Encore un nouveau truc de Ty Segall !!! Décidément, on ne sait plus où donner de la tête avec le blondinet virevoltant. L’actualité du Californien est débordante. Encore plus qu’à l’accoutumée… On connaissait le bonhomme avec le Ty Segall Band. Aujourd’hui, pas moins de trois projets sur le feu. Un album de reprises de T-Rex sous le pseudo Ty Rex, encore un super groupe intitulé Goggs (toujours avec Charles Moothart) et surtout la deuxième livraison grand format de Fuzz chez In The Red. Derrière les futs et au chant (comme un certain Jack White avec les Dead Weather), accompagné du toujours présent Charles Moothart et de Chad Ubovich cette fois-ci, Ty Segall nous offre en écoute intégrale sur le net dans la plus pure légalité et avant la sortie physique le deuxième opus du groupe sobrement intitulé II.
On démarre avec une grosse intro bruitiste pour ce nouveau Fuzz. On se croirait sur un gros chantier de BTP. Puis après une minute de travaux publics, la basse s’invite. C’est très lourd. On comprend aussi très rapidement pourquoi le projet s’appelle Fuzz. L’effet roi du psychédélisme est employé à outrance sur les instruments à cordes. Ca pose le décor. Les grosses guitares rappellent les rythmiques du heavy metal sans pour autant que les solos soient des dégueulis sonores dont les metalleux sont friands.
Premier single à faire surface, "Rat Race" reste dans la lignée du premier opus de Fuzz : heavy !!! Du très gros son à écouter à fond avec un solo de clavier au milieu, engorgé dans une rythmique fuzz du plus bel effet. Du bon boulot. C’est gras et puissant et, une fois n’est pas coutume, torché en moins de trois minutes, peut-être pour les besoins du formatage radio ?
Avec "Pollinate", deuxième extrait livré en pâture en avant-première au public, on reste dans la même dynamique. Compos et harmonies toujours chiadées mais cachées ou enrobées dans une nappe de fuzz sortie d’outre-tombe. On obtient un style indéfinissable et c’est bien la force de Ty Segall et de ses compères.
"Bringer Of Light" repose sur un gros riff inspiré de Black Sabbath et consorts. On s’imagine le grand Sabbath dérouler "Iron Man" ou un classique du genre. Ozzy y retrouverait ses petits sans problème. Charles Motthart y développe des riffs d’une puissance et d’une densité énorme. Ty Segall martèle à tout va comme un croisement entre Keith Moon et John Bonham. Quoi qu’il fasse, le bonhomme le fait à fond.
"Let It Live" et son intro psychédélique nous replonge dans un univers que n’aurait pas renié Status Quo période "Pictures Of Matchstick Men". Ty Segall a un sens indéniable de la mélodie et, produit différemment, ce "Let It Live" aurait pu convenir à Lennon et McCartney à la fin des sixties. Attention tout de même, lorsqu’on avance dans le morceau, le ton se durcit à un niveau que George Harrison n’aurait pas pu imaginer.
"Say Hello" part dans un trip un peu plus psychédélique. On repense à du rock seventies, à certains Pink Floyd (non, ce n’est pas une grossièreté). Puis après une minute trente, on s‘énerve fortement. Mais la mélodie reste présente. La voix mixée en avant garde quelques relents de pop. Un morceau atypique, bardé de tout un tas d’influences. Un bon résumé des multiples facettes du génie de Ty Segall et de ses complices.
Avec "Pipe", on retrouve encore et toujours ce sens du riff et de la musicalité. Ici, le riff me rappelle celui de "Isla de Encanta" des Pixies mais avec un son beaucoup plus trash.
Que de beaux arpèges pour l’intro acoustique de "Burning Wraith". Puis comme d’habitude, la baffe, le mur de son, la marque de fabrique de Fuzz. Les solos font mouche dans un style très heavy rock.
"Jack The Maggot" commence sur un tempo plus lent que les précédents titres. Puis on s’énerve mais, comme d’habitude, on arrive à garder des harmonies vocales fort agréables bien que noyées dans la fuzz et la distortion. Les Beatles croisés avec Led Zeppelin et le grand Sabbath ?
Encore une intro toute douce pour "Silent Sits The Dust Bowl". On tient là notre ballade. Car sur chaque album énervé les heavy metalleux nous ont prouvé qu’ils devaient se fendre d’une ballade. Si elle n’entrainera pas autant de création de couples que "Still Loving You", "Silent Sits the Dust Bowl" aura le mérite d’installer une ambiance très différente du reste de l’album tout au long des presque six minutes du morceau. Rassurons quand même l’auditeur, au bout de trois minutes, le combo ne résiste pas à enclencher la fuzz… Fallait pas déconner quand même…
"New Flesh" est un morceau plus tranquille, plus festif, plus pop. Plus Ty Segall Band que Fuzz. C’est moins pesant que le reste de l’album. On y retrouve quelques incursions bruitistes façon Sonic Youth. Parfois Ty Segall se souvient qu’il est issu de la scène garage punk. "Red Flag" va à l’essentiel du haut de sa minute quarante huit. "Sleestak" nous emmène dans des ambiances Horror Movie série Z comme celles que les Cramps adoraient. Un petit instrumental, histoire de laisser parler la fuzz sans la parasiter par du discours. Les Man Or Astroman ? auraient apprécié…
La durée affichée sur le lecteur du dernier titre de l’album sobrement intitulé "II" peut rebuter ou tout au moins intriguer. Plus de treize minutes... Dans quoi le bonhomme va-t-il nous embarquer ? On commence par une digression sous acide de guitares saturées. A la croisée de beaucoup de styles : heavy metal, stoner, rock ‘n’ roll hypnotique. Le tout dans une histoire sans paroles… On se revoit dans les grands moments de l’apparition de la stéréo comme sur un "Astronomy Domine" ou "Interstellar Overdrive" dans le Piper At The Gates Of Dawn des Pink Floyd. Après quatre minutes, on y est… En plein dedans… Un joyeux bordel, quelques expérimentations sonores… Zappa et Captain Beefheart pourraient pointer le bout de leur nez si la grande faucheuse avait retardé un peu son travail... Et finalement, on se laisse emporter dans cette histoire sans parole où le ton se durcit tout au long du morceau pour finir dans une explosion de décibels. Une bien belle réussite.
Résultat des courses, Ty Segall est bel et bien un des derniers petits génies du rock ‘n’ roll. Il a gardé la foi et porte le flambeau d’un renouveau Rock qui puise allégrement dans les valeurs sures du genre. Multi-instrumentiste, compositeur de grande qualité, le blond californien a semble-t-il toutes les cordes à son arc pour incarner le rock ‘n’ roll du 21ème siècle. Les fans de garage lui préfèreront ses actes avec le Ty Segall Band, les fans de stoner et heavy rock privilégieront Fuzz. En tout cas le bonhomme pourrait bien réussir la prouesse de rallier derrière son panache blond toute une horde de garageux et de métalleux !!! Chapeau bas, Monsieur Ty Segall !!