Ava Inferi – Onyx

Le ciel s'assombrit, la lumière laisse place à l'ombre, la nuit se lève, glaciale et inquiétante, et le théâtre de vos angoisses s'ouvre à nouveau. Le groupe occulte portugais Ava Inferi sort des entrailles de la terre et vient hanter les limbes de votre conscience avec Onyx, leur 4ème opus qui sort chez Season of Mist en Février 2011. Chair de poule tout d'un coup, n'est-ce pas ? Non, même pas un peu ? Bon, pour faire court, et pour donner des lettres de noblesse au combo d'Almada, rappelons qu'il a été fondé par le guitariste Rune Eriksen, ex-membre du groupe norvégien Mayhem, et que la chanteuse Carmen Simoes a déjà participé à quelques productions et concerts avec Moonspell. Alors, avec 5 membres (ajout d'un guitariste au combo), et déjà 3 albums derrière eux, voici une preuve que nous n'avons nullement à faire à des débutants. Mais ne vous attendez pas à du black metal, ici, du doom/metal gothique viendra vous chatouiller les oreilles. En de plus, n'existant que depuis 2005, il est à constater que ce groupe est bien prolifique. Cependant, si Burdens était de qualité, il faut avouer que The Silhouette et Blood of Bacchus, sans être mauvais, n'avaient rien de marquants. C'est donc au travers de 8 nouveaux titres qu'Ava Inferi va devoir convaincre à nouveau.

 

Pourtant, il faut bien reconnaître que les portugais possèdent une identité bien marquée, et que, même s'ils évoluent dans un univers qui peu sembler parfois en parallèle avec le reste des formations du genre et constituer pour beaucoup un défaut majeur du groupe, cela donne quand même un certain titre et une personnalité belle et bien présente dans les compositions qui peuplent les différentes galettes made in Portugal.

 

D'ailleurs, sur Onyx, cette identité est perceptible à nouveau et le quintette évolue toujours dans son propre univers, dans sa ligne personnelle, sans se soucier des sorties actuelles et gardant cette façon de mêler metal gothique et doom, avec un lot certain d'occultisme et d'ambiances sombres et glaciales qui pèsent au-dessus des têtes. Ce qui est à noter, c'est que les deux genres phares de la formation sont eux aussi conservés et la balance est toujours équilibrée entre l'un et l'autre. On retrouvera donc des éléments plus oppressants, des tempos lents du doom avec des morceaux comme « Onyx » (ou les rires de Carmen, désormais célèbres des fans, se retrouvent) ou « The Living End », ou des ambiances plus proches du metal gothique comme sur « By Candlelight & Mirrors ».

 

Ces atmosphères, les portugais aiment à les préserver et même à les renouveler, puisque bien que similaires certes, elles ne donnent pas dans l'auto-plagiat et s'illustrent de leur beauté qui unissent la lourdeur des massives guitares avec ce chant aérien et délicat. Constat bien présent sur un titre comme « The Living End » où, sur le refrain, le rythme est lent et les instrumentations bourdonnantes, tandis que la voix de la chanteuse s'envole vers d'autres horizons, apporte un rayon de soleil dans l'obscurité. Pour accentuer cette opposition et ce côté clair-obscur, une voix masculine vient se greffer sur le refrain, contrastant avec le chant lyrique de la chanteuse. Des sonorités qui fondent le petit monde d'Ava Inferi, tant le climat général de cette offrande se fonde dessus.

 

En parlant de puissance, « Majesty » se démarque très clairement des autres pièces constituant le nouveau brûlot du groupe. Ici, la guitare prend réellement le premier plan sur le refrain, ou encore au début du titre, et assène un coup puissant qui permet de relever la sauce, tandis que de ses cordes vocales, Carmen est toujours si douce et lumineuse, mais malgré tout n'hésite pas à faire des incursions dans les tons plus graves, pour varier les ambiances et montrer sa maîtrise hors-paire. Un chant magnifique qui prend aux tripes immédiatement.

Dans ce type, « Onyx » peut également se remarquer, morceau plus en décalage et mise en bouche parfaite pour la suite. On félicitera cette initiative qui peut sembler une prise de risque si l'on regarde le passé du groupe, car l'auditeur n'a pas été habitué à pareille pièce d'introduction de la part des portugais.

 

Si vous êtes en recherche de quelque chose de plutôt épuré, avec un petit côté des vieux Theatre of Tragedy flottant dans l'air, « By Candlelight & Mirrors », morceau véritablement le plus « gothique » de l'opus viendra vous combler. Délicat, subtil, beau, trois qualificatifs de choix pour dresser le portrait d'une piste qui se laisse guider par la douceur et le raffinement du superbe chant féminin, qui nous guide pour mieux nous perdre, prenant des facettes multiples, et nous emmenant d'un monde à un autre. Une perle parmi cet océan de délices. Dans la même veine « Venice in Fog » est la conclusion idéale, avec les envolées lyriques qui se révèlent du meilleur goût. Le morceau est posé, habile, avec cette touche prenante malgré le climat glacial et triste qui règne.

 

Malgré tout, il est parfois un peu difficile de trouver un titre qui se dégage du lot et s'expose au grand jour car, en réalité, il faut avouer que chaque piste est une réussite et comporte son lot de surprises et ses ingrédients qui les rendent uniques, part importante de la musique délivrée. « The Heathen Island » et son solo à tomber, ses riffs puissants et son climat de frayeur, avec cette voix narrée masculine, tel un discours militaire, piste la plus longue de la galette, est si prenante qu'elle passe extrêmement rapidement et l'on est aspiré par la beauté de la pièce.

 

« A Portal » est tout simplement magistrale, avec son refrain envoûtant (et le mot est faible), sa lenteur renforce encore davantage l'attachement qui se noue pour ce morceau de grande qualité, les émotions sont multipliées et, tout comme sur l'offrande en général, pas une once d'ennui n'est à chercher tant la maîtrise de chaque musicien est parvenue à reconstituer un univers musical qui donne envie de s'y plonger, de se laisser emporter par ce délice obscur et dangereux, et surtout, ne plus s'en détacher.

 

Allez, bon, si parmi cet océan de perfection il fallait trouver une faille, quelque chose qui cloche, on parlerait de moments plus hermétiques et de petites longueurs comme dans « ((Ghostlights)) » qui traine la patte par-ci par-là, mais que pendant des moments courts, et qui ne gâchent quasiment rien à la beauté du morceau avec des petits échos à Burdens. Et le chant de la demoiselle est si beau et lancinant qu'il est impossible de ne pas craquer complètement.

 

La production, elle, est impeccable et colle de manière irréprochable à ces ambiances occultes et mystiques, diffusant encore plus fortement cette noirceur et ces ténèbres qui viennent vous hanter jusqu'au dénouement final. Même la basse est audible et apporte sa pierre à l'édifice de la beauté, c'est dire. Et le jeu très diversifié de chaque musicien se retrouve mis en avant et prouve encore la grande technique de ces portugais.

 

Comment ne pas succomber, tomber sous le charme de la voix pure et subtile de Carmen Simoes ? En effet, la chanteuse possède définitivement un timbre à tomber, un chant lyrique qui ne joue pas sur la technique pure mais en grande partie sur l'émotion, le but premier étant de faire pénétrer son auditoire dans la dimension Ava Inferi. Non seulement, le résultat est là et ça fonctionne, mais en plus, il est à noter des améliorations de la part de la portugaise et une meilleure utilisation de sa voix, ses lignes de chant étant bien plus variées, là voilà dorénavant portant plusieurs masques et alternant entre chacun d'eux à sa guise, se révélant ainsi comme une vocaliste compétente qui sait se faire mélancolique, sombre, éthérée, glaçante, poignante, discrète ou prendre la part du lion, le tout avec aisance et grâce.

 

Ne passons pas par quatre chemins pour dire qu'Onyx est une excellente surprise et montre le talent des musiciens du quintette portugais. Irrésistiblement beau, des ambiances sombres, prenantes, un chant magique, des titres qui passent si vite tant ils sont prenants, nul doute que ce nouveau brûlot d'Ava Inferi se classe parmi les meilleures sorties du genre et apporte quelque chose au metal gothique/doom metal. Ce croisement qui s'effectue avec dextérité, l'une des forces de la formation, qui nous livre donc son opus le plus abouti à ce jour. Et ça force le respect.

 

 

Note finale : 9/10

Myspace d'Ava Inferi

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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