Déjà un peu plus d’un an depuis la dernière date de Slayer en France, dans ce même Zénith qui avait été ravagé par les morceaux des Américains, aux côtés de Ghost et Mastodon. Anthrax avait dû en revanche annuler sa venue, ce qui fait que le groupe n’est pas venu en France depuis plus de deux ans, et à Paris depuis presque trois ans. Avec les annulations successives de la date au Zénith et de leur venue au Hellfest, les thrasheurs se devaient donc de se faire pardonner par le public français, à l’occasion d’une soirée qui s’annonçait sous les meilleurs auspices.
Kvelertak
Choix étrange mais pas désagréable sur le papier, Kvelertak s’avère bien moins extrême sur scène qu’en studio. De ce fait, les Norvégiens nous servent pendant une grosse demi-heure des gros riffs hard rock bien trempés, et des passages plus lourds aux accents heavy, à l’instar de l’excellent "Mjød", dont le final épique ne peut que faire taper du pied.
La voix est malheureusement assez noyée dans le mix, et peine à en émerger : le côté plus extrême du chant ne saute donc pas aux yeux, et rend la cohérence de l’affiche assez peu évidente pour qui ne connait pas le combo.
Kvelertak au Hellfest 2014
Il est dommage pour le groupe que la prestation soit programmée si tôt, car le public n’est que peu fourni, avec un Zénith à peine rempli à 40%. Mais le groupe fait fi de ce détail, et se donne sur scène. Le pit ne s’y trompe pas, et suit à la baguette les invectives du frontman Erlend Hjelvik, pour un soutien indéfectible. D’ailleurs, la fosse n’a de cesse de se combler, et sera remplie aux deux tiers à la fin du set de Kverlertak.
Malgré un mix difficile du fait des arrangements à trois guitares, les Norvégiens s’en tirent avec les honneurs, et ont satisfait une bonne frange du public présent ce soir. Place maintenant au bon vieux thrash, bien rétro !
Setlist :
Åpenbaring
Nekroskop
Mjød
Månelyst
Ulvetid
Evig Vandrar
Kvelertak
Anthrax
Quelques fans assoiffés se dirigent rapidement vers les buvettes pendant ce premier entracte, mais la majorité du flux se fait vers l’intérieur de la salle, qui commence à être bondée, la fermeture d’une partie des tribunes aidant. Car Anthrax n’a pas ce soir dans les esprits le statut de seconde première partie : il s’agit bien d’une première tête d’affiche, quasi aussi attendue que Slayer.
Depuis quelques années, Anthrax se fait désirer, et la tension n’en est que plus palpable dans le Zénith. Dès l’introduction, sombre et angoissante, l’excitation gonfle, jusqu’à l’entrée de Scott Ian seul en scène, qui tape du poing sur sa poitrine, comme pour mieux rythmer la folie du public.
Après une mise en jambe efficace sur "A.I.R.", les Américains passent la seconde avec le culte "Caught In A Mosh", repris à pleins poumons par un Zénith extatique.
Le son est plus que correct, même si la batterie pêche un peu par deux aspects : la grosse caisse, trop sourde, vient empiéter sur les autres instruments, et l’ensemble manque d’attaque et de dynamique, ce qui fait perdre en intensité.
Anthrax au Zénith de Paris en 2012
Les guitares, justement, sont irréprochables, et la paire Scott Ian/Jon Donais est une véritable machine de guerre. Donais envoit des solos avec classe, et une technique irréprochable, notamment sur "Madhouse". Seul Joey Belladonna est malheureusement un poil en retrait : sa voix a pris un évident coup de vieux, et certaines notes sont poussives voire, pire, fausses. L’énergie déployée par le chanteur vient bien heureusement contrebalancer le poids des années, et l’attitude est bien là : Anthrax est là pour casser la barque, Joey en tête.
Au rang des reprises arrive bientôt "Antisocial", qui fait toujours son petit effet auprès du public français, qui a été bercé au son du titre original de Trust (cocorico !). L’intro est reprise par tout le public, et le refrain constitue l’un des moments forts de la prestation. A noter également un agréable reprise de S.O.D., et le très punk "Got The Time" de Joe Jackson.
Scott Ian au Zénith de Paris en 2012
Après une légère accalmie, le combo revient en force avec un hit extrait une nouvelle fois de Among The Living : "Indians" déchaîne les fans, même si la voix de Belladonna tend à gâcher un peu le tableau. Les musiciens font alors mine de quitter la scène, mais reviennent bien vite sous les cris du public, pour un hommage aux regrettés Ronnie James Dio et Dimebag Darrell. Ces derniers apparaissent sur les backdrops de la scène, pour un "In The End" très intense, et au son plus lourd que jamais.
Il est temps pour Anthrax de passer la main, après une heure de show sans réel temps mort, et la conclusion se fait sur "Among The Living", introduit par un Scott Ian seul en scène, baigné dans une lumière bleue du plus bel effet.
Si le concert n’a pas été à la hauteur des attentes créées par les trop nombreuses annulations d’Anthrax en France, force est de constater que la machine tourne toujours à plein régime, et que l’énergie est indéniablement là. Alors, on remet le couvert bientôt… au Hellfest ?
Setlist :
A.I.R.
Caught In A Mosh
Got The Time (reprise de Joe Jackson)
Madhouse
Antisocial (reprise de Trust)
Fight 'Em 'Til You Can't
Indians
March Of The S.O.D. (reprise de S.O.D.)
In The End
Among the Living
Slayer
Après le décès du regretté Jeff Hanneman et le départ de Dave Lombardo au profit de Paul Bostaph, Slayer avait quelque peu déçu lors de sa dernière prestation parisienne, du fait d’une impression de groupe en pilotage automatique.
Le nouvel album Repentless avait en revanche fait forte impression à la rédaction, et laissait entrevoir un renouveau pour la machine à riffs américaine. Alors quid de ce nouveau concert à la lumière de ce récent album ?
Tom Araya au Sonisphere 2013 (Amnéville)
Tout d’abord, les conditions de la prestation sont bien supérieures aux Zénith précédents réalisés par le groupe. La scénographie est bien plus travaillée, avec un décor somptueux, une scène encadrée de trois backdrops donnant un bel effet de profondeur, des croix inversées mobiles suspendues à la structure lumière… Tout semble réuni pour une soirée mémorable, d’autant que le son est chirurgical de précision. Seule la guitare de Kerry King a une sonorité étrange, qui semble sortie d’un poste FM tant il manque de consistance. Mais cela ne fera que s'arranger pendant la soirée, le mix est propre, tout est audible et on peut apprécier sans mal toutes les subtilités des compositions fort complexes de la bande.
Pendant l’introduction, la scène est masquée par une grande toile sur laquelle sont projetées des croix renversées qui se meuvent sur un fond de flammes et se changent peu à peu en logos Slayer. Le public hurle à tout rompre et la toile tombe, révélant un groupe qui attaque à cent à l’heure, par le nouveau titre "Repentless". Gary Holt porte son t-shirt "Kill The Kardashians" et les slams sont déjà de mise : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc.
Gary Holt au Hellfest 2014
L’impact sonore est monumental, et la dynamique globale est servie par un show lumineux remarquable : les ambiances visuelles sont variées, collent au plus près aux morceaux, et les divers flashes tombent à pic en toute circonstance. "Disciple" arrive déjà comme un premier uppercut qui retourne le pit, avec un final ralenti ultra lourd, qui enfonce encore le clou. La balance gauche/droite des deux guitaristes est un peu gênante selon le côté de la salle où l’on se place, mais rien de très grave. Sur un "Mandatory Suicide" qui serait fatal à un lâcher d’épileptiques, Kerry King gratifie le Zénith d’un excellent solo en tapping, aussi court qu’efficace.
Une fois n’est pas coutume, Tom Araya se montre relativement loquace, par rapport à ses standards. Il remercie copieusement les fans d’être venus si nombreux, et s’aventure même à jouer un peu de la voix avec eux. Il faudra tout de même un léger incident technique de changement d’instrument, induisant un fort buzz dans les enceintes, pour que le frontman admette à demi-mot son manque de conversation caractéristique : "P*tain, pas le choix ! Il faut que je parle !". Un franc moment de rigolade et d’autodérision, qui apporte au groupe la touché d’humanité qui lui manque parfois.
Kerry King au Hellfest 2014
D’un point de vue vocal, absolument rien à redire : Araya est irréprochable, et sa puissance est indéniable. Il se paie même le luxe de CHANTER quelques notes sur "When The Stillness Comes", qui passe haut la main l’épreuve du live, n’en déplaise aux détracteurs du morceau
Tout au long du set, Slayer pioche dans toute sa discographie, que ce soit South Of Heaven, avec le titre éponyme absolument imparable, ou bien encore Season in The Abbyss, mis à l’honneur pas moins de quatre fois. "Dead Skin Mask" est par exemple malicieusement introduit comme une chanson d’amour et de passion par Araya, qui laissera le public entonner la plupart des refrains à sa place : un peu dommage.
Tom Araya sur la Mainstage du Hellfest 2014
Paul Bostaph fait pour sa part le job, même si quelques imprécisions sont à noter dans les breaks les plus techniques, les rendant un peu brouillons. L’essentiel est malgré tout là, avec une frappe puissante et métronomique, véritable fondation du rouleau compresseur Slayer.
Le traditionnel final "Raining Blood"/"Angel Of Death" vient achever une set de plus d’une heure et demie, rendant dingue le public, qui se lance à coprs perdu dans l'assaut final. Mosh pits et slams n’auront de cesse d’engendrer bleus et ecchymoses jusqu’au dernier souffle des Américains.
La période difficile de Slayer semble digérée par ses membres, et la machine semble relancée par le nouvel album Repentless. Si l’abandon du backdrop Heinekein-Hanneman témoigne d’un deuil achevé, c’est bien parce que le groupe prend un nouveau départ, qui transparait dans l’énergie déployée ce soir. Cette petite étincelle qui semblait avoir disparu, est bien de retour, et ne peut qu’être de bon augure pour l’avenir. Affaire à suivre, après un repos bien mérité des cervicales, bien entendu !
Setlist :
Repentless
Postmortem
Hate Worldwide
Disciple
God Send Death
War Ensemble
When the Stillness Comes
Vices
Mandatory Suicide
Chemical Warfare
Die by the Sword
Black Magic
Hallowed Point
Seasons in the Abyss
Hell Awaits
Dead Skin Mask
World Painted Blood
South of Heaven
Raining Blood
Angel of Death
Photos :
© 2012-2014 Nidhal Marzouk / Yog Photography
© 2012 Nikolas Ernult / Nikolase.fr
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