Remontons dans le temps, environ 5 ans plus tôt. Ce n'est pas loin certes, ça fait flashback de mauvaise comédie, mais c'est suffisant pour poser les bases de cette introduction. Un nouveau potentiel semble avoir été déniché, quelques fans de hard rock sont enthousiastes, se ruent chez leur disquaire préféré, celui qui vend les meilleures sorties au prix le moins cher, là où on trouve tout ce qu'on pense ne pas trouver, l'euphorie garantie. D'accord, il y a une certaine exagération, mais il n'empêche qu'Eden's Curse, emmené par son charismatique leader américain Michael Eden (le combo venant en revanche du Royaume-Uni) fut quand même désigné par certain comme un futur grand de la scène. Et il faut reconnaître que les deux premiers opus étaient dans leur genre plutôt agréables, sans révolutionner le hard rock. Notre quintette fut également très productif dès les premières années, multipliant EP, live acoustique et albums.
Malgré tout, le temps entre les deux albums que sont The Second Coming et la nouvelle galette à paraître le 18 Mars 2011 sur AFM Records baptisée Trinity reste de trois ans, un temps qui, si l'on regarde la chronologie des sorties du groupe, ce laps de temps bien plus long que l'espace réservé aux précédentes sorties pourrait annoncer du changement.
Pourtant, une fois l'introduction à ambiances religieuses passées, les deux premiers titres que sont « Trinity » et « Saints of Tomorrow » renouent avec le combo laissé 3 ans auparavant. Des morceaux qui, tout comme le reste de l'opus, restent dans les canons du style, ne cherchant nullement à s'en éloigner, avec parfois de maigres incursions dans le heavy/power qui donnent un peu plus de pêche et l'allure aux titres proposés par les britanniques. « Black Widow » est l'exemple parfait, tant le titre pourrait se retrouver sur un brûlot d'Helloween par exemple. Coïncidence amusante lorsque l'on sait qu'Andi Deris se retrouve sur la même piste, son chant rauque contrastant avec la voix plus aigüe d'Eden afin d'offrir de la part des deux compères une bonne prestation.
D'ailleurs, si les titres restent globalement ancrés dans une veine classique, il est impossible de ne pas reconnaître qu'ils sont vraiment bien construits. Entre un « No Holy Man », un « Dare to be Different » ou encore « Saints of Tomorrow », le fan du genre prendra vraiment son pied au fur et à mesure que l'album défile. Seulement, l'excellent n'est pas toujours maintenu et de l'essoufflement se fait fortement ressentir. Si le début du brûlot s'avère de bonne qualité, l'enchainement des trois premiers titres (dont « No Holy Man » avec James LaBrie qui livre une honorable performance, il devrait faire ça plus souvent avec Dream Theater) éveillant les esprits et donnant envie de se presser à écouter la suite par enthousiasme. Et là, c'est le drame. A partir de l'ennuyeuse (et encore) ballade « Guardian Angel », un ventre mou s'installe et ne parvient plus à repartir avant « Black Widow ».
Et malgré tout cela, ils peuvent être bons, ces titres. « Dare to be Different » pourrait être un véritable tube, d'autant plus que le côté vocal est bien exploité et que le frontman s'évertue, tout comme dans le reste de l'opus, à varier sa voix de manière plaisante, avec son timbre si agréable bien qu'ayant toujours cet aspect de déjà vu qui traverse bien trop l'album. Mais à part le refrain, il manque un tantinet d'un moment fort, un défaut qui va d'autant plus frapper l'offrande toute entière, ne permettant pas vraiment aux pistes du milieu d'album de se faire une place au soleil parmi l'assemblage des pièces classiques et bien codifiées. De même que « Can't Fool the Devil » est incisive et sympathique, mais ne titillant pas les tympans autant que l'on espèrerait après une ballade sirupeuse et reprenant tous les clichés du hard FM.
Au fond, n'aurait-il pas été mieux pour Eden's Curse d'exprimer une personnalité plus affirmée par des compositions plus personnelles que d'étaler un assemblage d'influences et d'hommages qui lassent rapidement tant le résultat sonne impersonnel et déjà entendu ? Avouons qu'il y a malgré tout un véritable talent qui se démontre par la musique des anglais, mais malheureusement d'autres sont passés par là avant, et on fait mieux. Pour les influences, on retrouvera un peu de Bon Jovi, de Deep Purple, d'Helloween, pour situer la lignée dans laquelle le quintette évolue.
Ainsi, il est donc facile d'effectuer un découpage de la mouture : il suffit d'écouter les 4 premiers titres et les 3 derniers pour ne pas trop s'ennuyer, et de prendre plus à part « Can't Fool the Devil » et « Dare to be Different » pour ne pas les laisser se noyer dans la masse. Ou, si vous voulez profiter tout simplement des pistes qui peuvent retenir l'attention, évitez donc tout bêtement « Guardian Angel », « River of Destiny » ou « Children of the Tide », tout bonnement plantées dans les poncifs, les carcans du hard FM sans proposer mieux que les clichés, voir les renforçants.
Gros problème de ce skeud qui ressort : si une bonne partie des morceaux sont bons, avec des refrains toniques et des guitares incisives, le tout avec la voix de Michael Eden, chanteur charismatique à la présence très appréciable, le manque de moments forts se fait sérieusement ressentir, et aucun titre ne tire véritablement son épingle du jeu, pouvant laisser un sentiment de lassitude assez récurent au fur et à mesure des écoutes. Heureusement que le chant lui est très souvent d'un niveau excellent, avec des modulations de bon aloi, et qui plus est, la voix est plaisante à l'oreille, un cadeau de plus. Un défaut cependant, c'est le manque de présence qui peut faire perdre du charme aux pistes, comme sur « Rock 'n' Roll Children », reprise de Dio, où le résultat est bien ficelé instrumentalement mais manque un peu de relief côté chant.
Notons que la production, de son côté, est tout à fait satisfaisante, dans les attentes du hard rock, avec un volume clair et carré, qui cependant à tendance à parfois placer les guitares un peu trop en retrait par rapport au frontman, ou de lisser légèrement le son, faisant perdre en agressivité, ce qui est un peu regrettable pour un album en général musclé et agréable. Mais les exigences et le cahier des charges sont remplis, pas de bouillie sonore à l'horizon.
En général, Trinity reste donc un album mature et bien structuré, n'hésitant pas à placer un peu de puissance et de lâcher des riffs, mais restant en général bien trop classique, peu inventif et malgré des mélodies souvent accrocheuses et toniques, pouvant entrainer un peu de lassitude par un manque de diversité et une forte impression d'avoir déjà entendu les pièces quelque part. Un manque d'inventivité, une identité plus marquée doivent être trouvées pour ainsi espérer se mettre plus en avant. Et avec le potentiel d'Eden's Curse, il est fort probable que ces défauts peuvent être comblés adroitement. Ne reste plus qu'à abandonner cette tendance à céder à la facilité et aux clichés au profit d'un peu d'inspiration et de refrains fédérateurs pour trouver le bon chemin. La route sera peut-être longue, semée d'embûches, mais le sommet n'est plus si loin. Plus qu'un effort à accomplir dorénavant.
Note finale : 7/10
Myspace d'Eden's Curse