Melange d’électro et de metal ? On pense immédiatement aux Japonais de Crossfaith, mais ils ne sont pas les seuls ! Aujourd’hui en effet, on va s’intéresser à Nightshade, un groupe franco-canadien mélangeant allègrement des styles incompatibles aux yeux de beaucoup, dans un electrocore survitaminé. Alors, simple exercice de style, ou bien vraies bonnes idées à la clé ? Au final, un peu des deux.
La piste d’ouverture, "Sentient", regroupe un certains nombres des éléments récurents de l’album, tant positifs que négatifs : arrêtons-nous donc quelques lignes sur elle. L’introduction pose une ambiance assez pesante, avec un piano aérien, et des nappes de cordes bien pensées. Une ligne de mélodique de guitare bien ficelée vient bientôt se superposer à la scène musicale, pour lancer le corps du morceau, plus couillu. Chant growl propre et efficace, riffs qui pourraient rappeler le Bullet For My Valentine des débuts – c’est un compliment – en plus rapides et directs. Seulement, une chose dérange l’oreille malgré les nombreuses écoutes : plusieurs plans de guitares sont triggés, au sens studio du terme. Ainsi, dès que le volume des cordes passe sous un seuil déterminé, le son est tout simplement coupé : un effet haché intéressant est ainsi obtenu, mais il faut reconnaître qu’aucune nuance n’est à mettre au crédit de son utilisation sur cet album. Le procédé déborde régulièrement sur la batterie et la basse, notamment sur l’énergique "Before We Die", et s’avère fatigant pour les oreilles, au sens propre du terme : pourtant l’idée est intéressante, mais utilisée de façon strop systématique et extrême. En revanche, un côté synthétique pas désagréable en ressort, et permet malgré tout de ne pas trop gâcher l’écoute.
Deux morceaux voient participer des invités. Ainsi, "Reminisce/Solace" accueille Kiarely Castillo de Conquer Divide, pour un morceau bien réussi. Riff qui rappelle inévitablement Meshuggah, envolées guitaristiques remarquables, refrain plus léger grâce à la voix guest. Les deux vocalistes créent un beau contraste, et on peut just déplorer une voix féminine un brin trop mièvre, mais on chipote : le morceau est vraiment une réussite, et constitue le cœur de l’album.
D’autre part, c’est Vincent Le Goff de JraaaH qui donne de la voix sur "Midas" – rien à voir avec la maintenance auto, en revanche. Ici, le concept d’instrumentation hachée est poussé à son paroxysme, mais à un tempo réduit qui du coup met bien en valeur l’idée utilisée. Le hachage confère une puissance supplémentaire à ce breakdown, et semble augmenter encore l’amplitude des mouvements d’une tête qui s’agitait déjà.
Instrumentalement, on salue le travail des guitares, très propres et appréciable, malgré l’omniprésence de l’effet discutable mentionné précédemment. La voix elle, se veut variée et aggressive, à quelques exceptions près, où le chant clair est employé. On pense notamment à "For Those Who Fight", qui passe en revue toute la palette de sonorités à disposition du vocaliste. Ce titre, qui fait par ailleurs figure de pièce épique de la galette, avec ses 3’12 au compteur (!), accueille en revanche le passage véritablement scandaleux de ce Predilections. A environ mi-titre, la musique du combo fait place à une montée electro indescriptible autrement qu’en faisant référence à la dance pour auto-tamponneuses des années 90. Avec un son de clavier très "pouet pouet", la section semble complètement hors sujet, malgré l’utilisation consécutive et plutôt réussie d’un rythme dubstep auquel se mêle un chant grogné sans réel défaut. A pousser trop loin la fusion, on sombre (très brièvement heureusement) dans le ridicule.
Sur toute la (courte) longueur de l’album, les claviers et bruitages éthérés qui occupent la toile de fond attirent l’oreille, et participent grandement à l’ambiance des morceaux. A ce titre, on ne peut que saluer un tel souci du détail, qui étoffe énormément les compositions.
Comme évoqué, on regrette un peu la durée de l’album, qui dépasse à peine les 25 minutes : certes, on gagne en concision et on concentre l’énergie, mais on sent que le propos aurait pu être un peu plus développé, ce que ne permettent pas assez des morceux de moins de trois minutes.
En tous cas, ce Predilections vaut largement qu’on s’arrête pour y jeter une oreille, malgré certains défauts non négligeables. A écouter pour les adeptes du genre, et à découvrir pour les curieux que les sons electro ne rebutent pas. Par ailleurs, on sent que les compositions ont un certain potentiel pour la scène, si les effets extrêmes utilisés peuvent y être transposés fidèlement.