Une église semblant abandonnée, un ciel nuageux, une femme au milieu de gargouilles regardant droit devant elle … Une certaine magie se dégage de la pochette du premier opus des français d'Horkan, nouveau groupe de metal symphonique venant de la région lilloise. Formé en 2007, et après quelques changements dans son line-up, le groupe se forme autour des frères Dom (guitare) et Olivier (batterie), tous deux ex-membres de KrhomaDeath, qui ne joue pas vraiment dans la même division. Oui, vous l'aurez tout de suite deviné, c'est bien d'un groupe à chanteuse dont on parle ici … Encore un ? Il est vrai qu'ils poussent comme des champignons, et qu'il est parfois ardu de séparer le bon grain de l'ivraie, et de trouver des formations talentueuses dans la masse.
Malgré tout cela, le combo se lance dans l'aventure et décide de plonger dans le bain, tête baissée ou presque, avec une livraison qui affirmera s'ils sont dignes d'entrer dans la première catégorie, ou s'ils seront irrémédiablement relégués dans la seconde. Deposed Goddess, tel est le nom de cette première oeuvre auto-produite, qui va exposer la musique créée pendant toutes ses années aux oreilles du grand public, et ce dès l'année 2011. De quoi en retourne-t-il, au final ?
La plus grande force de cet EP, un élément qu'Horkan manie avec un brio certain, mais qui peut aussi s'avérer être à double-tranchant, c'est la création d'ambiances, chose que le groupe évertue à perpétrer du début à la fin, au travers des 5 pistes qui peuplent ce brûlot. Bien sûr, celle-ci est mélancolique, une certaine tristesse s'en dégage parfois, un côté éthéré, une pureté délicate, délicieuse, et une ambiance enivrante, qui plonge l'auditeur dans un monde différent … soudain nous voici plongés dans cette mystérieuse cathédrale qui figure sur la pochette si représentative de la musique de la formation, et, tels dans un rêve, nous sommes guidés en son sein par Aurore. Tant d'éléments sont présents pour nous maintenir dans ce voyage, que ce soit les breaks, souvent avec un délicat piano, et le clavier sait être, dans ces conditions, absolument somptueux, notamment sur « Rebirth », où ce passage mystique est littéralement envoûtant, ou encore par des choeurs à tonalités religieuses, notamment présents sur « Dead Lights' Town ». Et malheureusement, cette qualité peut parfois se révéler un défaut, où une trop grande homogénéité, même si ne dérangeant pas réellement, peut se faire ressentir et l'on apprécierait peut-être davantage de créativité sur ce plan, que les français soient capables de nous montrer que leur musique peut se baser sur plusieurs atmosphères, qu'ils savent varier le propos et maîtriser tout cela. Mais il serait tout simplement idiot de refuser de tendre la main à la gardienne des lieux.
Et ce chant lyrique qui berce et guide à la fois, donnant une autre dimension, officie en grande majorité tout seul, sans aucune intervention extérieure, ce qui en soit n'est vraiment pas un problème, tant la demoiselle tenant le micro s'en sort avec assez d'aisance et de charisme pour qu'une voix masculine plus sombre et agressive ne manque pas, accompagnant parfaitement les titres, en osmose totale avec ce monde si particulier, dont elle détient les clefs. Seul petit souci, c'est le même que pour les ambiances, à savoir une trop grande part réservée à l'homogénéité, et Aurore, dont le timbre assez atypique donne un certain charme et une personnalité plus affirmée au groupe, manque parfois de variations, ce qui est dommage. De plus, si ses envolées lyriques sont d'une grande qualité et prouvent la puissance émanant de ses cordes vocales, quelques lignes peuvent faire preuve d'une légère platitude. Mais le bilan général est suffisamment convaincant et agréable pour que la jeune femme et son chant séduisant soient encensés, un point très positif pour le quintette, qui a l'occasion de mieux exploiter le potentiel de la frontwoman par la suite.
Les compositions, quant à elles, sont extrêmement bien ciselées et travaillées, le tout sans avoir l'horrible impression d'un trop grand calcul et d'un manque flagrant de spontanéité. De plus, s'il était à reprocher une certaine linéarité dans les ambiances et dans quelques lignes de chant, force est de constater que l'on ne peut qu'applaudir les modulations qui se glissent dans les pistes. Les changements de rythme sont présents à de nombreuses reprises, comme sur le morceau éponyme ou sur « Dead Lights' Town », où l'on bascule entre breaks, ralentissements et accélérations, solos maîtrisés bien que manquant peut-être de recherche, pas de doute, les lillois savent que lorsque la sauce commence à sentir le réchauffé, y ajouter quelques épices pour la relever ou, au contraire, l'adoucir avec quelques gouttes de miel est toujours gagnant. De ce fait, le travail accompli ne peut être que salué au fur et à mesure de l'avancée dans ces contrées qui malgré tout restent dans le classique du metal symphonique. Pour une première réalisation, le groupe a souhaité rester en terrain connu pour présenter leur musique en globalité, et il est bon de voir qu'ils savent manier leur art. De ce fait, le manque de quelques prises de risques ne sera pas préjudiciable, du moins, pour le moment, car un brin de personnalité semble se trouver présent dans la musique, et même si quelques influences sont encore notables (Nightwish en tête de liste), il serait malgré tout dommage que le combo n'exploite pas ce filon.
D'ailleurs ces morceaux, eux, ne déçoivent pas, et restent d'une constante qualité. Malgré tout, quelques petites perles se distinguent, à commencer par « Dead Lights' Town », qui introduit magistralement dans le bain, et marque les esprits en donnant une excellente opinion sur la suite des évènements. Dans les titres les plus aboutis, il faut bien reconnaître de grandes qualités à « Rebirth » et « Midnight Game », mais « Deposed Goddess » tire bien évidemment son épingle du jeu, avec quelques sonorités tirées de l'Orient, et une introduction mystique et ésotérique. « Dirge's Lullaby » s'appuie un peu sur la mouvance de la belle et de la bête en incorporant quelques growls puissants pour contrebalancer avec la douceur de la voix d'Aurore. Aucun titre mauvais n'est à déplorer, fort heureusement, et Horkan nous fait même grâce d'éviter l'exercice de la ballade larmoyante à ne pas être capable d'émouvoir le plus émotif.
Niveau production, encore une fois on reste assez satisfait du résultat. Le son est plutôt clair et limpide, même s'il n'est pas parfait, et l'ensemble reste audible tout à fait convenablement. Par contre, il est à déplorer un léger manque de relief et d'ampleur sur la batterie, trop mise en retrait par rapport au chant ou au clavier. C'est dommage car elle aurait pu donner un peu plus de puissance et de panache au résultat final.
Voici donc un Deposed Goddess aussi intriguant que sa pochette. De multiples qualités se répartissent de bout en bout, et des touches de maturité évidente de la part du combo germent ici et là, mais quelques approximations sont toujours là et le tire devra ainsi être rectifié par le groupe sur ces petits détails. Mais interdiction de bouder son plaisir sur une offrande bien menée, avec une chanteuse au grand potentiel, aux ambiances plaisantes, et à la rythmique construite et intéressante. Horkan est un groupe encore jeune, qui progressera sans aucun doute dans les années à venir, mais pour une première galette, le quintette convainc dès le départ. Une opération réussie, la suite est attendue avec grande impatience.
Note finale : 3,5/5