Six tunes, six pépites deep roots intemporelles ! Voilà comment résumer l’excellent album de Noel Ellis !
On ne sait pas trop qui est Noel Ellis, étant donné qu’il n’a sorti qu’un album, un peu obscur et très peu diffusé, mais en réalité, il ne s’agit ni plus ni moins du fils d’une des stars de Studio One et de Treasure Isle : Alton Ellis !
Noel Ellis est né en 1958 à Kingston en Jamaïque où il grandit dans le ghetto de Trenchtown. Du fait du métier et de la notoriété de son père, il baigne très tôt dans la musique et enregistre même une chanson (avec The Gladiators en backing band) pour Channel One, dès son adolescence. La tune s’appelle « It has been a long time ».
Après le départ de son père pour le Canada et plus précisément pour Toronto, Noel le rejoint et vit chez sa tante et son oncle, car entre temps le bon vieil Alton s’est fait la malle en Angleterre où il a une bonne base de fans et où il pense pouvoir y continuer sa carrière de chanteur.
Noel grandit donc à Toronto, au sein de la naissante communauté caribéenne locale, grâce à laquelle il reste en contact avec l’actualité et surtout la musique de son île. Au milieu des 70’s, une petite scène Reggae se développe à Toronto, principalement autour du label Summer Records de Jerry Brown, que certains iront même jusqu’à comparer au Black Ark de Lee Perry, pour la qualité de ses productions.
Noel, fort de son expérience jamaïcaine, se fait vite remarquer par Brown qui lui permet d’enregistrer un 1er titre « Reach My Destiny » en 1978. La tune passe plus ou moins inaperçue. Cependant, l’année d’après, son nouveau titre « Rocking Universally » enregistré avec l’aide de Jackie Mittoo est un succès d’estime qui arrive même à se classer dans les charts européennes.
Fort de ce succès, 4 ans plus tard, Summer Records permet à Noel d’enregistrer un album entier (qui sortira également sur le label Light In The Attic). Cet album, c’est celui qui nous intéresse aujourd’hui, le sobrement intitulé : Noel Ellis.
Comme je le disais plus haut, l’album est court. Il ne contient que 6 morceaux, mais tous sont des « extended versions » qui contiennent donc une partie « dubbée » après la partie vocale. On a donc en réalité l’équivalent de 12 tunes aux fortes thématiques Rasta, avec un message toujours positif, qui plane sur l’ensemble des lyrics.
Aux manettes, il y a du beau monde, des pointures du Reggae roots, j’ai nommé : Jackie Mittoo aux claviers, Willie Williams à la guitare et Johnny Osbourne (crédité en tant que « J. Osborne » sur l’album) aux percussions. Rien que ça !
Roulement de batterie qui claque et l’album démarre sur les chapeaux de roues avec « To Hail Salassie », un roots puissant, abyssal et plaintif sur lequel Noel pause une voix impeccable. A la 1ère écoute, le ton est donné, on sait que l’on est tombé sur du très lourd et que le voyage jusqu’à la dernière track sera intense.
Après la partie dubbée du morceau, on enchaine avec « Stop Your Fighting » au beat plus saccadé. Un plaidoyer antimatérialisme et antiguerre on ne peut plus d’actualité, où la voix juvénile de Noel Ellis s’évade sur un combo basse/batterie-percussion du plus bel effet ! Le tout est ponctué par une guitare qui va taper dans les aigus. C’est très très bon !
« Rocking Universally », n’est ni plus ni moins qu’un recut du « Real Rock Riddim ». Lourde basse et batterie chirurgicale ! Envoutant !
Sur le titre suivant, « Marcus Garvey », plus jovial, Noel Ellis demande la libération de l’Afrique du joug de tous ses oppresseurs, faisant écho au titre de Hugh Mundell, « Africa Must Be Free By 1983 », sorti en 1978.
Avant dernière tune, « Dance With Me », le morceau le plus léger de l’album, est une invitation à la fête avant de conclure avec l’excellent « Memories » qui est une autobiographie de Noel Ellis dans laquelle il décrit sa jeunesse en Jamaïque.
Au final, nous avons là un premier album impeccable (mais pas le dernier, car le Monsieur vient tout juste de sortir un nouvel album en cette fin d’année : Zion), avec une ligne artistique assumée de bout en bout, des claviers magnifiques, des percussions millimétrées, des échos, des delays et autres effets ponctuants des passages dub superbement orchestrés, le tout avec un Noel Ellis magistral au micro.
Malgré la qualité indéniable de cet album, le succès commercial n’a pas vraiment été au rendez-vous. Peut-être est-ce dû à l’époque où le Dancehall, déjà sévèrement implanté et très à la mode dans toutes les soirées, commençait à supplanter le Reggae Roots.
Noel Ellis est un album (et un artiste) méconnu et passé bien trop inaperçu à l’époque de sa sortie. Il mérite d’être écouté (et réécouté) car on a simplement affaire ici à un des derniers Classiques du Reggae Roots des années 80. Si vous n’êtes pas déjà en train de l’écouter, foncez vite !
Enjoy !