniable, les influences de 9MW ne s'y limitent pas, et savent également envoyer de gros riffs à l'occasion, qui tiennent davantage du stoner qu'autre chose ("Brooklyn Jazz Orchestra"), quand la voix plaintive de Damien fait merveille sur les couplets, au groove étonnant. Sombre, certes, mais qui n'oublie pas de faire ce qu'il faut pour donner envie de remuer du popotin, ou de balancer un solo de guitare bien senti, ou de faire jouer les pédales de disto et de fuzz. A ce stade vous l'aurez compris, la force du groupe est de parvenir, en piochant dans des univers éloignés dans le temps, à proposer leur propre truc. Certes, ce ne sont que 5 titres, mais ces 5 titres ont véritablement quelque chose d'entraînant et une couleur bien à eux. Non pas que les frangins réinventent le rock non plus, mais ils en livrent assurément leur version.
Ce qui se traduit donc par des titres de qualité, parmi lesquels aucun n'est en dessous des autres. "The Rascal Twist" entraîne l'auditeur tranquillement dans la danse (même s'il est dommage que le tambourin soit mixé trop en retrait), avec un clavier 60s et des parties de guitare aux petits oignons. Le groupe tisse sa toile tranquillement avant d'envoyer un riff un brin boogie, toujours avec de bonnes idées de mélodies, de breaks, et un refrain sombre qui tranche avec ce à quoi l'auditeur peut s'attendre avec un rythme pareil. "Last Century on Earth" tend carrément vers le grunge avec son ambiance à couper au couteau. Même le dernier titre, plus planant, n'est pas dénué d'une noirceur palpable. Plus que les structures et mélodies typiques du blues (ou de faire du blues rock conventionnel), 9MW en reprend l'esprit de dénonciation et le transpose à notre époque. En clair, ce EP 5 titres est en soi une franche réussite, qui nous fait attendre la suite de leurs aventures de pied ferme.