Slough Feg, vous ne connaissez pas ? Bah ça tombe bien, faisons immédiatement les présentations. Combo formé il y a de cela des années, plus exactement 20 ans, et sévissant actuellement sur le label Cruz Del Sur Music, ces américains, anciennement baptisés The Lord Weird Slough Feg (original comme nom, vous ne trouvez pas ?), se sont renommés tout simplement Slough Feg (ça reste toujours original). Gageons qu'en tant d'années, notre formation a une belle et longue carrière derrière elle, et c'est en effet, en 2010, le 8ème album du groupe qui ainsi se présente aux auditeurs, qui attendaient le retour tant désiré de ce quatuor, et ce malgré que le précédent brûlot de la formation soit sorti l'année dernière. Mais comme on dit, un an, c'est long, et tout peut arriver. Tout, vraiment tout ? The Animal Spirits et sa pochette plus qu'énigmatique, sans nom ni titre, rien que le visage d'un vicaire ridé, menaçant et effrayant, serait un fiasco ? Ou une réussite, brillante et menée d'une main de maître par les musiciens ? La réponse après une courte page de publicité, un shampoing à la camomille et le dernier tube d'Helloween.
Sans parler de franche réussite, l'écoute se révèle tout de même agréable et même si des failles subsistes dans l'univers proposé par les californiens, on ne boudera pas son plaisir à l'écoute d'une galette plutôt bien rodée, aux bases solides, aux expérimentations loufoques, emmenant dans un heavy pas très traditionnel, mais un brin tout de même, et ce malgré les erreurs parcheminés ça et là.
Et on peut dire que galette, elle commence par une saveur bien épicée, un goût de vitalité et d'énergie qui fait un bien fou dès le départ, avec « Trick the Vicar », une intro peu commune, presque un morceau, car bien que durant moins de 2 minutes, la folle cavalcade des guitares et les vocaux qui accompagnent d'une manière intelligente cette entrée forment une mixture qui, sans faire dans la dentelle, montre que l'efficacité est probablement l'un des meilleurs moyens pour faire adhérer dès le départ à la mouture. Le titre suivant poursuit dans la lignée et continue dans cette voie, celle d'un heavy comme on l'aime, avec un poil de Black Sabbath tout de même. « The 95 Thesis » et ses accents hard rock plongent dans le bain, avec sa guitare baladeuse, entraînante, agréable, qui fait danser la tête et le corps, et l'on s'imagine fermant les yeux, guidés par la mélodie, et cette voix qui l'accompagne tout au long.
Dans le genre agréable et énergique, la conclusion, dénommée « Tactical Air War » et dépassant à peine les 2 minutes ne donne au moins pas la sensation de rester sur sa faim une fois l'offrande avalée et digérée. Enfin une formation qui a la présence d'esprit de ne pas termine son opus sur une ballade ou une chanson à la mollesse imbuvable. Ici, rien de tout ça, une semi-instrumentale (les lignes de chant étant plus des ricanements, ténébreux, obscurs), vivifiante et tonique à souhait, où les instruments prennent le pouvoir et s'expriment. Ne vous attendez pas vraiment à un hymne, ce n'est très certainement pas le but recherché, mais un headbang final, en beauté, voilà un pari tout à fait réussi !
En parlant d'instrumental, ne boudons pas notre plaisir et écoutons tous ensemble avec la plus grande joie la piste « Materia Prima » qui, à l'instar des deux précédents titres, est une bombe, et clairement l'un des meilleurs morceaux du skeud. Le rythme est parfois bluesy, une pointe jazzy, un tantinet heavy, et très hard rock période 80's, ce qui devrait ravir les nostalgiques et les fans de cette période, considérée par un grand nombre comme l'âge d'or de ce style. La batterie s'agite, les lignes sont magnifiquement diversifiées et variant le plaisir, passant en crescendo sur la puissance, commençant de manière plutôt calme, et progressivement, augmentant en force, en dynamisme et lâchant la sauce sur la fin, s'intensifiant dans le côté heavy. L'apogée finale submerge, un véritable délice.
Dans les accents hard rock, nous retrouvons également un titre assez inhabituel, plutôt spécial, peu commun, nommé « Kon-Tiki ». Un début assez lent, et même fatiguant, se trainant un peu en longueur. Mais une fois lancée dans une folle course, la mélodie ne s'arrête plus, changeant, adoptant une tournure plus rapide et plus enthousiasmante. Et là, on se prend au jeu, avec cette accélération, ce chant se faisant moins lancinant. Puis, à la fin, légère retombée, mais l'impression d'ennui est absente, et le laps de temps bien plus court, faisant passer avec plaisir cette fin.
Morceau mid-tempo, ballade sans en être une, « Second Coming » ennuiera aussi vite qu'un discours de Nicolas Sarkozy. Pas un moment de décollage malgré les guitares qui se manifestent plus sur la fin, un long moment, plat, monotone, monocorde de part les vocaux, et les 4 minutes semblent en durer 10. Il est dommage de constater l'échec de Slough Feg dans cet exercice, révélant au passage les faiblesses du chanteur.
D'ailleurs, c'est ce qui révèlera le plus grand point faible de ce nouveau brûlot des californiens : un album en dent de scie, où le bon, voir très bon, côtoie régulièrement l'insipide, faisant ainsi passer de la léthargie à la joie, et vice-versa. Un contraste souligné avec l'alternance « Free Market Barbarians »/« Lycanthropic Fantasies ». Si la première, avec son côté stoner, évoquant par instants les derniers Grand Magus ou Spiritual Beggars, fait miracle, de part sa courte durée, laissant place à la réussite, sans en renier la technique pour autant, la seconde, elle, ennuie et laisse de marbre, faisant retomber l'enthousiasme accumulée, qui continuera à descendre au fil des morceaux. Ce qui est dommage, c'est celle sensation de bien commencer et de terminer par du remplissage, des pistes bateaux, sans réel intérêt, si ce n'est que de faire gagner quelques minutes à ce The Animal Spirits. « Lycanthropic Fantasies », trop redondante, peut être aisément sautée lors de l'écoute.
Dans un registre similaire, « Ask the Casket » passe agréablement bien, avec ce côté un peu folk, garni d'une petite pointe de mélancolie. Légèrement rêveuse, l'atmosphère est un peu celle d'un bistrot la nuit, où l'on chante, partiellement éméché, après une longue journée de boulot, dans des temps anciens. « Heavyworlder » semble en être la continuité, prolongeant l'ambiance, avec une rythmique très similaire, mais en comparaison, elle est trop dérisoire et ne se démarque pas assez pour pouvoir convaincre, faisant apparaître une forme de linéarité qui remet encore une fois en question la qualité de composition du quatuor.
Comble de l'achèvement, « The Tell-Tale Heart » est un morceau qui laisse mitigé. Autant il possède de bonnes idées et de bonnes mélodies, avec des solos agréables, qui font mouche et atteignent leur cible, un chant plutôt convaincant et un début sympathique, autant lorsqu'il tombe dans le passage atmosphérique sorti de nul part avec la guitare acoustique, la lassitude pointe le bout de son nez et nous hante. Vos paupières sont lourdes, très lourdes … la séance d'hypnose a commencée. Et soudain, petit à petit, ça repart comme avant. Déroutant, et somme toute, inutile.
Côté de la production, c'est plutôt bon, malgré quelques légers soucis. Sous-mixage régulier de la voix, des guitares parfois trop reculées, un son qui se fait hasardeux et étouffant, un peu de trouble vient s'immiscer. Mais globalement, peu de défauts en particulier, l'écoute n'étant nullement compromise par ces quelques erreurs.
Le vocaliste de notre bande, il porte le nom de Mike Scalzi et a déjà officié chez un autre combo américain, Hammers of Missfortune. Son timbre, chaleureux et plaisant, peut faire merveille sur les titres, collant parfaitement à l'esprit qui s'en dégage, avec la voix parfaite pour le hard rock/le heavy. Mais malheureusement, lui aussi présentera ses limites, avec un petit manque de puissance se faisant ressentir par endroits, et trop de linéarité également, manquant le coche pour nous impressionner. De plus, son chant se retrouve parfois dénué d'émotions, dommage car les vocaux sont de qualité.
Concluons en disant que cet opus, bien que bon, ne restera pas en mémoire. Malgré une légère touche d'originalité et une écoute qui se révèle dans son ensemble plaisante, le tout est cependant encore très bancal et manque d'une certaine cohésion. Trop de remplissage nuit à l'ensemble, et le manque d'un véritable hymne au refrain fédérateur également. Des défauts à corriger pour pleinement exploiter un potentiel qui, chez Slough Feg, ne demande qu'à se libérer. The Animal Spirits est un bon brûlot, un moment sympathique, mais qui ne restera pas dans les mémoires. Peut mieux faire.
Note finale : 6,5/10