Le violoncelliste et le rock ne font pas ménage en général…
Ni bon, ni mauvais ménage d’ailleurs.
Ils s’ignorent plutôt même si pour certains ils apprécient le travail de l’un et de l’autre.
Il y a eu quelques incursions connues et reconnues mais qui font souvent office de phénomène (de foire pour certains). En tous les cas, d’Apocalyptica ou de 2cello, ce sont souvent des reprises qui font connaitre ces ensembles peu communs même si d’aucuns arrivent finalement à imposer leurs compos originales.
Pour Zlang Zlut c’est différent.
Après un premier EP : Take a Bow en 2010 et un album reconnu : Zlang Zlut (chroniqué et largement diffusé sur La Grosse Radio) en 2014, les voilà de retour avec Crossbow kicks (jeu de mot avec bow [arc] et surtout [archet] en anglais…) qui sortira le 5 février 2016 et le moins qu’on puisse dire c’est que les années passant, ils ne s’embarrassent pas de complexes ni de retenue.
A la première écoute globale c’est lourd mais fin, puissant ET intelligent, rythmé et déjanté ! Comment font-ils, enfin, pour sonner comme ça seulement à 2 ?
Oui parce que Zlang Zlut est avant tout un duo !
Pour ceux qui n’auraient pas sauté dans le premier wagon, voici une petite révision. Beat Schneider est le violoncelliste (avec un gros ampli Marshall), Fran Lorkovic est le batteur chanteur. Beat groove à donf (ahah) et fait aussi des chants additionnels et de l’harmonica, Fran sait (hum) jongler autant avec les baguettes qu’avec les mots.
Ils viennent de Bâle (ne rien dire, ne rien dire…), en Suisse (ouf...). Ils se sont connus il y a fort fort longtemps lorsqu’ils étaient musiciens dans un ensemble classique. Ils ont joué dans de nombreux projets annexes l’un avec Erotic Jesus et Undergod, l’autre avec Stefan Eicher et l’ensemble Phoenix, un groupe de musique contemporaine. Ils décident en 2010 de monter un projet warrior rock’n’roll à deux.
Avec seulement les futs de Fran et le violoncelle de Beat, ils ont créé un premier répertoire qu’ils ont testé dans un bar local. Devant l’enthousiasme général provoqué par leur performance, ils ont décidé de continuer à se faire plaisir en mixant toutes leurs influences aussi larges que le Rock lui-même (ancien aussi oui car ils n’ont plus 20 ans depuis longtemps, mais c'est surement un détail pour vous...).
Depuis 2010 donc, ils ont composé et tourné surtout en Suisse et en Allemagne pour commencer puis avec Karma to burn en 2014 un peu partout en Europe et enfin en tête d’affiche pour leur European tour en 2015.
Grace à leur technique incroyable, ils sont capable de jouer tout ce qui leur passe par la tête et ne se gênent pas, pour le plaisir de nos oreilles et l’hallucination de nos yeux lorsqu’on les voit performer.
Ça sonne méchant, ça tape méchant, c’est excellent et on se demande pourquoi personne ne l’a proposé avant… un indice : Beat est surnommé le Hendrix du Violoncelle…
On oublie très souvent à l’écoute de cet album qu’ils ne sont que 2 et que basse et guitare sont entièrement jouées par un seul et même musicien au violoncelle, Beat. Mais Fran à la batterie n’est pas en reste et sa maestria tient au fait qu’il propose des rythmiques complètement barrées et complexes sans que l’on s’en rende vraiment compte et sans que nos pieds et nos têtes ne s’arrêtent de battre la mesure et tout ça en chantant !
Crossbow kicks donc, ça commence par "Hit the bottom". La batterie se lance seule. Elle mouline drue comme on dit ! Puis on est balancé dans une joute de notes à la limite de la cacophonie… Que se passe-t-il ? On ne démêle rien de cette attaque sonore… ça grince… oulaaa ça griiinnnceee ! Ahhhh mais bien zuuurrr z’est oun violonzelle ! Puis la voix rentre, on oublie nos repères, on oublie et on s’en fou ! "Now you really hit the bottom" ! Ça tape tellement bien, c’est un hymne à la joie, au gros son, à l’humour et à la musique. C’est bon !
"Shake me up" nous cueille déjà conquis avec une basse, pardon, une rythmique mélodique au violoncelle façon "It’s late" de Queen qui aurait mangé du lion (oui je suis d’accord cette expression c’est n’imp'). L’ajout de quelques sons de machines et des chœurs efficaces en fait directement un morceau qui fonctionne à merveille.
Avec "Against the wall" et "They gave you madness", les morceaux suivants, on est plus dans la fusion à la Rage against the machine ou les Red Hot. On appréciera le solo à l’archet de Beat pendant que ça tourne grave derrière et nous voilà les mains en l’air, "put your hands against the WALL" !
"Little demon" m’a fait penser à un remix osé entre des Guns pré andropause (pardon les fans) et des chants à la Police d’Outlandos d’amour sans la barbe… avec un clin d’œil au funk des années 80 et aux disto rigolotes plaquées sur le cello.
Dès les premières notes de "Rage", je chope le frisson… la puissance retenue du groove prend aux tripes ! Ça tricote autour d’une voix presque chuchotée à la Manson sur un gimmik à la "Judgement day" des White snake. Est-ce que le solo en taping manque ? Que nenni ! Tout est là sans guitare, sans taping mais avec un solo magnifique qui finit tout en bas du manche en note suraiguë qui m’achève.
Changement d’ambiance. "Freedom is a bitch"… Enfin il parait ! On est au Texas ou ailleurs, sur une route poussiéreuse, il fait p... de chaud et on a cassé des cailloux toute la journée en écoutant "When the levee breaks" de Led Zep. "I’m beging you for a little more respect" ! Moi qui n’aime pas l’harmonica, j’en redemanderai bien encore un chouia.
Virage à 360° encore une fois. Nous voilà "Out of control" et la Californie se retrouve en Suisse avec une ambiance 1984 Van Halenesque et le riff d’"Ain’t talkin’about love" qui me vient à l’esprit. "Now" est dans la même veine en osant des incursions dans la dissonance à la fishbone, living colours ou même Zappa. Impossible de ne pas taper du pied, hocher la tête et apprécier les sons étranges sortant de l’instrument pourtant connu de Beat Schneider. Il le distord il le pousse dans ses retranchements, il en fait un instrument-alien. Impressionnant.
"Everlasting dreams" propose une jolie folie rythmique : un suppo binaire dans le pot ternaire, ou le contraire… Qui sait ? Des contretemps à gogo avec une voix à la David Byrne, et un refrain post-punk endiablé dans tous les sens du terme. Pour finir, un morceau à pogotter : "Get down"… Les musiciens ont assuré, on est vanné mais tellement content d’avoir fait leur connaissance.
Zlang Zlut c’est le groupe qui fait mentir l’adage qui dit qu’un vieux musicien classique ne peut sortir de ses partitions et des sentiers battus… mon Zlut !