Il y a tout juste un an tombait la terrible nouvelle de la séparation de l'un des groupes les plus enthousiasmants des années 2010, prenant à contre-pied toute une foule de fans qui, perdus alors, s'étaient fort logiquement demandé d'une même voix plaintive, « mais alors, qu'est-ce qu'on va faire de nos bottes en croco ? » : la Jim Jones Revue capitulait.
Avec une certaine classe, le groupe ne fournit aucune explication, frustrant certes son auditoire, mais désamorçant ainsi tout éventuel règlement de compte en place publique ; point de polémique, ainsi rien n'était « gâché » de nos beaux souvenirs, et le groupe gardait dans nos têtes l'image d'un gang soudé et intègre.
Si l'on n'a plus, depuis, de nouvelles du guitariste Rupert Orton (hormis quelques apparitions en tandem avec Jim Jones, invités tous deux lors de divers concerts), on sait toutefois que le pianiste maboule, Henry Herbert, prépare actuellement un premier EP solo, accompagné par l'autre Jones de la bande, Nick, à la batterie, et que c'est prometteur, tant le bonhomme est talentueux.
Mais c'est aujourd'hui un autre projet qui nous intéresse : celui que le leader Jim Jones a fondé avec son bassiste préféré, Gavin Jay. Les compères relèvent ainsi le défi de la tabula rasa, repartent du néant pour édifier une nouvelle légende, qui portera le nom de Jim Jones and the Righteous Mind.
A la voix off de dire alors, d'une voix grave et mystéieuse, « Au commencement, il y eut Boil Yer Blood ».
Disons-le d'emblée, il ne s'agit que d'un EP 3 titres. Forcément, la première réaction est de tirer la gueule, comme quand on n'avait pas compris qu'on était dans un restaurant gastronomique, que l'assiette est servie et qu'il n'y a dedans que quatre pauvres petits pois empilés sur une fine lamelle de rôti froid, avec tout juste quelques gouttes de vinaigre étalées sur la porcelaine pour faire joli. Enfin j'imagine que c'est comme ça dans les restaurants gastronomiques. On se dit au moins que les choses ne changent pas, la Revue nous ayant déjà habitués à un rythme un peu pantouflard, comme Burning Your House Down était par exemple garni d'une bonne moitié d'anciens titres réenregistrés. Alors on nous dira que ça ne fait qu'un an que le groupe s'est séparé, qu'il faut leur laisser le temps aux petiots, oui mais voilà, un an sans Jim Jones, ben c'est long, on a le droit d'être ronchon.
Heureusement (fin du suspens), les 3 morceaux envoient sacrément le pâté.
En même temps nous sommes un territoire déjà conquis, rien qu'à entendre la voix d'homme des cavernes du chanteur, et nos poils de bras se dressent déjà comme un seul homme en beuglant « AVE JIM JONES ». Mais ça n'est pas gratuit, il y a quelque chose ; le riff minimaliste touche en plein dans le nombril, hargneux. Ce premier morceau éponyme possède une vértiable dimension cinématographique, nous plonge dans une atmosphère incroyablement palpable, avec son piano au gimmick de film d'action et ses grands « wiiiiiiiw » aigus et horrifiques ; on ne s'y trompe pas, le clip, très soigné, relève de cette ambiance sombre et sauvage. Les choeurs virils qui scandent « Boil Yer Blood » sont menaçants, voire carrément guerriers, et l'on retient son souffle jusqu'à la fin du morceau, son crescendo, suivi du retour du thème de Mission Impossible, comme pour nous hanter jusqu'à la fin de nos jours.
Suit "1,000 Miles from the Sure", une balade apaisante comme Jim Jones nous avait informés qu'il savait les chanter à l'occasion de l'album The Savage Heart. Là encore, il s'agit avant tout d'une ambiance, qui porte cette fois-ci l'auditeur dans une main de coton. Les arrangements sont sublimes, et l'on découvre, à chaque écoute, un son nouveau pour nous hypnotiser, çà une douce guitare slide, là une contrebasse frottée tendrement... Que de grâce.
Puis la voix de Jim Jones hurlant « Last naaaaïïïght ! » nous sort violemment de notre rêve. Si "Hold Up" est sans doute un peu moins efficace que les deux morceaux précédents, il est tout de même plein de bonnes idées : un groove ethnique, des choeurs peau-rouge, et ces maracas dans l'oreille gauche qui ne quittent plus les mains du chanteur depuis qu'il les a chopées Manitou sait où. Les Righteous Mind dansent autour du feu.
C'est donc un EP enthousiasmant que nous proposent ici les Londoniens, plein de promesses pour l'avenir. Et comme The Jim Jones Revue était avant toute un groupe à voir (que dis-je à voir, à vivre - non, à survivre !) en live, il nous tarde à présent de découvrir le show de Jim Jones and The Righeous Mind, histoire de se faire souffler une bonne volée de watts dans la tête ; on regrette fort de les avoir loupés au cours des quelques dates qu'ils avaient donné en France il y a peu (appel à témoins : quelqu'un les a vus ?), vu qu'ils semblent bien l'aimer, la France.
Reste toujours que 3 morceaux, c'est trop peu pour rechausser définitivement les santiags ; on n'est jamais à l'abri d'un vilain coup du sort.
On n'a qu'à dire qu'on en met une, au cas où.
Crédits photos : Jim Jones and the Righteous Mind