« Le but c’est de revenir à S.U.P à un moment donné et de laisser de côté Supuration »
La Grosse Radio a pu profiter de cette édition 2015 du Hellfest pour s’entretenir avec Fabrice et Ludovic Loez de S.U.P (pour Spherical Unit Provided) et Supuration. Nous avons évoqué ensemble le concert donné par S.U.P le matin même sous la Altar, mais également l’actualité de Supuration, qui a récemment sorti un album de réenregistrement de démos datant des débuts de la formation. Les deux frères sont également revenus sur ce que représente le Hellfest à leurs yeux et ont évoqué le passé et le futur de cette double entité inégalée sur la scène death française. Entretien en toute simplicité avec deux grands noms du metal français.
Bonjour à tous les deux et merci à vous de nous accorder cette interview. Revenons sur le concert que vous avez donné avec S.U.P ce matin même (dimanche 21 juin) sous la Altar. Quelles ont été vos impressions sur la prestation de ce matin ?
Fabrice : Nous avons eu une très bonne impression, avec un très bon retour du public et une très bonne scène. Pour jouer nous avions une bonne qualité sonore. Je ne sais pas comment cela sonnait du point de vue du public, mais on a trouvé ça bien. Le chapiteau était plein, et apparemment il est plus grand que celui de l’année dernière, donc on est super contents de voir qu’il y a eu beaucoup de monde pour S.U.P.
Vous êtes de retour après le concert de l’année dernière, même si ce n’est pas avec le même projet (le groupe jouait sous l’appellation Supuration), on a l’impression que le Hellfest vous aime ! Qu’est-ce que cela vous fait et que représente ce festival à vos yeux ?
Ludovic : C’est un des plus gros festivals en Europe, il est dans les trois premiers je crois. Donc ça nous fait plaisir de venir jouer ici, car on a la possibilité de venir toucher un maximum de monde. C’est le rendez-vous immanquable.
Fabrice : On ne fait pas beaucoup de concerts dans l’année et c’est vrai que c’est mieux de pouvoir tout miser sur un concert ! On ne peut pas se permettre de faire des tournées, on n’a pas les moyens de faire plusieurs concerts dans l’année, donc on est super contents de voir que le Hellfest nous aime à ce point là. Nous faire jouer deux fois de suite, c’est vraiment super cool !
Votre actualité est également marquée par la sortie de Reveries… pour le projet Supuration. Comment considérez vous cet album, un peu particulier dans votre discographie ?
Fabrice : Au départ, cet album n’en était pas un, il s’agissait d’un bootleg. Cela devait être le numéro 18 dans notre série de bootlegs et il devait être limité à 50 exemplaires. Mais on a pris du plaisir à le réenregistrer, à jouer ces morceaux, puisqu’en réalité c’est une envie que l’on a eu à quatre. On voulait se retrouver un peu ensemble avant d’enregistrer quelque chose. Nous nous sommes dit, on va jouer un peu les premiers morceaux de Supuration, puisqu’on venait d’intégrer Fred (Frédéric Fievez, basse NDLR) au groupe. Maintenant il fait partie intégrante du groupe. Il faut quinze ans d’expérience maintenant pour faire officiellement partie de S.U.P ! (rires). Du coup, nous avons joué avec lui les morceaux de Supuration, au départ pour un bootleg. Il s’est avéré qu’en réarrangeant les morceaux, en baissant les tonalités on est arrivé à une corrélation avec Sultry Obsession (EP de Supuration sorti en 1990 NDLR). Dans la foulée, on s’est dit qu’on pouvait également réenregistrer ce dernier aussi, ce qui nous a donné sept titres, soit pas loin d’un album. Puis après cela, nous avons retrouvé des bandes de batterie de la période Incubation où l’on avait enregistré "Ephemeral Paradise", pour lequel on a refait les guitares et le chant, en tentant d’homogénéiser le tout. On est donc arrivé à huit titres, ce qui a commencé à intéresser notre label, Listenable. On s’est donc dit « pourquoi ne pas faire un album ? », même si l’on n’était pas très chaud au départ, puisqu’on tenait quand même à notre esprit bootleg à 50 exemplaires. C’est peut être un peu stupide mais les éditions ultra-limitées comme cela, ça nous plait vraiment ! On a finalement accepté de le sortir mais avec l’envie de le faire dans de bonnes conditions. D’où la présence de Dan Swanö au mastering, qui connait un peu le groupe. Il a fait du bon travail car il sait ce que représentent ces morceaux là pour nous et par conséquent il a fait attention à ce que l’ensemble sonne un peu comme en répète, old school. C’est pour cela aussi qu’on a fait appel à Dan Seagrave pour la pochette, car quitte à sortir un album sonnant comme dans les années 90, autant le faire à fond ! (rires). C’est comme cela qu’est né Reveries…, on s’est fait plaisir !
A ce propos, vous avez joué deux extraits de Reveries… ce matin, à savoir "Tales from the Crematory" et "Shattered", la reprise de Paradise Lost. N’avez-vous pas peur qu’en interprétant des titres de Supuration à un concert de S.U.P les deux entités finissent par réellement fusionner ?
Ludovic : Il n’y a jamais eu de soucis à ce niveau là, puisqu’avant on donnait déjà des concerts sous le nom de S.U.P., mais en jouant des morceaux de Supuration. Nous, on a jamais eu de problème avec ça. Maintenant, il est vrai que bizarrement ça a éclaté, mais il faut savoir que voir Supuration en concert risque désormais d’être difficile. On pourra toujours avoir des deals pour des concerts de Supuration, mais beaucoup moins. Par contre, désormais en live on mélangera quand même les deux.
Sur cet album, vous avez repris trois titres, "Among the Living" d’Anthrax, "The Beast" de Twisted Sister et "Shattered" de Paradise Lost que nous venons d’évoquer. Comment l’idée de reprendre ces titres vous est venue, puisqu’il s’agit d’univers très différents du vôtre ?
Fabrice : Effectivement, il ne s’agit pas forcément de nos influences mais plus de nos premiers amours. Thierry (Berger, batteur de S.U.P et Supuration NDLR) et moi étions ultra fans de Twisted Sister quand nous étions ados. Ensuite Anthrax, c’est pareil, le côté skate-board, c’est notre jeunesse. Bien que pour Anthrax, c’était un peu différent puisqu’à l’origine, il s’agissait d’une commande de Metaluna production, qui nous avait demandé de faire cette reprise pour le film "Au yeux des vivants". Il s’est avéré que finalement elle n’apparait pas dedans pour des questions de droits. Ce n'est pas de la faute d’Anthrax, puisqu’ils étaient d’accord. Scott Ian (guitariste d'Anthrax NDLR) a même écouté la reprise et l’a trouvé vraiment bien. C’est surtout au niveau des labels que c’était compliqué, et surtout très cher. Du coup comme nous n’étions pas dedans, on s’est dit qu’il serait dommage de ne pas la partager. Autant en faire profiter un maximum de monde, donc on l’a mise sur un CD.
D’autre part, une biographie de S.U.P est sortie chez Camion Blanc, par Jérémie Grima. On y apprend pas mal de chose, notamment une anecdote selon laquelle un jour vous avez joué un concert devant un seul spectateur. Vous aviez refusé d’annuler, sous prétexte que la personne avait payé sa place. On sent vraiment chez vous ce côté hyper intègre, et une relation privilégiée entre vous et vos fans…
Fabrice : Oui, mais on a également fait un DVD sur lequel il n’y avait pas de public ! (sourire). Pourquoi pas jouer devant une personne !
Ludovic : Et il faut également préciser que c’était dans le cadre d’une tournée aussi, avec Yearning et Nightfall en tête d’affiche. La personne est resté, puis quand Nightfall est monté sur scène, il est parti.
Fabrice : Pour en revenir à ce livre, je le trouve vraiment pas mal. Quand je lis ce bouquin, je passe par tous les états d’émotion.
Vous parliez tout à l’heure de l’importance de l’aspect collector d’un album. Est-ce qu’un jour vous comptez sortir une réédition de la trilogie Cube dans une box en forme de cube ?
Fabrice : On y a pensé mais ça coûte cher. Est-ce que les fans sont prêts à investir ? Je ne crois pas. On n’est pas du genre à faire payer cher les choses…
Vous donnez même des t-shirts au public à la fin des concerts !
Fabrice : Oui, ou des DVD.
Ludovic : Déjà, tous les albums de Supuration sortiront en vinyl sur un label américain à la rentrée.
Fabrice : Mais le but c’est aussi de revenir à S.U.P à un moment donné et de laisser de côté Supuration. Car actuellement on se lance dans quelque chose, et on a l’impression que l’on se fait rattraper par l’autre projet. Notre but c’est aussi de pouvoir avancer avec S.U.P.
Pour revenir au Hellfest, avez-vous eu le temps d’assister à quelques concerts ?
Fabrice et Ludovic en chœur : Non (rires).
Fabrice : Non, on est arrivé tard sur le site hier soir et du coup on a loupé la prestation de Killing Joke, qu’on aurait bien aimé voir. Du coup on est parti se coucher de bonne heure pour être en forme pour le concert de ce matin. Puis après le concert, nous avons été faire des dédicaces et des interviews.
SUP et Supuration ont des influences très variées, comme nous avons pu le voir avec le concert de ce matin. Pour en savoir un peu plus sur vos goûts musicaux personnels, quel est l’album que vous avez le plus écouté ces derniers temps ?
Fabrice : Ce que j’écoute en ce moment, c’est Grave, surtout l’album As Rapture Comes.
Ludovic : Et moi j’écoute beaucoup Depeche Mode actuellement.
Désormais vous faites partie des pionniers du metal en France, notamment dans le Death. Quelle est votre vision sur la scène metal actuelle en France ?
Ludovic : Il y a beaucoup de groupes et il faut reconnaître qu’on a du mal à suivre tout le monde. Forcément, il y a du bon, il y a du moins bon. Les choses évoluent tellement vite en fait, c’est étonnant de voir qu’un groupe qui vient de se former peut splitter six mois après, en ayant sorti un album.
Fabrice : Personnellement je n’arrive pas à trouver un groupe qui sorte du lot. Parce que je ne cherche pas la technique. Il y a des petits groupes qui jouent à quatre ou cinq, qui ne mettent pas la technique en avant mais qui ont un univers. Mais je n’en ai pas écouté beaucoup ces derniers temps. J’aime quand un groupe privilégie l’esprit à la musicalité. Par exemple, nous on n’est pas musiciens. Enfin, si…mais je ne nous définirait pas comme tel, même si mon frère ne serait pas d’accord. Pour moi, il n’y a pas que la musique, il y a aussi l’esprit, le côté collectif. La musique c’est pas jouer chacun dans son coin et s’envoyer des fichiers en mp3 pour enregistrer le tout. Un groupe, ce sont des gens qui répètent, qui passent du temps ensemble et qui apprennent à se connaître. Il ne faut pas forcément qu’ils aient le même caractère. Nous sommes tous différents dans le groupe, chacun a son avis. Mais il faut avoir ce « truc » là qui fait cette cohérence, cette cohésion au sein d’un groupe. C’est cela qu’on avait perdu à un moment et qu’on a réussi à retrouver.
Quels sont vos projets désormais ?
Ludovic : Ce sera vraiment basé sur S.U.P. Il y aura peut être encore quelques concerts de Supuration, on ne sait jamais. Cela dépendra de ce qu’on nous proposera, de l’attente des gens et de nos envies. Mais la priorité reste S.U.P.
Avez-vous un dernier mot à adresser à nos lecteurs ?
Ludovic : Merci à tous et on espère que vous avez passé un très bon festival.
Fabrice : Oui, un grand merci à tous de vous être déplacés sous la Altar ce matin pour S.U.P., c’est vraiment super sympa. On est les premiers surpris d’avoir eu autant de monde ! Et continuez à écouter S.U.P et Supuration, on n’a pas terminé, on aura encore des choses à dire !
Un grand merci à Fabrice et Ludovic Loez de S.U.P et à Steffie de Listenable Records
Photos : ©2015 Thomas Orlanth
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