Je suis clairement exaspérée par la pétition signée par les groupes de radios (dont les radios associatives !) contre l'obligation de la diversité des programmes, en respectant le quota de musique francophone.
J'insiste sur le terme de musique, parce qu'on associe souvent le francophone à de la chanson « ringardisante » alors que rock, rap, hip-hop, trip-hop et autres peuvent très bien se faire en français. L'industrie a changé, les « meilleurs » artistes ne sortent clairement plus des majors comme ça a pu être le cas dans les années 80 ou 90, lorsque ces radios diffusaient des Renaud, des Noir Désir, des Zebda, de la Mano Negra et toute une tripotée d'artistes francophones engagés et qui vingt ou trente ans plus tard n'ont pas été oubliés.
Si ces groupes s'étaient formés aujourd'hui, ils n'auraient peut-être pas signé en major et donc, nous n'aurions jamais entendu les "Un jour en France" ou autre "Mala Vida" …
Quand je vois le hashtag « j'écoute ce que je veux », lancé par cette association de décideurs de radios, je me demande jusqu'à quel point ils vont manipuler l'opinion ? On n'écoute pas ce qu'on veut, on écoute ce que Sony-Universal-EMI veut, on écoute ce que les actionnaires veulent …
Ce qui heurte le plus dans ce discours, c'est surtout d'entendre la pauvreté de ce qu'ils diffusent en francophone : Louane, Maitre Gims, Kendji Girac … Il y a toujours eu de la soupe à la radio, mais il en faut pour tous les goûts, pour ceux qui n'aiment pas céder à la facilité, bien plus nombreux que ce qu'on veut bien nous faire croire. Le nivellement par le bas ne donne rien de bon et d'ailleurs, on le voit en cette période, comme l'ignorance pousse les gens dans les retranchements les plus abjects …
Une chanson n'a peut-être pas le pouvoir de changer le monde, mais elle apaise, permet l'introspection, de s'ouvrir à l'autre, mais elle est aussi un exutoire, elle favorise la reflexion sur soi, sur son rapport au monde. La radio permet de découvrir un titre qui nous donne envie, selon affinités, d'aller découvrir le reste. Si on n'a plus le choix, inévitablement, une tranche de la scène va suffoquer.
Si tout ce qu'on nous propose ce sont des « est-ce que tu m'aimes, j'sais pas si j't'aime. Est-ce que je t'aime ? J'sais pas si j't'aime ? », on appauvrit notre langue, on appauvrit la pensée, et notre culture.
Maitre Gims est certes un énorme vendeur de disques, mais ça n'en fait pas un artiste de qualité, c'est le résultat d'un matraquage intempestif. S'il passe 50 fois par jours à la radio, son refrain fini par nous entêter, on l'aura oublié dans 5 ans … Les modes passent, les artistes restent … Faut il encore leur donner de l'espace pour s'exprimer. Certes, aujourd'hui, les réseaux de diffusion sont bien plus nombreux qu'il y a dix ans, mais nous avons besoin de ces defricheurs, de ceux qui pensent autrement qu'en termes économiques …
On se rend bien compte que le combat, au delà du combat pour la francophonie, est un combat contre la pensée unique, voire la non-pensée du tout, on exécute toute forme de contre-pouvoir. Quand on voit le niveau des tubes du moments on comprend pourquoi les gens écoutent sans broncher les discours, sur un des groupes de radio se battant contre la diversité, d'Apathie ou Zemmour.
Sur cette même radio, pour laquelle j'ai travaillé, il y a 10 ans, j'ai présenté une compilation d'aritstes que je défendais alors : Loic Lantoine, La Rue Ketanou, Les Blérots de R.AV.E.L, Têtes Raides, etc. et le directeur des programmes a adoré tous ces artistes mais estimé que l'auditoire n'aimerait jamais … Pourquoi ne pas essayer, même entre 3 heures et 4 heures du matin ? Parce que ce n'est pas ce que les gens veulent … Entendez par là, la masse.
Et alors ? Est-on obligés d'avoir un minimum de 5 millions de personnes par émission ? … J'en suis restée là, j'ai compris que ma place était au sein de Magazine FrancoFans qui milite depuis plus de 10 ans pour ces artistes.
Des artistes qui pourraient / devraient avoir leur place sur les FM :
Les Ogres de Barback, les Têtes Raides, La Maison Tellier, Johnny Montreuil, Joseph d'Anvers, Oldelaf (qui a eu son petit succès en FM), Alexis HK qui reprend l'indetronable Brassens, Syrano, Hippocampe Fou, Arthur H, Oxmo Puccino, Romain Humeau, Pumpkin, Debout sur le Zinc, Emilie Marsh, Frédéric Fromet (qui fait son tabac en chanson humour politique sur France Inter), Zone Libre, Batlik, Lenine Renaud, Soviet Suprem, Barcella, Dimoné, Hk& les Saltimbanks, KKC Orchestra, Clarika, La Grande Sophie, Bazbaz, Presque Oui, Carmen Maria Vega, Mazarin, Chloé Lacan, Yves Jamait … Je ne cite là que « quelques » noms d'artistes qui pourraient avoir une portée populaire, qui ne font pas de la chanson « pointue » (qu'on dit prétentieuse) comme ce que vantent les Victoires de la Musique … Mais c'est un autre débat …
Stéphanie Berrebi
Journaliste au magazine FrancoFans
