"Entre affirmation de soi et explorations, Rhum For Pauline tend à être de ces groupes français qui feront l’actu de 2015."
On ne va pas se mentir, la filiation entre Rhum For Pauline et Minitel Rose est plus évidente que jamais. Alors qu’on attendait le groupe nantais sur un terrain toujours plus pop, voire rock parfois, les revoilà dans un registre bien plus contemplatif. Minitel Rose, pour ceux dont la mémoire se reboote régulièrement, officia pendant quelques années après avoir créé leur propre label : FVTVR.
Plus barré qu’Housse de Racket mais moins pailletée qu’Of Montreal, le groupe fait parler de lui à la fin des années 2000. Et alors que Minitel Rose entonne son chant du cygne avec Atlantique, Rhum For Pauline reprend le flambeau.
Voilà pour l’histoire.
Dissonant avec ses prédécesseurs, Leaving Florida se défait parfois de l’élégante pop psyché des premiers temps pour s’attaquer à un post-punk protéiforme. Disons même polymorphe. Le clérical « Boyshake hand » augurait déjà de telles velléités du temps, lointain, de Miami. C’est donc sans surprise que nous le retrouvions, dans sa version live, sur l’EP When Endless Ends annonçant la sortie de l’album. Prudence néanmoins, car n’abandonnant pas totalement son amour initial pour le psyché, on ne s’étonnera pas de rencontrer à nouveau, le temps d’un phosphorescent « Miss » à l’ambiance tout en synthé et en motifs ondulatoires à effet euphorisant. Il y a quelque chose de Tame Impala dans ce Leaving Florida, le côté pop en plus peut-être. Peu efficaces parfois, les boucles ont tendance à s’essouffler. Longueurs criantes dans « Camera » et « Non Hugs » dont le break emphatique s’allonge jusqu’à frôler l’incident.
Avec son artwork de Cyril Pedrosa (dessinateur des magnifiques Portugal et Trois Ombres notamment) et sa dizaine de titres ambitieux, le groupe vise des éthers que lui seul connait. Hauteur atteinte avec facilité aussi bien dans des ambiances jouasses dans le style de Breton, sur « Florida » ou « Coochie » que dans des tonalités plus ombrageuses dans « Pan Peter » ou « Alone With Everyone » flirtant alors avec un rock indé solennel à la The National. On y retrouve cette même tension dans la voix, cette gravité dans les structures rythmiques, cette âpreté dans les sonorités le tout arrangé avec une certaine précision...
Pour autant, dès lors qu’il trouve un équilibre entre grandiloquence et légèreté comme sur le réussi « When Endless Ends » ou sur « Masquerade », Rhum For Pauline sort immédiatement des sentiers battus jusqu’à la poussière et montre peau neuve. La voix, en clair obscure, d’Emile retentit de toute sa fragilité, jouant avec un solide duo basse-batterie et la subtile guitare d’Antonin Pierre revenu de Pony Pony Run Run.
Entre affirmation de soi et explorations, Rhum For Pauline tend à être de ces groupes français qui feront l’actu de 2015. Tout du moins c’est ce qu’on leur souhaite ; les cartes sont entre leurs mains.
Rafaël Panza