Quand on parle de metal, évoquer l’Islande fait toujours frémir et à juste titre, tant le pays des volcans semble stimuler la créativité de ses habitants en matière musicale, tout particulièrement dans le genre qui nous intéresse. Cependant, les paysages sans fin de nature sauvage semblent davantage propices aux atmosphères contemplatives et mélancoliques qui font désormais la marque de fabrique de ce petit pays sur la scène internationale. L’album de Dynfari dont il est question aujourd’hui ne déroge pas à la règle puisque le quatuor est adepte d’un black metal atmosphérique où les passages acoustiques sont au moins aussi importants que les envolées électriques.
Pour vous donner une idée du style pratiqué par le combo, il faut imaginer une sorte de rejeton bâtard de Sólstafir et Alcest, qui se serait tourné vers les ambiances celtiques à la manière d’un Saor. Voilà un style qui promet donc beaucoup de choses s’il parvient à se mettre au niveau des groupes cités plus haut sans les singer. C’est en partie le cas, car bien que les riffs ne se démarquent pas par leur originalité, Dynfari parvient à créer une ambiance qu’on sent très personnelle et qui se déploie tout au long de l’écoute d’un peu moins d’une heure.
Vegferð Tímans, en islandais dans le texte est un album bizarrement construit. On se ballade tout d’abord pendant une vingtaine de minutes dans les cinq premières chansons de structures très différentes comme l’intro « Ljósið » ou l’interlude « Fall hinna XCII », qui semblent pourtant toutes revêtir la même importance dans l’enchaînement des compositions, qui pourraient très bien ne former qu’une seule et même entité. On trouve ensuite la pièce maîtresse du disque : le triptyque « Vegferð », divisée en trois chapitres qui forment un tout d’environ une demi-heure, ce qui est de prime abord un peu déroutant.
Une chose est sûre, cet opus s’écoute d’une seule traite et on a bien affaire ici à un album-concept, où les Islandais s’attachent à la description du « voyage » métaphysique de l’Homme après la mort pour se fondre dans le néant (le fameux Vegferð). Sentiment plutôt bien représenté dès l’introduction qui nous plonge à l’aide d’un riff lancinant et d’une rythmique martiale directement dans l’univers singulier de Dynfari, débarrassé de toute trace de matérialité. Un riff qui sera d’ailleurs repris dans l’outro de « Óreiða » et qui reviendra, entêtant, tout au long de l’écoute.
Au premier abord, certaines chansons peuvent paraitre un poil trop recyclées sur d’autres groupes, à l’image des riffs qui introduisent « Óreiða » et « Vegferð 1 – Ab Terra », bien trop inspirés de Sólstafir pour passer inaperçu, ou encore de « Hafsjór » mélange entre plusieurs morceaux d’Alcest. Mais ce bémol est en partie corrigé par l’excellent parti pris du groupe d’inclure en masse des passages acoustiques qui prennent presque le pas sur le black atmosphérique classique présent dans les compositions. Toutes les chansons comportent ces passages planants qui évoquent parfois des groupes de la trempe de Wardruna, ce qui leur permet de respirer et de les teinter d’une touche presque celtique.
Globalement c’est une énergie propre au blackgaze, entre émotion et désespoir que l’on distingue dans le disque et que l’on retrouve sur la plutôt agressive « Óreiða » ou la plus mélancolique « Sandkorn » conclue par un riff très lourd. Mais le plus pur concentré d’émotion se retrouve dans la conclusion « Vegferð 3 - Myrkrið » où les premiers frissons apparaissent et où l’on se laisse emporter par cette composition de très haut vol.
Du côté interprétation, tout est parfaitement rôdé. La double-pédale de Jón Emil fait des merveilles côté rythmique, tandis que le frontman Jóhann est impeccable vocalement que ce soit dans son chant black saturé au maximum ou dans son chant clair, très typique de groupes comme Skálmöld (encore des compatriotes). En plus de cela, le groupe distille ici ou là quelques petites originalités qui donnent du piquant à l’ensemble, notamment ces tappings de guitares totalement inattendus sur « Vegferð 1 – Ab Terra » et « Vegferð 3 - Myrkrið » ou encore ce chant féminin très doux de Karen Ýr Bragadóttir, qui nous cueille et nous transporte pour lancer « Vegferð 2 – Ad Astra ».
En bref, malgré des parties acoustiques et traditionnelles originales, cet album de Dynfari ne nous colle pas au plafond, la faute à un style pas encore totalement libéré de ses influences. Il reste en tout cas un très bon cru de post-black metal made in Iceland et un incontournable de 2015 dans le style, pour une année qui s’annonce très bien partie pour les amateurs d’ambiances sombres et planantes.