The Dogma est un groupe italien atypique créé à Ancône en 1999 et qui traîne depuis son sillage dans un monde du power metal européen assez surchargé. Et je ne parle même pas ici de la scène transalpine !
Pour survivre et se faire un nom, le quintet a su se réinventer et s'affirmer en intégrant de plus en plus d'influences au fil d'une carrière déjà riche : 1 EP et 3 albums dont ce nouvel opus sorti chez Drakkar Records le 3 décembre dernier.
Au-delà d'un heavy power aux touches speed, certes de qualité, The Dogma a peu à peu intégré ce côté symphonique-gothique, s'appuyant ainsi sur le brio de chacun des musiciens et sur la voix très typique de Daniele Santori. On pensait que A Good Day to Die, suite plus mature mais peut-être moins marquante d'un excellent Black Roses en 1er LP, constituerait déjà le début d'une stagnation pour le combo italien. Bien au contraire, cette nouvelle galette intitulée Black Widow poursuit leur marche en avant et nous révèle de bien belles surprises...
Car si The Dogma ne réinventent rien au niveau musical large, ne tentent pas d'expérimentations post-prog-avantgarde ou que sais-je encore, ils savent plutôt bien s'accomoder des divers emprunts faits ici et là, entre fun et sens de l'humour plutôt sombre, thématique gothique volontairement cliché ou modernisme savamment dosé.
Alice Cooper, Edguy, Nightwish, Kiss, Mötley Crüe, Therion, Lordi, Type O Negative, Helloween, Iron Maiden, Linkin Park... Mélangez pêle-mêle ces groupes et leurs apports au monde du metal/hard rock, vous obtiendrez un cocktail veuve noire dogmatique des plus transcen(glant)ants !
Tout y passe, entre riffs absolument imparables sur le tube "Dirty Dark Diane" (que les monstres finlandais vainqueurs de l'Eurovision en 2006 ne renieraient pas) ou arrangements symphonico-electro-goth présents quant à eux un peu partout sur le CD, rien ne semble être laissé au hasard pour satisfaire nos oreilles et même ouvrir nos horizons. Avant de revenir sur ce point capital qui fait le succès de The Dogma, quelques mots sur ce single (utilisé comme support vidéo, à prendre au second degré bien évidemment) qui explose tout sur son passage, en une accroche et un cliché du genre comme sublimés par une énergie mélodique hors du commun. Du grand art, et cela tombe bien puisque les auditeurs de La Grosse Radio Metal ont la chance de pouvoir l'écouter dans le mix depuis quelques jours !
Ouvrir des horizons donc, la grande force de cette formation transalpine qui n'a décidément peur de rien. Votre serviteur peut vous le confirmer : si vous êtes d'une humeur mélodique et metal "simple", The Dogma saura même vous faire apprécier certains points que vous seriez amenés à détester dans certains groupes plus mainstream. Je parlais de Linkin Park dans le mélange initial, il est étonnant de constater par exemple que la chanson "Eternal Embrace" débute exactement comme une chanson de ce groupe américain souvent décrié par les true metalleux. Et pourtant, rien ne semble incompatible avec The Dogma...
... Pas même les growls ! Proches d'un gothicore/emo/metalcore/death melo difficile à décrire, ils sont exécutés à plus d'une reprise tout au long de l'album. Et ceci sans la moindre gène, alors que là encore ils auraient pu en irriter plus d'un dans un contexte tout autre. Prenons "Mindfreak" qui, si elle n'est pas la meilleure chanson du disque, fonctionne parfaitement et sait puiser son énergie dans une voix extrême quasi déjantée. Mais le must se situe clairement au niveau du grandissime "Gore Gore Girls", morceau que j'aurais clairement dû détester à la base, mais qui potentiellement s'avère être ma piste préférée... Le refrain, entre douceur et chant crié, disons même "chant gore", s'harmonise parfaitement et laisse presque rêveur. Comme cela est étrange...
Avec ce Black Widow, nous pénétrons clairement le Bizarre, l'extra-sensoriel, l'oeuvre à part entière. Les touches quasi-romantiques entre ballades et chansons pénétrantes d'émotion ne parviennent même pas à plomber l'ensemble et laissent la possibilité d'un certain recul, entre "Lost Forevermore" et le magnifique final tout en douceur "All Alone", ou comment transformer le cliché-sucré en simple beauté. Sombre certes, mais tout de même...
Et le reste ? On navigue entre heavy-power et gothique, sans sourciller : L'éponyme "Black Widow" pouvant s'apparanter comme le second single du brûlot, la très puissante "The Bride Is Back" se voulant probablement un hommage (ou une suite) à "Devil's Bride" (un des titres phares du premier CD) et "Sister Pain" enfonçant un bon clou dans le cerceuil gothique sans pour autant il est vrai encenser les chaumières. Mais que dire alors de "The Fate of the Leaders" et sa mélodie entraînante, parfaite, originale même, pénétrant quelque chose d'insaisissable en quelques notes ? Sans oublier les expérimentations orientalo-folkisantes d'un "The Nature and the Icelander" mid-tempo nous rappelant presque dans son intro la bande son du film Gladiator et annonçant peut-être une suite encore plus profonde dans la carrière du groupe...
Il n'y a donc, en soi, rien à jeter. L'album, d'une traite, se déguste d'ailleurs fort bien et ne subit aucune véritable baisse de régime ni même de lassitude. Un très bon signe. Reste à dire quelques mots sur les paroles... allant du cliché ridicule aux belles histoire, elles s'avèrent donc inégales mais collent globablement aux thématiques de chaque chanson. Rien d'autre à redire sur point, pas plus qu'il n'y a à redire d'ailleurs sur la production quasi parfaite et la performance de chacun des zicos, visiblement heureux de performer ensemble.
Vous l'aurez compris, The Dogma nous sort en cette période hivernale un des meilleurs albums de l'année 2010, flirtant d'ailleurs avec mon top 10 personnel. Nous pouvons cependant être persuadés que nos amis italiens n'ont pas dit leur dernier mot et saurons encore mieux faire par la suite... C'est dire à quel point nous pouvons les placer parmi les valeurs sûres d'un style, le power metal mélodique, qui avait bien besoin de telles prises de risque.
Note : 8.5/10