Mikael Akerfeldt, chanteur-guitariste d’Opeth

"La musique n'est jamais loin de ma vie"


 

Alors qu'Opeth est actuellement en pleine tournée de célébration de 25 ans d'une belle carrière, nous avons pu nous entretenir avec Mikael Akerfeldt, chef de file du quintet suédois. Avec un grand sourire aux lèvres, il nous a parlé du passé, du présent et du futur de son groupe sans complexe, mais aussi de sa relation avec le public sur scène, et son incompréhension pour la musique drone.

Bonjour Mike, et merci de nous accorder cette interview. Tout d'abord, pourquoi avoir choisi de jouer Ghost Reveries en entier pour cette tournée anniversaire ?

Eh bien, pour nous, c'est avant tout les 25 ans du groupe que nous fêtons. Coïncidence, il se trouve que c'est aussi le dixième anniversaire de Ghost Reveries. Le management a donc eu l'idée que nous fassions cela pour marquer le coup.

Cette année est aussi le vingtième anniversaire d'Orchid. Pourquoi ne pas avoir choisi cet album plutôt que Ghost Reveries, d'autant que c'est votre premier album ? Cela parait plus cohérent de le jouer pour une tournée anniversaire de la formation du groupe...

[Il réfléchit] Ah oui, tu as raison ! En fait, j'ai toujours considéré Orchid comme un album de 1994, car c'est l'année où nous l'avons enregistré et sa sortie a été énormément retardée ! Je voulais oublier le fait que la sortie a eu un an de retard.

Mais du coup pourquoi avoir choisi Ghost Reveries et pas Orchid ?
 

Eh bien, c'est une bonne question... Je n'y avais pas pensé pour être honnête, mais... Avec le recul, je pense que Ghost Reveries est plus connu par nos fans. Nous aimons beaucoup jouer les chansons d'Orchid mais quand on le fait, la plupart des gens dans le public a l'air... de ne pas les connaître ! [Rires]

Pour les 20 ans d'Opeth, vous aviez joué Blackwater Park en entier en tournée, l'album qui vous a fait connaitre. Est-ce que tu penses la même chose de Ghost Reveries, est-ce un album majeur d'Opeth ?

Pas vraiment... En termes de vente et ce genre de choses, oui, c'est un album qui a eu du succès. Mais pour moi, tous les albums sont d'importance égale. Mais c'était le premier album sous Roadrunner, donc le groupe a un peu plus gagné en notoriété avec cette sortie. Mais je ne dirais pas qu'il est plus important qu'un de nos autres albums. Je ne me suis pas dit "allons jouer Ghost Reveries en entier car il a été très important pour nous."  Non, c'est juste un album parmi les autres.
 

Mike akerfeldt, opeth, 2015, interview, français, french, ghost reveries,


Il me semble que vous avez commencé la tournée à la maison, en Suède. Est-ce que vous avez envisagé de faire quelque chose de spécial là-bas, comme inviter Peter Lindgren et Martin Lopez sur scène par exemple ?

Si j'étais un fan, je suis certain que j'adorerais que d'anciens membres montent sur scène. Par exemple, j'aimerais voir Deep Purple rejouer avec Ritchie Blackmore. Mais le fait est qu'ils ne s'entendent plus bien entre eux. Pour Opeth, je ne dirais pas que nous sommes fâchés... Mais par exemple, je n'ai pas vu ou parlé à Martin Lopez depuis... qu'il n'est plus dans le groupe, il y a dix ans de cela. Par contre, je viens de reprendre contact avec Peter récemment. Je ne dis pas que nous étions brouillés, c'est juste qu'il a mené sa vie de son côté et nous avons continué la nôtre. Mais de toute facon, je ne pense pas qu'ils auraient accepté. Donc je comprends l'intéret du point de vue des fans, mais pour nous, ca serait vraiment bizarre.

Est-ce que tu as écouté Soen, le groupe de Martin Lopez ? 

J'ai écouté quelques chansons et vu un clip. Franchement, j'ai trouvé que ça sonnait bien. J'étais content de voir qu'il jouait à nouveau, car je n'avais rien entendu de lui depuis très longtemps... Je ne savais pas comment il allait, ce genre de choses... Ca m'a fait du bien de voir que ça se passait bien pour lui. J'ai cru comprendre qu'il a des enfants, une femme, et c'est tout ce que je lui souhaite. Pour revenir à la musique, j'ai trouvé ça bon, mais un peu trop Tool à mon goût. Je sais qu'il a toujours adoré Tool, donc pourquoi pas ? Il n'y a pas beaucoup de groupes qui sonnent comme Tool, donc de mon point de vue, il y a bien pire comme influence. Mais encore une fois, j'étais content de de le voir jouer à nouveau, et au meilleur niveau ! [Il insiste]

Oui, comme quand il était dans Opeth...

Oui, c'est un mec incroyable, et son jeu de batterie l'est tout autant. Martin Lopez a un esprit très musical, et ça a été un bonheur de travailler avec lui. Toujours... Particulièrement au niveau créatif. Il y avait une bonne alchimie entre nous deux, quand il s'agissait de composer. Mais en tournée, c'était une toute autre histoire... [Sourire]

Pour ce qui est de l'alchimie entre vous deux, on la voit bien dans le documentaire sur l'enregistrement de Deliverance/Damnation. A un moment, il y a un passage où vous êtes en train de jammer sur ce qui va devenir "By The Pain I See Others" et on peut effectivement sentir cela, les regards qui se croisent, les têtes qui hochent, etc...

Oui, c'était particulièrement vrai lors de ces sessions. Nous avions commencé par installer la batterie dans le but de l'enregistrer en premier. Sauf je n'avais rien écrit ! Nous étions entrés en studio sans musique, donc je composais pendant la nuit, et ensuite, nous faisions des jams ensemble pour travailler ces idées, trouver des rythmes de batterie, etc... comme on peut le voir dans l'extrait que tu mentionnes. Et quand nous avions un rythme de batterie, c'était enregistré. En fait nous enregistrions autant que possible par rapport à ce que j'avais écrit. Et quand il ne restait plus rien à exploiter, je devais me remettre à écrire. Et le lendemain, on recommençait. Donc oui, c'est un batteur extrêmement talentueux, dans l'exécution ou l'écriture de parties de batterie.  
 

Mike akerfeldt, opeth, 2015, interview, français, french, ghost reveries,


Donc pour la tournée, vous jouez Ghost Reveries en entier. Pourtant, sur la dernière setlist, il n'y a que "The Grand Conjuration" qui est de cet album. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que vous jouiez plus de titres de cet album dans le futur ?

Nous ne voulons pas être exclusifs et se focaliser sur un seul album. Aujourd'hui, nous en avons onze, et quand nous faisons nos concerts en tête d'affiche, nous disposons d'environ deux heures et demi de set. Là, nous sommes en tournée pour le nouvel album, donc nous essayons de jouer quelques chansons de Pale Communion. Mais pour le reste, nous essayons de couvrir toute la discographie avec une chanson par album. C'est pour cela qu'il n'y a qu'une chanson de Ghost Reveries dans la setlist. Avec les années, nous avons beaucoup joué "Ghost of Perdition", "Baying of The Hounds" "Harlequin Forest" , "Grand Conjuration"...

Mais vous n'aviez jamais joué "Beneath The Mire".

Non, c'est vrai, c'est la première fois.  Pour tout te dire, j'avais oublié comment la jouer ! [Rires] Donc j'ai eu un peu de devoirs de maison pour remédier à cela. Je suppose que c'est ce genre de choses qui contribue à rendre ces concerts encore plus intéressants. Par exemple, nous avons souvent essayé de jouer "Isolation Years", sans jamais réussir à le faire correctement, ce qui explique pourquoi nous ne l'avons jamais joué auparavant. Donc oui, il y a quelques inédits.

Peut-on s'attendre à des raretés pour le deuxième set ?

Je ne sais pas trop... Il y en a quelques-unes, mais quand tu joues en concert, il faut faire des compromis. Nous avons essayé toutes ces choses, faire des setlists avec des pépites rares, mais quand on joue sur scène, le seul juge est le public. Le fait est que ça ne fonctionne pas complètement avec une bonne partie du public. Tout le monde ne connaît pas toute notre discographie. Et si on fait la comparaison avec un soir où on joue nos standards, là, ça se passe bien mieux en général. Voilà pourquoi nous essayons de faire un mélange, car c'est un peu se tirer une balle dans le pied de se concentrer sur des raretés. Je ne veux pas nous comparer à d'autres groupes, mais si tu prends Judas Priest, Motorhead ou Maiden : tout le monde veut entendre leur "Breaking The Law", "Ace of Spades" ou "Number of The beast".  Ce n'est pas forcément mon cas, mais ça concerne la majorité du public. Nous, notre "Breaking The Law", c'est "Deliverance", ou "The Grand Conjuration" pour certains, donc nous essayons de jouer ces chansons connues. Après, tout est une histoire de perception... Si le public est du genre "Euh, c'est quoi cette chanson ??", ce n'est pas aussi plaisant à jouer pour nous.

Certains de nos confrères ont lancé un concept d'interview où un artiste classe ses albums par ordre de préférence. Nous n'aurons pas le temps pour toute la discographie, mais peut-être pourrais tu nommer les trois albums que tu considéres comme les meilleurs d'Opeth avec le recul qui est le tien ?

[Il soupire avant d'éclater de rire] Je vais répondre quelque chose de chiant, mais c'est un peu la réalité en ce qui me concerne : pour moi, tu pourrais avoir ta liste en comptant par chronologie inversée du dernier album au premier. Les derniers albums sont les plus récents, ce sont ceux dont je me sens le plus proche musicalement parlant. Je n'arrive pas à avoir cette vision globale sur les classiques d'Opeth comme un fan peut l'avoir, car ils n'ont pas du tout la même perspective que moi. Je suis bien incapable d'entendre le côté classique de Blackwater Park comme le sentent les fans, par exemple. J'aime tous nos albums, il n'y en a aucun que je n'apprécie pas dans sa globalité. Il peut y avoir par contre des chansons que je n'aime pas... "By The Pain I See Others" en fait partie par exemple, je n'en suis pas satisfait. Donc la réponse facile serait de dire Pale Communion, Heritage et Watershed. Après, n'ayant pas de meilleur mot pour l'exprimer, j'aime le côté explosif du premier album, car tu peux entendre qu'on en voulait, qu'on avait les crocs... Et j'avais 19 ans à l'époque, j'étais vraiment jeune.

Plus jeune que nous ici même !

[Rires] J'aime aussi beaucoup Still Life, je pense que c'est un bon album. Je me souviens de l'enregistrement et comment il a été écrit, ce sont de sacrés souvenirs... Si tu prends les albums de l'ère Lopez, j'ai aujourd'hui du mal à croire qu'on ait réussi à les sortir, si tu vois ce que je veux dire, car les circonstances étaient assez chaotiques pour être honnête.
 

Mike akerfeldt, opeth, 2015, interview, français, french, ghost reveries,


Justement, est-ce que tu as commencé à écrire pour le prochain album ?

Non. En fait, depuis la sortie de Pale Communion, nous avons tourné autant que nous le faisons d'habitude, ce qui est vraiment sympa d'ailleurs, car il y a eu beaucoup de tournées ces dernières années. Là, nous avons ces concerts anniversaires, et peut être une autre tournée en fin d'année, mais je ne sais pas si ça se fera. Mais l'année prochaine est mise de côté pour composer et enregistrer le prochain album.

Tu n'as donc pas d'idée de l'orientation musicale que le futur album prendra ?

Non, je ne pourrai le savoir que quand j'aurai commencé à écrire.

Est-ce que tu as prévu d'écrire plus avec Fredrik, ce que tu as déja fait un peu sur Watershed et Heritage ?

Tu sais, chacun est libre d'écrire et de proposer ses idées dans le groupe, et ils contribuent déjà de fait à l'écriture. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à écrire en présence d'autres personnes, le fait de se retrouver dans une pièce en se disant "essayons de trouver quelque chose". Je ne l'ai pas fait depuis les débuts d'Opeth, et avec le temps je n'ai plus l'habitude, je perds mon élan dans cette situation, je me sens interrompu. C'est devenu difficile pour pour moi d'etre créatif quand quelqu'un est dans la même pièce. Quand Fredrik vient chez moi, il apporte souvent des enregistrements faits chez lui, et souvent ça me plaît, et je lui dis qu'on pourrait en faire une chanson. Chacun a toujours été libre d'écrire, il n'a jamais été question d'empêcher qui que ce soit de le faire. Ceci dit, j'aime avoir le dernier mot sur ce qu'on garde, tout simplement parce que j'écris la majorité de la musique d'Opeth depuis le début. Donc s'ils proposent des idées, il faut que ce soit quelque chose que je considère comme exploitable, qui sonne Opeth. Fredrik est très bon, mais de mon côté, j'écoute beaucoup moins de metal qu'à l'époque, tout le contraire de Fredrik, qui est lui encore à fond là-dedans. Et la plupart du temps, les idées qu'il me propose sont vraiment très lourdes, ce qui est bien, je pense. Mais parfois, il est difficile pour moi de me connecter à certaines de ses idées.

Au moment de la sortie d'Heritage, il y a eu une sorte de campagne de dénigrement sur ton compte à cause de l'album et aussi de ton discours sur metal qui serait devenu inintéressant aujourd'hui...

Oui, ca n'a pas vraiment cessé je crois. Mais je crois que l'essentiel de ce phénomène se passe sur Facebook et autres. Peu de gens sont venus me dire en face que l'album était mauvais ou ce genre de choses. Et nous n'avons pas vraiment vu ce retour de bâton de nos yeux... Il y avait toujours beaucoup de monde venant aux concerts, l'album se vendait bien... Mais bon, c'est la vie, nous avons été le groupe favori de beaucoup de gens pendant un long moment, ils ont cru que nous étions dans leur poche, pour ainsi dire. Donc quand on a commencé a faire les choses différemment, les gens l'ont mal pris. Ce que je comprends, d'ailleurs, mais ce n'est pas ça qui va changer quelque chose à l'affaire. Mais tu sais, il y a une limite très mince entre l'amour et la haine en matière de culture. Donc maintenant certains haïssent Opeth alors qu'ils l'adoraient avant... Mais encore une fois, personne n'est venu se plaindre en face de moi par rapport à cela... Les guerriers d'internet. [Sourire]

Justement lors de la première partie de la tournée Heritage, vous aviez joué un set totalement dépourvu de growl, ce qui n'avait pas embelli ta réputation. Pourtant, je crois avoir lu qu'avec le recul, tu regrettais cette décision.

Tout d'abord, je dois dire que cette tournée a été une de mes préférées de ma carrière. Je crois que c'était courageux de notre part d'entreprendre une telle démarche. Mais je ne m'attendais pas à ce que les gens sortent des concerts déçus à cause de l'absence de growls. D'autant plus qu'il y avait beaucoup de vieux morceaux dans la setlist, qui n'étaient certes pas les plus agressifs, pour ce que soit cohérent avec le reste. Il y avait aussi beaucoup de nouvelles chansons... J'ai donc adoré cette tournée. Mais si je fais le bilan, ma créativité en tant que musicien est pleinement satisfaite avec  l'enregistrement d'un album. Ce besoin est rassasié avec la composition/enregistrement. Alors qu'un concert n'est... Qu'un concert. Ce n'est pas aussi important créativement parlant, pour moi ou pour l'ensemble du groupe, qu'un album. D'autant que nous aimons toujours jouer ces chansons death metal. Il n'a jamais été question que nous ne les jouerions plus, du genre "voilà, c'est notre son maintenant. Le passé est le passé et vous n'entendrez plus jamais ces chansons !" Non. Nous avions juste choisi de faire quelque chose de spécial pour cette tournée-ci. Mais oui, je veux que notre public apprécie nos concerts ! Avec le recul, j'ai réalisé que jouer un concert n'a rien de créatif pour moi. Ca consiste juste à jouer la musique, ce qui est radicalement différent de la composition. C'est un plaisir, une forme de beaume pour l'ego, mais ça s'arrête là. Pour la composition, il n'y aura jamais d'interférence extérieure concernant l'orientation musicale. Mais pour les concerts, oui. Donc il y a de fortes chances que je ne refasse pas une telle tournée, mais je pense que c'était une belle chose à tenter.
 

Mike akerfeldt, opeth, 2015, interview, français, french, ghost reveries,
 


Par rapport aux growls, je suppose que tu as écouté le dernier Bloodbath. Qu'en penses-tu ?

J'ai bien aimé cet album, y compris les growls. Jonas est venu chez moi pour que nous l'écoutions autour d'un verre. [Rires] Je les ai également vu sur scène et ça sonnait vraiment bien !

Tu n'as pas eu envie de monter sur scène avec eux ?

Ils m'ont demandé mais j'étais trop bourré à ce moment ! [Rires]

D'ailleurs en parlant de featuring, je me souviens du Brutal Assault 2013. Tu jouais le même jour qu'Ihsahn, et il ne t'a pas invité sur scène... Pourtant tu as fait une chanson avec lui sur Angl.

Les gens ne me demandent pas de monter sur scène avec eux parce qu'ils savent que je refuse ! [Rires] En ce qui concerne Ihsahn, je ne me souviens pas s'il m'avait demandé. Ce serait te mentir que de dire qu'on s'envoie des textos tous les jours. Mais on se parle, c'est plus important. Si d'aventure, on joue sur un même festival, on essaye de discuter un peu, c'est toujours sympa. D'ailleurs, j'ai chanté sur l'album de Devin Townsend et je n'ai jamais reçu de copie de l'album ! [Rires] Je ne sais pas comment l'album s'appelle et je n'ai pas écouté la chanson sur laquelle je chante ! Je veux dire, je l'ai écouté quand je l'ai enregistrée, mais je n'ai jamais entendu le résultat final.

Qu'en est-il de l'album d'Ayreon sur lequel tu étais invité ?

Celui-là, je l'ai écouté quand il est sorti. Et il m'a d'ailleurs invité pour venir chanter sur le concert qu'il va faire en Hollande. Mais j'ai refusé, car nous étions occupés à ce moment là.

Il est connu que tu écoutes beaucoup de groupes obscurs des années 60/70. Qu'as-tu écouté ces derniers temps ?

J'achète tellement de disques aujourd'hui, tu sais... Maintenant, quand j'en achète un, c'est en général un album que j'ai déjà, mais que j'achète dans un meilleur état. Ou si le prix est raisonnable, je l'achète pour avoir un exemplaire en plus. Le dernier album que j'ai acheté, c'était à Londres avec mes enfants. On s'est retrouvés avec Steven Wilson pour déjeuner et il y avait un disquaire en face, donc j'ai été y faire un tour, et j'ai acheté le premier album de Caravan. Je l'avais déjà, mais là, c'était un exemplaire en mono... [Sourire] Aussi un groupe anglais qui s'appelle Stray, avec un exemplaire en meilleur état que celui que j'avais déjà. Je crois que c'est le dernier que j'ai acheté. Je les écoute toujours en rentrant chez moi. Mais de manière générale, je suis assez branché par la scène prog' italienne depuis quelques années.

Oui, d'ailleurs tu as programmé Goblin au Roadburn... en plus de leur avoir rendu hommage avec la chanson de Pale Communion qui porte ce titre. En tant que collectionneur, est-ce que tu te contentes d'aller en boutique ou achètes-tu aussi sur internet ?

J'achète des albums sur eBay, oui. J'y achète des guitares aussi. Et parfois, j'ai de la chance, je te raconte : j'ai donc acheté une guitare dont le propriétaire habitait à Londres. Je lui ai dit que j'allais bientôt être à Londres, et donc que nous pourrions nous rencontrer pour que je récupère la guitare, et que je le paierais en cash. Je lui dis que j'y serai de tel jour à tel jour, et qu'après je pars dans le nord jouer avec mon groupe à un festival. Donc il me demande dans quel groupe je joue. Je lui dit "mon groupe s'appelle Opeth", et là il fait "Oh mon dieu !!!" [Rires] Donc il est venu me livrer la guitare, j'ai eu droit à une réduction... Voilà les avantages à être un musicien dans un groupe de rock n'roll !

C'est une belle histoire !

Ouais, ça arrive... Je fais parfois une bonne affaire.

Ayant été curateur du Roadburn, est-ce que tu t'intéresses à la scène drone, qui prend de plus en plus d'ampleur médiatique de nos jours ?

Pas vraiment. Ce n'est pas que je n'aime pas ce type de musique, et si on repart sur notre discussion sur le metal, ce n'est pas exactement le metal que je critique, mais plutôt tout ce qui est actuel. J'aime toujours autant mes vieux albums de metal ! Récemment, nous avons joué dans quelques festivals, et je reste sur ma position. Tout se ressemble à mes oreilles. Et si je compare à ce que j'écoutais à mon époque, tu ne confondais jamais Judas Priest avec Scorpions ou Maiden. Ils ont tous une identité très forte. Pour ce qui concerne le drone, je dirais que c'est trop... "drony" pour moi ! J'aime certains groupes qui font du drone en musique électronique, et on revient ici à ma collection d'albums des seventies, j'ai pas mal d'albums dans ce style.. Le groupe qui nous sert d'introduction par exemple, Popol Vuh, est un peu drony, mais pas vraiment agressif, donc ce type de musique me va parfaitement. Sunn o))) est un groupe intéressant, mais ce n'est pas ma came. Je suis un peu frustré, parce qu'ils ont eu le privilège de travailler avec une de mes idoles, Scott Walker. Donc quand j'ai entendu la nouvelle, j'ai pesté, parce que j'adorerais moi-même travailler avec lui. Mais voilà, ce n'est pas parce que je n'aime pas la musique d'un groupe que je ne les respecte pas.
 

Mike akerfeldt, opeth, 2015, interview, français, french, ghost reveries,


Puisque tu parles de tes idoles, sais-tu que Christian Vander de Magma va lui aussi travailler avec Sunn o))) ? La légende raconte que lorsque Vander a entendu Sunn o))) pour la première fois, il a eu envie de jouer du piano ! Donc ils vont normalement faire des concerts ensemble et probablement un album.

Ca a l'air prometteur ! Je n'ai pu rencontré Christian Vander qu'une paire de fois, et il n'était pas spécialement bavard. Mais j'adore Magma, vraiment. Et je peux comprendre pourquoi ils sont intéressés par un groupe comme Sunn o))), à savoir des blocs de musique vraiment très lourde. Mais ce n'est pas quelque chose qui me parle. Je suis un peu impatient en terme de musique, il faut qu'il y ait un impact émotionnel fort ou une excellent chanteur, un instrumentiste avec une patte... Je ne m'y connais pas en musique drone, et je n'arrive probablement pas à écouter cela de la bonne manière.

Il me semble que Odessey and Oracle de The Zombies fait partie de ton top 5 albums de tous les temps. Quels sont les autres?

Ah c'est difficile, il y en a tant... J'adore le White Album des Beatles, définitivement un des albums que je prendrais si j'étais sur une ile déserte. Sad Wings of Destiny de Judas Priest en fait partie depuis très longtemps aussi. Il y a aussi Sabbath Bloody Sabbath, Moonmadness de Camel, le premier ou le deuxième album de King Crimson, je ne sais jamais lequel... J'adore aussi Red de King Crimson, 3 de Scott Walker, Court and Spark de Joni Mitchell... Mais effectivement cet album des Zombies a été très influentiel pour moi !

Evidemment, presque toute ta vie tourne autour de la musique, que ce soit pour la jouer ou pour l'écouter. Mais qu'aimes tu faire en dehors de cela ?

Tu as raison, la musique n'est jamais loin de ma vie. Si tu me parles de hobby, c'est également la musique.  Après, j'ai commencé à faire du jogging il y a quelques temps. Je joue aussi au badminton. Mais globalement, quand il n'y a pas la musique, je suis avec mes enfants. Je suis beaucoup avec eux l'été du fait qu'ils n'ont pas école.

Je me rappelle d'une interview où tu disais que ta fille n'écoutait que de l'eurodance. Tu lui avais proposé d'essayer d'écouter AC/DC, mais elle ne l'avait pas fait car leur musique n'est pas sur Spotify...

Oui ! En fait, je ne veux pas lui imposer ma musique. Souvent, elle passe des chansons depuis son téléphone quand nous sommes en voiture. Elle est assise à l'arrière alors que je conduis et elle me dit "Papa, tu penses quoi de cette chanson ?" Et parfois, dans ce qu'elle me fait écouter, il y a quelqu'un qui a piqué une partie d'une autre chanson plus vieille. A ce moment là je lui dis "ce n'est pas leur chanson !" Et je lui fait écouter l'originale à la place. Mais tu vois, j'aime avoir ce type d'échange avec elle. Elle s'intéresse à la musique, donc je ne veux pas la dégoûter et lui dire que tout ce qu'elle écoute est de la merde. J'essaye en tout cas, parce que parfois, je ne peux pas m'empêcher de dire que c'est horrible, je ne peux pas écouter ça... Beaucoup de ce qu'elle écoute est de la musique falsifiée. Je déteste ça, je trouve que cette musique est vide... Et je n'aime pas non plus la musique qui est corrigée. Par exemple, les voix qui passent à l'autotune, etc... Donc je lui dit que ce n'est pas "vraiment" la personne qu'on entend qui chante. Quelqu'un est allé corriger sa voix pour qu'elle sonne comme ça. Mais ça n'a pas l'air de la déranger. Mais j'ai aussi remarqué chez mes deux filles, et particulièrement mon aînée, qu'elles ont développé une impatience en musique. Elles ne connaissent pas le principe d'écouter un album en entier. Elles écoutent dix secondes d'une chanson, et elles passent à la suivante. Et je trouve que c'est à la fois triste et inquiétant. Je me demande si cette nouvelle génération aura la patience nécessaire à l'écoute d'albums entiers, ou si l'album va disparaître... C'est un peu préocuppant.

J'en discutais avec Steve Vai, et il me disait qu'il pensait que l'album allait perdurer tant qu'il y aurait des gens qui y tiennent, peu importe leur nombre.

Oui, je ne pense pas qu'il disparaîtra complètement... Mais si tu regardes, sur une plateforme comme iTunes,  tu peux déjà sélectionner les chansons que tu télécharges dans un album et ne pas acheter l'album en entier. "Ah je n'aime pas celle-ci ou celle-là, je ne les prends pas". Je n'ai jamais compris cela. Ca détruit l'idée de l'artiste par rapport au séquençage de l'album en tant qu'art... Que faire ? On ne peut pas y faire grand chose malheureusement. Je pense malgré tout qu'il restera toujours des gens qui apprécient l'écoute d'albums.

Es-tu contre le téléchargement illégal ?

Il y a quelque années, ça me dérangeait de me dire que notre album avait fuité des semaines avant sa sortie officielle. Quand les gens le font aujourd'hui, je ne vais pas me dire que ça me plaît, mais c'est une pratique si banale depuis des années que ça ne m'importe plus. En ce qui me concerne je ne le fais pas. J'achète des albums, parce que j'aime les posséder. Tout le monde n'est pas comme moi donc je peux comprendre un autre point de vue !

Entretien par Tfaaon et Silverbard
 



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...