Véritable groupe à part au sein de la scène hardcore mélodique, Defeater continue de nous conter l’histoire d’une famille du New Jersey après la deuxième guerre mondiale. Abandoned est un album qui prend aux tripes, avec des textes magnifiques et une propension aux mélodies torturées. Un must-have pour n’importe quel fan du genre.
Avec une pochette représentant les vitraux d’une église, difficile de se tromper sur le thème proposé dans cet album. Ainsi, nous suivons toujours cette famille du New Jersey mais cette fois-ci l’histoire est racontée via un prêtre américain qui parle de ce qu’il a pu voir en Europe, la destruction amenée par les nazis.
L’album s’ouvre sur le titre "Contrition" dans lequel Derek Archambault (chant) répète une prière avant de lancer des « Forgive me, my father / For I am a sinner … » ainsi que deux mots, Unanswered et Abandoned, que l’on retrouvera dans d’autres morceaux comme pour démontrer que cet opus est une nouvelle fois une histoire qui dure quarante minutes, la durée de l’album. Pour un public non-initié ou même non-anglophone, écouter l’album avec le livret devant les yeux s’impose comme une étape obligatoire. Pour aimer Defeater, il faut comprendre de quoi nous parle Derek Archambault et sa troupe. Abandoned met un homme d'église face à ses convictions et ses croyances après avoir vu et vécu autant d’atrocités en Europe.
Le chant est l’élément principal de la musique de Defeater personne ne pourra le nier, néanmoins les musiciens réussissent à se démarquer pour accompagner la démarche mélancolique de cet album. Quand la guitare prend possession du tempo sur "Penance" ou quand la batterie cavale et se fait seule instigatrice de la mélodie sur "Divination", il suffit de se concentrer sur cet élément pour se retrouver à la place de ce prêtre dont l’histoire nous est contée.
"Borrowed & Blue" nous offre les seules parties en chant clair de cet album - chantée par James Carroll de Make Do And Mend - et ça en est tellement surprenant qu’il faut plusieurs écoutes pour s’en accommoder.
Sur Abandoned ainsi qu’avec les trois précédentes sorties, Defeater prouve que le hardcore peut être à la fois complexe et avec des paroles différentes tout en restant ancré dans le genre. Et cela se ressent sur les deux derniers titres de l’album qui contiennent tout le désespoir et la violence qui peut venir d’un homme résigné et qui se sent vidé de toutes émotions. "Atonement" nous montre un prêtre fatigué et cassé par tout ce qu’il vu alors que "Vice & Regret" est l’expression via les derniers mots « I am no one / I am nothing » que sa foi n’aura pas réussi à le sauver.
Difficile d’accès, un album de Defeater se mérite et plusieurs écoutes sont indispensables pour comprendre l’histoire et le point de vue des américains. Abandoned est un album qui nous plonge encore plus profondément dans cet univers post-seconde Guerre Mondiale et c’est assez rafraichissant venant d’un groupe hardcore. Jetez-vous sur Abandoned sans vous poser de questions, vous n’allez pas le regretter.