Frais, incroyablement dense, ridiculisant au passage tous les ténors et vieux cadors du prog'/alternatif englués dans leurs vieilles recettes, les FAIR TO MIDLAND n'ont vraiment pas fini de faire parler d'eux avec cet album récemment sorti chez Season of Mist...
Wouin-dioûsse! Quelle claque!...
Quelle richesse ce disque! Comment ça, vous trouvez que j'en fais trop, et dans l'exagération et dans les superlatifs?? Le pire c'est que même pas...
Attitude délibérément djeunz', à la fois "kick-ass" et 'décalée', enthousiaste et dynamique sur la forme (guitares très 'modernes' dans le son -parfois sous-accordées- et jeu très "actuel"), quand à l'ensemble vient s'ajouter ce côté 'pop' et accrocheur complètement assumé (et carrément efficace!!! - plus un Beatles électrique des temps modernes ou même encore Muse dans l'esprit que Mika, entendons-nous bien, hein!), et que derrière tout cela (ou bien est-ce au-devant?!...) l'on retrouve en motifs une telle abondance de détails, toute cette palette de couleurs et de nuances qui jaillissent en toute insouciance (à l'image de la superbe pochette de l'album), sans prétention aucune et pourtant avec la classe et la maturité des plus grands, alors prend-on conscience de se trouver en présence d'un petit joyau -je le dis d'entrée de jeu- et d'un groupe au talent rare, au service d'une musique intemporelle sans cesse contrastée qui emporte l'auditeur pour un authentique voyage musical, envoûtant tout du long...
Des influences et réminiscences d'autres groupes prog se font bien sentir çà et là, mais totalement digérées et "évacuées" pour ainsi dire, elles ne pèsent donc nullement sur la musique au final toute personnelle de ces Ricains : prenez une pincée de Dream Theater mais avec moins de "melon" et de démonstrations, une lichette de Pain of Salvation dans ce mélange entre côté "foufou" et plus émotionnel parfois, saupoudrez avec l'amplitude et la vélocité d'un Tiles, l'excentricité d'un Spock's Beard (remember la suite "Thoughts"...^^), l'ampleur et la classe d'un Marillion (période Hogarth, notamment pre-Marbles...) ou encore le côté plus 'commercial' et accrocheur d'un Queensrÿche (surtout époque Q2K avec ces sonorités plus "modernes"), et vous obtiendrez une partie des ingrédients de la musique des Fair to Midland. Mais une partie seulement... Car ce serait occulter tout ce nouveau savoir-faire et leur 'patte' unique qui enterrent d'ailleurs bien souvent dans leur démarche la majorité des groupes cités précédemment! Une recette qui n'appartient donc qu'à eux et qu'eux seuls peuvent nous rendre digeste.
Alors, comment décrire l'impact que pourrait avoir l'écoute de cette œuvre pour l'amateur de prog' "lambda"? Ou même pour tout mélomane un tant soit peu ouvert d'esprit??... Pour essayer de vous représenter la chose, et ce même si l'on ne peut pas réellement comparer leurs musiques au final, disons qu'écouter ce Fair to Midland après un album de Dream Theater provoquerait presque le même effet que de se mettre dans les esgourdes un disque de ces derniers après s'être passé un vinyle des Genesis période 'Peter Gabriel' (ce dernier étant soit dit en passant une grande influence pour le chanteur de la formation, Darroh Sudderth)! C'est vous dire si la vieille garde du prog' en prend un coup aujourd'hui... Un peu le même type d'uppercut que Pain of Salvation aurait pu asséner au temps des magiques Perfect Element et Remedy Lane, mais avec le potentiel de marquer plus de points et de mettre K.O. bien plus de monde encore, et plus durablement cette fois.
Découverts il y a quelques années par Serj Tankian de System of a Down, qui les a ensuite brièvement pris sous son aile, et surtout en premier lieu signé sur son label aux Etats-Unis, on se dit à l'écoute que l'homme a dû en premier lieu 'flasher' sur les talents du chanteur du groupe (à tel point que l'on aurait presque l'impression d'avoir affaire à DES chanteurs, tant ses capacités de modulation semblent illimitées...), et sur son sens aigu du placement vocal -prouesse ô combien à saluer!- par-dessus une telle luxuriance et un tel déchaînement sonore.
Alors, certes l'alternance des styles de voix (énervés à plus apaisés, médium-grave à plus haut perchés) et les diverses harmonisations pourront évoquer légèrement à certaines oreilles S.O.A.D. ... Par moments. On ressent également le même caractère d'urgence voire de tragédie dans la voix de Darroh Sudderth. Cette même personnification vocale 'dramatique' disons... L'ombre de System se retrouve également dans cette démarche commune d'allier parfois la sauvagerie débridée à la douceur contenue. Et à ce titre, un "Rikki Tikki Tavi", de par sa schizophrénie musicale -et vocale!- (et sur lequel les grognements sauvages et tribaux de Sudderth -très proches de ceux du break de "Dance of the Manatee" sur le précédent album- évoqueraient presque les vociférations d'un Max Cavalera période Roots sur un "Ratamahatta" par exemple...), procure bien à l'écoute un 'double effet Kiss Cool' de la même magnitude qu'un "Chop Suey!" de qui vous savez... Mais là s'arrête l'affiliation entre les 2 groupes. A la limite, Fair to Midland serait plus proche dans l'esprit de ce que peut faire passer Tankian en solo... Peut-être pour ça que l'Arménien a embarqué le groupe dans ses bagages pour assurer sa première partie sur la tournée française 2008.
On se prend également à penser parfois à du A Perfect Circle, ou à Dredg par moments (avec qui le groupe tourne d'ailleurs actuellement aux U.S.), mais dans tous les cas c'est de toute façon dans une version bien plus alambiquée et moins convenue (surtout au vu de l'orientation musicale prise aujourd'hui par ces derniers).
Peu importe d'ailleurs. F.T.M. possède clairement un univers qui lui est propre. Pas une formation en fait ne sonne ainsi dans le prog', ni même dans le métal au sens large d'aujourd'hui... Et c'est tant mieux! En outre, le groupe peut même se payer le luxe de toucher à un peu tous les styles (bon, OK, peut-être pas le 'true black metal', la biguine et quelques autres non plus mais bon...^^) : sonorités 'country/western' ("Amarillo Sleeps on my Pillow"), beats 'disco' ou 'ska' ("Coppertank Island"), chapes de guitare plombées dignes d'un vieux The Gathering ("Golden Parachutes") sur lequel des voix âpres et amples venant se poser sur ces arrangements suaves évoqueraient presque cette fois un Type O...'POSITIVE'!!, et j'en passe...
Et surtout ils réussissent à faire passer le tout comme une lettre à la P.... (heu, non, mauvais exemple, là...), un peu comme le Muse de Black Holes and Revelations dans un autre registre. La démarche pourrait d'ailleurs en partie faire penser à l'éclectisme et à la fougue de la bande à Bellamy (même recherche de variété d'interprétations, même souci d'expérimentation sonore -n'hésitant pas à aller vers des tonalités plus 'électroniques' sur "A Loophole in Limbo" par exemple), le tout dans une version plus 'métal' et ambitieuse il va sans dire (et également moins minaudée et 'je fais ma mijaurée', étonnant non?!...).
Ou à la limite (et après je m'arrête là dans cette liste réductrice de pseudo-repères...), songerait-on à la fraîcheur juvénile d'un Avenged Sevenfold transfiguré, si ces derniers avaient été seulement capables de nous pondre uniquement des titres de la trempe de "A Little Piece of Heaven", entre excentricité, passion, loufoquerie et agressivité... le tout encore une fois dans une mouture bien plus développée et aboutie évidemment. Pas de la 'soupe' pour le grand public, ne nous méprenons pas, mais un minestrone de premier choix pour un auditoire un peu plus exigeant, ouvert d'esprit et persévérant.
Alors, cette musique 'progressive' typique des Fair to Midland n'a pas forcément "progressé" sur cet album par rapport à son précédent essai, le plus apaisé et plus foncièrement 'pop' encore Fables from the Mayfly (la barre était tellement haute de toute façon...). Simplement l'écriture et les arrangements sont ici légèrement différents dans leur approche, plus torturés, plus 'nerveux', et pourtant paradoxalement plus "tubesques" et fédérateurs! (je mets au défi quiconque de rester insensible à des hymnes comme "Musical Chairs" -et sa basse hallucinante qui évoque encore une fois un certain Muse- ou encore le remuant "Uh-oh"). Les idées jaillissent également de manière plus dense (trop?) que sur le précédent album, dans la mesure où plutôt que de laisser tout le temps à leurs atmosphères de se développer, le groupe choisit ici bien souvent de "balancer" ses idées dans un laps de temps plus compact, ce qui renforce ce sentiment d'urgence et de gravité parfois qui semble les habiter sur cet album (de l'aveu-même de ses membres lors de diverses interviews, les paroles des chansons en elles-mêmes n'étant pas retranscrites dans le livret).
La production s'en ressent, et certains (dont votre serviteur) pourront préférer la clarté et la légèreté du précédent opus à celui-ci qui a hérité d'un son délibérément plus 'gonflé', quitte à en devenir un peu ronflant, 'compressé' et brouillon sur les passages où le groupe s'emporte le plus (le "gros son" sied parfaitement bien à la prolixité musicale du groupe mais lui fait perdre à mon sens un soupçon de charme...).
Toutefois, cela ne les empêche pas -pour notre plus grand bonheur- d'exploiter plus tardivement des pistes purement instrumentales parmi lesquelles ces sombres "Typhoid Mary Send Her Best" -très mélancolique et recueillie- et l'inquiétante "The Upset at Bailey Bridge" (on pense alors à The Gathering encore une fois -dernière époque-, ou même à la facette 'dark' d'un Depeche Mode), ou de revenir à de l'apaisement plus épuré sur ce sublime "The Greener Grass" de plus de 11 minutes qui clôt l'album, plus proche dans l'esprit de Fables... pour le coup.
Pour autant, ces deux "faux-jumeaux" discographiques se complètent à merveille, comme les deux faces d'une seule et même pièce, et ces deux albums majeurs méritent largement leur place dans la discothèque de tout 'métalleux' ouvert d'esprit qui se respecte. Tout comme ils ont le potentiel de toucher un public bien plus large encore, pour peu qu'on leur laisse leurs chances...
Comme un Porcupine Tree qui se verrait enfin plus diversifié et démocratique, moins hautain, 'posh' et coincé du c... aussi, ou comme un dépaysement revigorant digne d'un Orphaned Land, dans cet Art qu'ils ont en commun de juxtaposer les couleurs, une pointe d'exotisme et cette quasi-mystique "zénitude" (en apparence...) à leur musique, mais dans une dimension plus universelle encore, et sans frontières plutôt que 'simplement' multiculturelle... Vous voyez un peu, comme une telle musique appelle à élargir son esprit et son champ de vision!!!!...
Enthousiasmant comme un bon vieux 'power/happy-métal' teuton (il n'est ni l'un ni l'autre...mais dans ses passages "haut-perchés" et chantants, ainsi que dans l'utilisation de certains claviers, on peut ressentir par moments une impression similaire à celle procurée par les 'mid-tempi' des premiers Masterplan ou du The Dark Ride d'Helloween), avec une 'niaiserie' candide sûrement plus exacerbée encore (!), et pourtant paradoxalement bien moins 'clichée' et irritante : ce disque rend HEU-REUX, tout simplement!... Pas besoin de cavalcades de double grosse caisse 'speed' ici pour faire passer des sentiments positifs... Mais l'effet est le même, ça fout la banane!!!! Bien plus encore qu'un disque de Volbeat! De toute façon, les Fair to Midland sont aujourd'hui à 100 000 lieux de n'importe quel autre groupe actuel, inutile d'en rajouter une couche là-dessus... Et les plus malins d'entre vous en passeront, des heures et des heures d'écoute, à découvrir les innombrables petits diamants que renferme un tel trésor...
Car oui, quelle richesse que ce disque! Quelle richesse même que de posséder ce disque!!
Bah alors, vous attendez quoi pour courir en faire l'acquisition??
PS : Je voudrais, pour finir, adresser un petit message de reconnaissance aux FAIR TO MIDLAND (qu'ils ne liront jamais eux, mais que bon nombre d'auditeurs je pense approuveront...) : merci d'œuvrer, par le biais de tels disques, à dépoussiérer, à "dé-complexifier" et surtout à décomplexer le métal et le prog', ces scènes qui gagneraient vraiment à receler dans ses rangs davantage de groupes de votre étoffe, en lieu et place de tous ces pédants prétentieux qui voudraient péter plus haut que leurs petits culs merdeux.
Le Boucher Slave
8,5/10