La persévérance. Qualité indéniablement obligatoire lorsqu'on se lance dans une carrière de musicien, de groupe, qui plus est dans le courant metallique. Bon nombres de formations se sont en effet usées et cassées les dents devant un trop grand manque de reconnaissance ou de moyens. Mais certaines résistent, tant bien que mal, contre et vents et marrées, et parviennent à réaliser l'un de leurs rêves : la confection d'un album studio signé par un label.
Un exemple : Instanzia. "Persévérance" en latin. Et cela tombe bien, puisque ce jeune groupe venu de Saint-Hyacinthe (Québec, Canada) nous sort cette année son premier album studio, ce lundi 22 novembre 2010, chez Metalodic Records. Une vraie histoire d'abnégation et de passion puisque le projet s'est crée il y a de cela 6 ans sur les ruines de Kurse. A force de travail et de foi en la musique, Ghosts voit enfin le jour en cette fin d'année.
Un homme : Alexis Woodbury. Compositeur, guitariste et même chanteur du groupe. De là à dire qu'Instanzia est le projet d'un seul homme, il n'y a qu'un pas que nous pourrions aisément franchir puisque toutes les idées de cet opus singulier sont nés de la plume et du savoir faire de ce jeune homme. Pour autant, Instanzia est bel et bien un groupe à part entière, qui a certes eu du mal à se "trouver" dans une formation stable mais qui évolue désormais comme une solide entité.
La stagnation ou le manque d'inspiration de la scène power metal mélodique, souvent soulignés par certains, se voient ici bousculés par cette formation toute fraîche mélangeant allègrement influences old school, touches plus modernes et personnalité affirmée. Et le chant d'Alexis n'est certainement pas étranger à cette troisième composante...
Car oui, le saviez-vous ? Certainement si vous avez lu mon interview avec le personnage réalisée il y a quelques mois, mais Alexis Woodbury a décidé d'assurer lui-même les parties chants, ne trouvant sur place aucun chanteur à sa convenance, s'efforçant ainsi de redoubler de travail pour atteindre un niveau non pas convenable mais carrément convaincant. Alors, même si nous savons que des corrections peuvent être apportées à l'enregistrement, on ne peut qu'être admiratif devant la prestation vocale du bonhomme, à la fois habitée, juste et originale.
C'est en cette originalité qu'Instanzia prend la majeure partie de son intérêt, d'autant plus que les mélodies vocales sont toutes inspirées et parfaitement pensées sur une musique rondement exécutée (les musiciens savent ici superbement manier leurs instruments) comme faite pour elles. Ou l'avantage de disposer d'un mastermind maîtrisant toutes les composantes créatrices. L'apogée du mariage chant/mélodie/paroles/musique étant probablement atteint sur "The Desert Fox", conclusion épique et historique (basée sur la vie du général allemand Erwin Rommel) dépassant les 11 minutes et nous renvoyant à travers le temps tout en accrochant une tonalité actuelle bougrement efficace.
Seulement 7 titres, remarquablement introduits par une introduction ("Omen") aérienne aux accents Dream Theater, mais une orgie musicale du début à la fin avec des chansons aux rôles bien démarqués. Si "Ghosts of the Past", quasi single éponyme de l'opus, nous ramène à un power riffé et racé qu'un Edguy n'aurait pas renié (ni même Running Wild sur quelques passages instrumentaux), un "Heavenly Hell" se démarque par sa touche nostalgique et ses envolées lyriques : le type même de la love song intelligente qui ne tombe jamais dans les poncifs de la "ballade niaise", touchant plus l'esprit que le coeur. Et c'est sur ce point qu'on se rend compte du pouvoir des paroles, à la fois simples mais précises et richement dotés de réflexions humaines. C'est pensé et proche de la personne, loin du dragon pourchassé gaiement dans les vallées enchantées...
"The Key", "Power of the Mind" et "Charming Deceiver" renforcent ce sentiment, illustrant l'exaltation d'ensemble à grosses doses de refrains accrocheurs et facilement imprimés dans nos têtes. C'est ça Instanzia, de la mélodie au service de la musique, des harmonies et des choeurs qui pourraient en rendre plus d'un jaloux. Que dire alors de "A Genius Who Believes", peut-être le titre le moins efficace/direct du lot mais qui sait révéler sa force au fil des écoutes, mettant en valeur plus ou moins volontairement l'album "Objectif Lune" des fameuses aventures de Tintin... de quoi faire frissonner la barbichette du professeur Tournesol !
Difficile donc de ressortir les défauts d'une première production maîtrisée, au son bien équilibré et professionnel. Certains regretteront peut-être parfois un manque de "puissance", mais Instanzia ne fait pas vraiment dans le heavy et décide de pleinement laisser place à ces arrangements frôlant le "symphonique progressif", un peu comme savent le faire Secret Sphere ou Vision Divine. Et c'est d'ailleurs dans cette gestion du son que l'on reconnaît ces quelques influences Pagan's Mind parfois revendiquées par le créateur. D'autres mettront en relief des choeurs pouvant s'avérer parfois un peu "too much" ou "trop en avant", ceci restant de toute façon une question de goût et très certainement un choix artistique délibéré.
Ce n'est donc qu'avec l'avenir et les prochains CD du groupe que nous pourront éventuellement mesurer les quelques éceuils présents sur ce premier disque. Car ce Ghosts, pour un premier essai, s'avère fort réussi. Et pourtant, connaissant bien le projet et son leader, je peux déjà vous affirmer qu'Instanzia est loin, très loin, de nous avoir offert ici tout son potentiel. Une maturité saura se mettre en marche, et certaines structures ou enchaînements quelques peu basiques repérés parfois ici ou là ne seront vite que souvenirs anciens. Même si ceux-ci resteront quoiqu'il arrive bons, très bons, à nos oreilles !
Note : 8/10
Interview d'Alexis Woodbury, leader du groupe Instanzia
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