Aborder le disque d'un groupe à la croisée des genres ne se fait pas toujours dans un état d'esprit serein. Les nombreux ratés et mariages interdits (comme Van Canto, par exemple) pullulent sur la scène metal et c'est dans de telles conditions que King Woman se lance à l'aventure du premier EP. Inconnus au bataillon, les Américains souhaitent eux aussi marcher sur le sentier brumeux de l'originalité grâce à leur premier EP Doubt, mélangeant des styles semblant somme toute antinomiques : le sludge et le shoegaze. Une mixture improbable par une formation semblant inexpérimentée car encore jeune, tout laisse à croire que ce jet risque d'être un cuisant échec.
Pourtant, l'écoute révèle une formation bien plus compétente qu'aux premières apparences. La volonté d'officier dans ces courants musicaux que tout oppose est culottée mais le quatuor tire son épingle du jeu grâce à un indéniable professionnalisme et un sens de la composition cohérente qui force le respect. Parvenir à conserver à la fois la facette rêveuse et éthérée du shoegaze et l'aspect lourd et oppressant du sludge n'est pas à la portée du premier venu mais ces musiciens parviennent à fusionner tous ces éléments de manière parfaitement naturelle. Le premier point est surtout assuré par les vocaux qui flirtent avec la dream pop tandis que l'enrobage entourant cette voix frêle avance avec lenteur, la section rythmique contrastant agréablement avec la voix de Kristina Esfandiari. Une démarche qui ne manquera pas d'évoquer Subrosa, tant les caractéristiques communes entre les deux entités sont palpables.
Bien que le disque soit composé plus que correctement, il est difficile d'extraire un titre se dévoilant davantage. L'ensemble des titres tient la route, mais le disque se revêt d'une certaine dose de linéarité tant les ficelles utilisées sont similaires. Cela dit, l'EP n'est composé que de quatre pistes, ce qui permet de relativiser quant à une éventuelle lassitude et de constater que King Woman peut surprendre son auditoire par la suite. D'autant plus qu'un morceau comme « Burn » synthétise toutes les qualités présentes au sein de l’œuvre : riffs hypnotiques, lignes vocales rêveuses et éthérées, timbre léger et innocent, interprétation sans faille d'une Kristina séduisante dans son rôle de frontwoman, tout est là pour captiver. Les autres titres ne sont pas de vulgaires calques de ce morceau, et instaurent une atmosphère qui maintient l'attention sur toute la durée de Doubt.
Habiles et talentueux compositeurs, les quatre américains de King Woman sortent une mise en bouche plus que prometteuse. Avançant hors des sentiers battus, le combo a toutes les cartes en main pour enfoncer le clou avec un futur premier album réussi. Ne reste qu'à trouver quelques idées neuves afin de ne pas tomber dans la répétition, et le tour est joué. Ce n'est pas tous les jours qu'une formation sorte de la masse. Ne trahissez pas ces belles promesses.