Iluminato – Reflections of Humanity

Avec ses jeunes loups prometteurs, le Brésil fait bien souvent parler de lui ces temps-ci. Et si vous ne suivez pas vraiment les actualités du metal, honte sur vous, et allez jeter une oreille sur Kriver, Hydria, Shadowside ou Hibria. Une scène en pleine explosion, qui commence à attirer une certaine exposition, grand bien leur en fait par le talent des formations citées ci-dessus. Mais parfois, le Brésil, aussi exotique, peuplé et bourré de bonnes surprises soit-il, peut aussi réserver quelques déceptions et amertumes, et il vous sera conseillé de ne pas trop vous attarder sur Semblant ou Noturna, à titre d'exemple. Pas le temps de s'attarder et venons-en à l'objet de cette lecture : Le premier album, nommé Reflections of Humanity, d'un nouveau combo de la terre où l'on parle le portugais et fête le carnaval de Rio. Celui-ci, il se nomme Iluminato, et nous sort une auto-production de 10 morceaux en ce début d'année 2011. C'est le moment de juger du potentiel de cet étonnant duo.

 

Précision stylistique importante, qui paraît essentielle avant de continuer de lire. Le metal « gothique », ce n'est pas ce que fait actuellement Delain, ou même leur premier album, il en va de même pour Nightwish, UnSun et consorts, qui font du metal symphonique, pour certains lorgnant totalement du côté de la pop, et affichant une étiquette marketing easy-listening sans aucun remord. Le metal avec voix féminine n'est pas forcément gothique, une ânerie que l'on retrouve à tous les coins de rue. Et si vous voulez d'un chant féminin, les groupes dits gothique se tourneront plutôt vers le début de la carrière de Theatre of Tragedy, d'Estatic Fear, de Penumbra, des vieux Tristania et Sirenia, The Sins of Thy Beloved, On Thorns I Lay, Macbeth, ou encore les premiers Lacuna Coil.

 

Bingo, Iluminato se situe dans la droite lignée de ce type de formations, par des ambiances très sombres, glaciales et se fondant sur la dualité dite « Belle et la bête », que beaucoup croyait mort et que nos brésiliens s'évertuent à faire renaître avec un certain brio. Le contraste entre les grunts puissants, agressifs, destructeurs de Pablo Ferreira et la voix angélique, très éthérée, délicate et avouons-le, vraiment très belle de la jeune Liz Demier (une telle maîtrise vocale à seulement 18 ans force le respect) est l'un des piliers de ce brûlot, les morceaux se fondent sur cette structure à de nombreux points, sans pour autant tomber dans la répétition ni l'ennui. La balance est bien assurée, chacun prenant sa part respective et le partage équivalent entre les vocaux de l'un ou de l'autre renvoient directement à cette époque, dans les années 1990 ou au début des années 2000, l'âge d'or du metal gothique, cette douce nostalgie fait l'effet de la madeleine de Proust.

 

D'ailleurs, il faut tout de suite le reconnaître, notre duo ne réinvente absolument rien et réutilise totalement les codes du genre, à savoir dans les ambiances presque proche du doom, des guitares lourdes, placées au premier plan et contribuant du début à la fin à créer cette structure, ce squelette qui unit les différentes pistes, avec alternance régulière des chants. Pas d'originalité particulière, certes, mais en revanche, là où les brésiliens frappent fort et font mouche dès les premières écoutes, c'est dans leur capacité à réveiller en tout fan du genre les vieux souvenirs des albums cultes du genre, et nul doute qu'un Enter de Within Temptation ou Velvet Darkness They Fear de Theatre of Tragedy vous reviendront à l'esprit. Nul doute qu'ils sont sur la table de chevet de Liz et Pablo.

 

Les morceaux, quant à eux, baignent dans une délicieuse homogénéité, à la fois défaut et grande qualité. Préjudiciable car aucun refrain ne parviendra à être complètement mémorisé, aucun morceau ne fera un bond spectaculaire dans votre esprit et vous donnera envie de revenir sur celui-ci en priorité. Mais tous les titres sont en revanche de qualité, possédant une âme et un son caractéristique, et si ce n'est pas une piste qui déclenche le désir d'écouter Reflections of Humanity à nouveau, c'est l'album tout entier.

 

Les titres réussissent quand même à varier dans les rythmiques et les instrumentations. « Helm of Blindness » est plus soutenue, la musique n'hésitant pas à s'accélérer de temps à autre, lâchant le frein et envoyant des riffs qui parfois se rapprocheraient presque du black metal, et il en va de même pour les plans de batterie. Le chant masculin se taille la belle part du gâteau. « Imperial Heart » et « Hell » préservent également les deux faces musicales plus rapides et incisives, ou plus lente mais également plus touchant. C'est souvent à ces moments que Liz fait son apparition, transportant autant d'émotions dans sa voix cristalline que Sharon den Adel, et l'envoûtement peut s'accomplir avec aisance et grâce. « Aurea » et son long passage au piano est la plus belle preuve de la finesse, la subtilité et le charme de la jeune vocaliste, tant d'aisance et de sincérité ne pouvant que convaincre. S'il fallait trouver une pépite, alors peut-être que « Betrayed Soul » aurait sa place, tant cette impression de ciel obscur s'accentue par les growls sombres de la bête, les guitares changeantes et lourdes, qui s'éclipsent parfois pour faire place à de superbes éclaircies, rassurantes, amenées par plus de lenteur, une voix féminine à tomber, un clavier polyvalent et de superbes choeurs. Une piste tout à fait représentative du style musical. Dans un registre similaire, « The Last Road » reprend à peu près les mêmes codes et fait mouche également, prouvant la qualité de composition et le talent des deux musiciens sud-américains.

 

Cette collection de pièces gothiques souffre malheureusement d'un défaut qui peine parfois l'écoute au niveau du plaisir. Une meilleure production par des moyens plus conséquents aurait permis d'accentuer encore davantage le dialogue, parfois même affrontement (la rage des grunts/l'innocence féminine) entre les deux protagonistes. Même si l'ensemble n'est pas désastreux et que malgré tout le son reste tout à fait correct, il manque de cette ampleur et de cette puissance qui aurait pu être un énorme avantage pour rivaliser avec les meilleures sorties du genre sur ce plan, car au niveau des pistes qui peuplent ce coffre au trésor, alors là, la séduction est accomplie depuis bien longtemps.

 

L'ombre et la lumière, la thématique du clair-obscur, voilà quelque chose qui peut facilement être rattachée à Reflections of Humanity. Avec ce premier opus, les brésiliens d'Iluminato évoluent avec beaucoup de dextérité et de brio dans le registre du metal gothique traditionnel, celui de la belle et de la bête, qui fut laissé à l'abandon au profit de la facilité pop-rock et d'un sérieux manque d'ambition musicale au profit d'un versant commercial au contraire très affirmé. Refusant de tels carcans et même s'ils ne révolutionnent pas le style, Iluminato maîtrise son art de A à Z et propose une galette authentique, sincère, qui ne cède en rien aux sirènes de la facilité et nous fait redécouvrir un genre abandonné depuis quelques temps, ou se faisant trop discret. Espérons simplement que dans un futur proche, le duo puisse mettre plus de moyens à leur musique, car voici le manifeste d'un potentiel futur grand du genre, qui pourrait aller loin compte tenu du jeune âge des membres. Et c'est tout ce qu'on leur souhaite.

 

 

Note finale : 8/10

Myspace d'Iluminato
Site officiel où vous pourrez trouver l'album en téléchargement légal et gratuit



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