Thy Catastrophe
Depuis maintenant plus de dix ans, le projet black metal avant-gardiste de Tamas Katais s’est imposé comme un des plus respectés de la scène, avec des albums originaux et bien écrits, qui ont contribué à repousser les limites du genre. Les trois derniers albums de Thy Catafalque étant excellents, on avait donc de bonnes raisons d’espérer que le clou serait enfoncé avec Sgùrr… Hélas, mille fois hélas, il semblerait que Tamas se soit perdu en chemin.
A l’écoute de Sgùrr, on a l’impression de lire un cahier de brouillon d’un élève d’école élémentaire : c’est sale, désordonné et le propos est confus. Pourtant, l’album regorge d’idées, qui sont parfois bonnes, mais particulièrement mal arrangées entre elles… C’est tout le problème avec les artistes avant-gardistes : on a parfois l’impression que faire de l’avant-garde devient un prétexte qui les autorise à faire n’importe quoi. Eh bien, non Monsieur Katais, ça ne se passe pas comme ça. Expérimenter implique avant tout de structurer son propos. Et juxtaposer ses idées en espérant que ça va faire une bonne chanson, c’est être bien naïf. Après, ce n’est qu’une supposition, peut être bien que l’album est le fruit de quatre ans de travail acharné, où chaque petite mesure a été réfléchie, pesée et triturée, mais à l’écoute, ce n’est pas du tout ce qui se fait ressentir.
Par-dessus le marché, l’album est gratifié d’une des pires productions entendues depuis un bon moment, surtout compte tenu de la notoriété de Thy Catafalque. Même les premiers Burzum sonnent mieux… Si à ce stade, ce n’est pas le faire exprès, la question reste en tout cas en suspens. Mais encore une fois, peut être bien que Tamas a volontairement choisi que Sgurr ait un son de guitare très en retrait et brouillon, une batterie programmée complètement obsolète et des lignes de clavier on ne peut plus kitsch… En tant qu’artiste, on ne peut que respecter son choix. Sauf qu’ici, la production très lo-fi handicape les compositions. C’est on ne peut plus criant sur la (beaucoup trop longue) « Oldódó formák a halál titokzatos birodalmában », qui est en fait un bon condensé de l’album : désordonné, mou et sans oublier le kitschissime solo de clavier sur la dernière partie du morceau. Si ça, c’est un « epic » du black metal, il y a de quoi être inquiet.
Ceci dit, « Jura » est une composition convaincante avec de bons riffs et un ton agressif, mais elle ne dure que trois petites minutes, et n’est pas vraiment en accord avec le reste de l’album, en plus d’être aussi directement handicapée par cette production « avant-gardiste ». Mais soyons honnêtes, il n’y a pas que des mauvaises choses sur cet album, notamment « Keringo », mais encore une fois, ça reste une chanson de cinq minutes. Sur neuf morceaux et 52 minutes au compteur, c’est peu. Mais le pire dans tout cela, c’est que l’album n’a rien d’inventif, la créativité débordante de Thy Catafalque semble s’être éclipsée sur Sgùrr. Alors certes, on pourrait arguer que ce mélange hétéroclite de black metal et de musique folk hongroise est orchestré d’une manière relativement inédite, mais pour aboutir à quoi ? Un album où on doit se tenir la mâchoire tant celle-ci est sollicitée par des bâillements. Peut-être est-ce là un de ces albums incompris à leur sortie et réhabilités des années plus tard… Mais il y a de quoi se poser des questions.