Ce n’est pas immédiatement qu’on capte les subtils extraits à la Queen of the stone age, aux Foo Fighters, au dandisme des vieux Bowie ou d’un Mc Cartney rendu Stonien par les enzymes gastriques mais aussi de la puissance charismatique à la Tool ou Fishbone dans cette galette sortie au printemps 2015 des Lord Ruby : Keep on moving.
Ce n’est pas immédiat car c’est assimilé et disséminé comme un bouquet d’épices qui, une fois bien mélangées donne un plat sublime et original…. Car c’est un met exotique et pourtant bien de chez nous que ce son « Lord Rubiesque »… une sorte de salade lyonnaise sauce à la menthe anglaise pimentée. Le truc qu’on n’aurait jamais pensé gouter un jour et dont on se sert chaque fois que le plat se présente avec délectation !
Très vite on s’accroche aux compositions intenses et fines à la fois… Les trois premiers morceaux se livrent vite, échauffent les corps et annoncent la suite : ça va bouger chez vous ce soir dans la joie et l’autodérision ! Oui, parce qu’en plus ils ont un humour un peu provocant les Lord Ruby ! Ils sont "french and arrogant", parfois monstrueux et entrainent nos esgourdes dans leur univers noir, blanc et sépia, habillés de costumes 3 pièces, grand écart entre l’image presque désuète et le son postmoderne.
On navigue aux grés des enchainements de morceaux intelligents, sournoisement délicats, au centre d’une mer changeante de sentiments et d’émotions, le tout délivré avec maestria par la voix assurée de Franck Viallet à laquelle je trouve pas mal de similitude dans la propension à la métamorphose de celle d’un Arnór Dan Arnarson d’Agent Fresco.
Mise en transe par certains riffs, je me surprends à trouver la plupart des morceaux de l’album bien trop courts, à l’instar de "banging" un morceau évolutif à la "Black flowers" des Fishbone, qui met les poils et me laisse à chaque écoute frustrée et alanguie. Lord Ruby nous installe dans des atmosphères créées juste pour nous sans jamais rester dans la facilité en ronronnant gentiment comme dans "Dancing with dead" : La rengaine nous entraine on a l’envie irrépressible de rentrer plus profondément dans l’histoire, comme dans un manège confortable qui te secoue dans tous les sens.
Lord Ruby en ouverture des No One is innocent :
C’est à la fois harmonieux et dissonant comme pour les guitares de Manu Praz ou les chœurs de Niko Gamet sur "Run away" ou "Hey You", doux et puissant comme les lignes de basse de Damien Habouzit sur "The road is long enough" ou "Dead’s bed". Il y a tout dans ces compos pour faire de cet album, une tuerie inoubliable pour celui qui passe au-delà du son qui aurait mérité encore un peu plus de largeur.
L’album a été enregistré et mixé par l’équipe du Studio E et Bruno PREYNAT (ingé son de Mickey 3D), Le mixage est bon mais reste dans les starting blocks. Lord Ruby mériterait amplement un gros, gros son, au spectre encore plus ample à la Tears for fears pour le côté pop mais aussi plus lourd et sombre à la Soundgarden ou A perfect circle, chez Ken Andrews, par exemple afin de bien déceler et amplifier minutieusement chaque détail ciselé par ces excellents musiciens qui le valent bien.
Keep on moving est le premier album du groupe Lord Ruby, produit grâce au succès d’un projet de financement participatif. Un premier EP de 4 titres avait vu le jour pour tâter le terrain et les fans suiveurs de ces musiciens, expérimentés et participants à de nombreux autres projets.
Ainsi Niko Gamet, batterie et chants additionnels ex-Mok, Damien Habouzit, basse et chants additionnels ex-Prohom puis Astonvilla quand c’était mieux, Manu Praz Lesca, guitariste ex-Prohom puis Karimouche et Franck Viallet, chant guitares et bases des compos, ex-Franck Viallet, parti se promener quelques années à London (prononcer Lone-Done) et revenu se tordre les cordes vocales et celles de guitares sur ce nouveau projet ainsi que les idées reçues selon lesquelles seuls les grands britons peuvent rocker avec classe distanciée et humour.
Crédit photo : Marco Rebillard
