Sangdragon est la forme actuelle d'un "vieux" projet de Vincent Urbain datant des années 90 qui est né avec Daemonium, puis Akhenaton. Ces deux premiers concept albums méritent amplement une écoute, mais il faut bien reconnaître que leur style peut être déroutant pour celui qui ne recherche que la violence du metal.
Comme pour le vin, le sang de dragon a besoin de temps pour exprimer toute sa richesse, et comme pour le vin, il vaut mieux partir d'un Mâcon de qualité plutôt que d'une piquette vendue en bouteille de plastique.
Cela tombe bien, car justement, les cépages du mâconnais savent vieillir en exaltant leurs arômes...
Depuis Daemonium, les choses ont certes changées, mais on ressent encore les influences symphoniques et occultes de cette époque. Certes, la production est bien meilleure et l'ensemble sonne beaucoup plus metal. On reconnait tout de même une certaine filiation à travers certaines ambiances sombres.
Sangdragon a quelque chose de plus que les volets précédents de la trilogie : les influences des différents membres formant désormais le groupe. Ce n'est plus l'œuvre d'un homme seul, mais un effort collectif. En ce sens, la musique semble plus complète, mêlant à la fois les aspects purement black/death, à un chant symphonique bien placé, mais aussi aux influences carrément folk ("Krakenfyr").
Le mélange obtenu dans cette décoction savante est particulièrement intéressant. Et je pèse mes mots.
En effet, combien de groupes s'essaient à tenter d'être novateur en mélangeant des influences diverses, sans pour autant produire autre chose qu'un album banal au final, agrémenté de quelques originalités forcées ?
Ici, tout est soigneusement réfléchi et pesé. De l'introduction "Waterborn" avec son chant latin aux dernières notes de "Winged Blade", les différentes influences musicales ont chacune une place réservée, tout en s'assemblant harmonieusement.
Sangdragon est donc subtil et mystérieux, telle une préparation alchimique qui mélange l'Eau et le Feu d'une manière improbable, mais néanmoins au résultat bien tangible.
Si on ressent les influences d'un bon vieux metal d'antan, avec ses riffs accrocheurs ("Deep Dark... Descent" par exemple), ses growls, et ses choeurs renforcés au synthétiseur, les surprises sont aussi nombreuses que les changements de rythmes.
Au niveau des critiques, les placages d'accords sur les chants sonnent parfois un peu rétro, voir un peu kitschs d'après les moins tolérants des auditeurs, et c'est peut-être cela que l'on risque de ne pas apprécier. Evidemment, c'est une question de goût avant tout.
Néanmoins, même les amateurs de metal les plus difficiles devront bien reconnaître la qualité intrinsèque de cet album d'une grande richesse musicale, même si les transitions ne sont pas toujours évidentes entre les morceaux.
Chaque élément a cependant une vie propre. "Father of All Kings", pour ne citer que ce titre, manie à merveilles les montées en puissance, suivie de ralentissements quasi inquiétants, avant de repartir de plus belle. La puissance dégagée par ce genre de constructions rend hommage aux plus belles œuvres du power metal symphonique, tout en conservant la puissance du death.
Pour tout vous avouer, j'ai l'album en écoute dans ma voiture depuis sa publication en version presse avant sa sortie en mai. Et je l'écoute encore de temps à autres, malgré la masse des productions dont j'essaie de suivre l'actualité. Cette longévité ne peut s'expliquer que par la qualité de l'œuvre.
Cette chronique aurait d'ailleurs dû sortir bien avant, mais je voulais ré-écouter Requiem For Apocalypse juste encore une fois de plus, juste pour être sûr ... Et, comme pour le bon vin, c'est ainsi que l'on atteint l'ivresse...
Un 8,5 est donc largement mérité pour cet opus. J'espère simplement que ce qui a été présenté comme le dernier volet d'une trilogie entamée il y a près de vingt ans connaîtra encore d'autres rejetons dans le futur !
Requiem For Apocalypse - Sortie le 09/05/2015 chez Wake Up Dead Records
Tracklist:
1. Waterborn (2:06)
2. Front Of Steel (5:16)
3. Deep Dark... Descent (5:47)
4. Father Of All Kings (6:12)
5. Rotten Inside (3:34)
6. Back To Dust (1:26)
7. The Silent Plague (4:17)
8. Krakenfyr (7:17)
9. Thy Foe's Funeral (5:17)
10. Winged Blade (5:16)
Thomas Orlanth
Photos : © 2015 Thomas Orlanth - galeries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / Facebook . Toute reproduction interdite sans autorisation spécifique du photographe.