Les groupes en provenance des Pays-Bas, dans le metal à voix féminine, ne manquent pas. Entre Epica, Within Temptation, Nemesea, Asrai, Kingfisher Sky et autres, il est ardu désormais de se faire une place. Et pourtant, Autumn est une formation établie depuis déjà quelques bonnes années, et ayant à son actif quatre albums. Cinq, désormais, en revenant avec Cold Comfort sur le label Metal Blade. Le combo, pourtant existant depuis quelques temps, n'a jamais vraiment eu la renommée de certains cités ci-dessus. Il faut dire que le départ de la charismatique Nienke De Jong, qui a décidé de fonder le groupe hard rock Dejafuse, fut un certain choc pour les fans, ceux-ci rassurés par l'arrivée de la voix de Marjan Welman.
Qu'en est-il du combo néerlandais en 2011 ? Hé bien, il faut croire que la direction musicale est différente … mais pas tant que ça, non plus. En réalité, cela est plus complexe qu'il ne le semblerait. Le registre de la formation n'a pas subit réellement de changements majeurs, et désormais, le sextet paraît cantonné à ce registre dans lequel il est à l'aise, à savoir un rock/metal atmosphérique teinté d'influences progressives, aériennes et éthérées, mais créant certains contrastes avec des moments de puissance de bon aloi. C'était le cas sur Altitude, ça l'est toujours sur Cold Comfort. La recette, toujours savoureuse et délicate, reste inchangée, mais comme ce sont de petits malins, ils vont presque nous faire mentir les bougres. Si l'opus d'antan n'était pas franchement placé sous le signe de la réjouissance et du chant des petits oiseaux, celui-ci enfonce le clou dans son registre mélancolique, triste et bien plus sombre qu'il y a 2 ans. Nous voici plongés dans un univers intimiste, où la joie et le bonheur sont de lointains souvenirs, et où la musique se retrouve magnifiquement bien reflétée dans la pochette de cette galette, qui, désormais, prend tout son sens. Imaginez donc cette chambre d'hôpital morne et grise, respirant les larmes et l'inquiétude. C'est ce qui marquera l'ensemble de l'oeuvre et formera de ce fait une certaine uniformité quant aux ambiances proposées, ces dernières parfaitement développées.
Il faut bien le dire, l'atmosphère est désormais un pilier central sur lequel le groupe néerlandais se repose presque entièrement. Plutôt que d'utiliser des effets divers et variés, le sextet reste simple et livre délicatesse et méditation. Les guitares sont très alourdies par rapport à ce que l'on a connu d'Autumn, et même si on ne tombe (presque) pas dans le doom, on sent que cette influence n'est pas complètement à ignorer. Qui plus est, même si des variations de rythme se font ressentir au niveau des diverses compositions, elles gardent cette teinte homogène, lugubre et fantomatique. Sur des morceaux du calibre de « Naeon » ou « Alloy », cela se ressent, même si, dans la première citée, les guitares mêlées tendent parfois à apporter un peu de lumière et de clarté dans une pièce glauque et pale (qui n'est pas à prendre dans le sens « ennuyeux »). Dans son clair-obscur, le clavier polyvalent est un atout indéniable pour le combo, ce dernier reposant en grande partie sur cet instrument pour apporter cette touche de diversité qui permet de passer des ténèbres de votre lit au fond de la chambre, volets fermés, à la petite percée lumineuse, là où vous ouvrez enfin le rideau pour voir apparaître un soleil certes encore peu visible, mais dissipant durant un court instant le noir qui reprendra ses droits par la suite.
Alors certes, on peut se dire que la formation ne décollera pas, est similaire à des milliers d'autres et n'est pas plus intéressante que les groupes « gothiques » qui pullulent. Ben non, tout cela n'est pas vrai, car Autumn possède vraiment ce son qui lui est particulier et fait qu'ils sont reconnaissables entre milles. Que ce soit la guitare, le type d'ambiances apportées, tout sonne comme si le combo nous y avait habitué, mais ces-derniers possèdent assez de talent pour ne pas tomber dans l'auto-plagiat. Ils ont au contraire la force de se renouveler tout en gardant ce qui fait leur charme certain. Cela passe bien évidemment par le chant de Marjan Welman, la jeune femme chantant ici pour sa seconde fois avec le groupe, la première étant sur l'album précédent. Cette voix chaude et grave correspond véritablement à ce qui est recherché dans Cold Comfort. Elle semble même être la frontwoman idéale. Son chant est tout simplement magnifique, bourré d'émotions et de sensualité, se fondant à la perfection dans les atmosphères, n'ayant aucun mal à nous prouver que la jeune femme est capable de varier et enchanter. De plus, elle ne rentre pas dans la catégorie « vocalistes interchangeables », et les néerlandais ont donc trouvés la parfaite voix pour accompagner cet univers d'ombres et de tristesse.
La lenteur étant instaurée, les pistes qui ne suivent pas ce schéma sont malheureusement moins convaincantes. C'est le constat que l'on tire en écoutant les 9 compositions présentes sur l'opus, dont une est bien moins réussie que les autres. « Black Stars in a Blue Sky » pêche par son côté quasi-entraînant qui se dénote, et trop, l'exercice n'est pas très bien réussi et semble presque faire office d'un décalage trop grand. Le reste forme un tout cohérent, solide et efficace, propice à nous faire entrer dans l'univers d'Autumn. Et dans cet opus, on compte trois perles de magie. La première, c'est la piste éponyme « Cold Comfort », pièce subtile et émouvante qui ne laissera pas indifférent. Que l'on aime ou non, le morceau tient dignement la route. On pourrait dire la même chose d'« Alloy », plus chargée en émotions que l'album du même nom du projet d'Amanda Somerville. Trêve de plaisanteries (ou pas), qu'est-ce que ce morceau possède ? Une certaine monotonie … dans le sens où tout semble être pareil. Alors on se dit « qu'est-ce que c'est ennuyeux », mais lorsque l'on tend l'oreille, ça ne l'est pas, et même pas du tout. Cette sensation langoureuse et délicate vient nous titiller peu à peu pour qu'on ne puisse plus se détacher du morceau, d'autant plus que Marjan nous offre une prestation absolument remarquable ! « Naeon » joue sur les contrastes et s'en sort très bien aussi, son écoute sera appréciée par les amateurs du genre. A la fois aérienne et lourde, elle nous emporte dans un monde gris et maussade, où l'on jurerait entendre un spectre.
Et tirons notre chapeau à Autumn pour sa prise de risque. Dans une industrie musicale, même dans le monde du « metal à chanteuse », où une majorité de formations tente de faire du simple, du direct et de l'efficace pour finir comme bête produit à consommer, les néerlandais prennent la tendance opposée. Imaginez donc une musique difficile d'accès, passant aux premières heures pour une simple musique de fond, que l'on écoute d'une oreille distraite, presque absente. Grossière erreur, car cela signifie que l'on passe à côté de superbes choses. Chaque élément mérite d'être découvert, et si les moins patients abandonneront vite et catalogueront ce Cold Comfort de chiant et insipide, les autres en découvriront les splendeurs. L'ennui y est absent, la beauté omniprésente et le spleen oppressant. Un de ces brûlots qui vous tiendra compagnie dans la tristesse et les moments moins agréables.
Subtil, difficile et sombre, ce Cold Comfort va demander un certain temps à s'apprivoiser, là où les autres opus d'Autumn sont plus facilement assimilables. Mais le groupe en provenance des Pays-Bas nous livre ici ni plus ni moins que son meilleur effort, et quel brûlot ! S'imprégner de telles ambiances demande du temps, et c'est ce dernier qu'il va falloir trouver pour s'évader un peu et entrer dans l'univers du groupe, qui n'est pas commun, c'est certain. Voilà donc un brûlot, mais également un combo sur lequel il faut se pencher au risque de rater quelque chose. Belle réussite.