La scène italienne regorge de talents reggae et dub. On ne le dira jamais assez. En effet, ça groove beaucoup du côté de nos voisins transalpins et vous connaissez tous le plus célèbre d'entre eux, Alborosie.
Cependant, La Grosse Radio vous parle depuis quelque temps d'autres collectifs tout aussi brillants. On a déjà évoqué EBM, Patois Brothers, Train to Roots, Mellow Mood et ceux qui nous intéressent aujourd'hui, WDD (Wicked Dub Division) & Michela Grena qui ont sorti leur dernier album autoproduit Red le 25 mars dernier après Dub Drops.
A l'instar de la scène française, les Italiens ont développé très tôt, une manière non convontionnelle de créer du dub. Je ne vais pas refaire l'histoire, mais pour faire court et simple, il existe deux procédés : celui originel, fait par des ingénieurs du son en studio, et l'autre, joué en live, popularisé par les collectifs français depuis la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix mais qui trouve une partie de sa genèse avec les groupes de punk britanniques de la fin des 70's.
Et c'est là que WDD intervient. Car le crew est donc en filiation indirecte avec les squats italiens, plus sobrement nommés centres sociaux culturels qui ont vu naître, à Naples notamment, des artistes comme 99 Posse, Bisca, 24 Grana aux inspirations punk.
Indirecte donc, puisque WDD est originaire de Pordenone près de Venise et que leur musique est profondément influencée par la scène dub anglaise, à savoir le son stepper.
Petit aperçu ici avec une touche très Vibronics en introduction. DUB MASSIVE !!!
La batterie se fait donc clairement ressentir et l'on comprend que le beat n'est pas si électro que ça ; cependant les effets externes sont omniprésents.
En fait, WDD se rapproche assez de Zion Train, collectif qui était déjà pionnier en Angleterre pour l'utilisation des instruments (en particulier les cuivres) et qui avait cassé les codes du dub en incorporant de la house, de la jungle, voire même de la dance dans ses productions. D'autant plus que chez Zion Train était déjà présente une femme au chant. Il était donc tout naturel que le crew de Bristol invite Michela Grena à toaster pour leur session à l'HeartBeat Festival de Guadalajara au Mexique l'année dernière.
Red est donc un album éclectique. WDD balaie une bonne partie du dub de ces trente dernières années, sans rien apporter de neuf soit, mais qui mérite une attention toute particulière.
"Show me your weapon, my weapon is love. Show me your weapon, my weapon is education". Tel est le refrain du morceau d'ouverture "Beating heart". En effet, WDD est aussi un groupe aux textes conscients. Sur un rythme roots et planant (la ligne de basse le confirme) porté par une mélodie à connotation épique, Michela Grena adopte un flow raggamuffin qui se rapproche parfois de celui scandé du hip-hop. En ce sens, elle prend des airs inattendus de Lauryn Hill.
C'est bon, ça vous plaît ? Car en fait, tout ceci a été conçu pour mieux vous préparer à la dub version, une steppa version pleine de promesses. Envolée la basse roots, celle-ci se fait plus grasse, donc plus électro. On appréciera également la flûte dans la première partie. Cependant, WDD aurait quand même pu prolonger le plaisir, au lieu de ces trois minutes trente bien courtes.
Le titre éponyme résume parfaitement ce que Michela Grena déclare à propos de l'album : "Un hymne à la force de cette couleur que l’on trouve dans la terre, dans nos coeurs, dans le sang mais aussi dans les guerres et dans les dévastations qui malheureusement fragilisent encore notre monde, prisonnier de malversations et de violence. Coeurs lacérés mais surtout coeurs battants et dansants inna dubwise style".
Musicalement, avec "Red", on rejoint les mêmes sonorités que dans la vidéo ci-dessus. Et petite surprise, de taille tout de même, sur ce morceau : un feat. de Jules I de Mellow Mood avec ses références rasta : "River Nile" ; "Ethiopia" ; "Abyssinia".
Avec "Freedom", on entre dans le monde de Zion Train, comme je le disais tout à l'heure, enfin en ce qui concerne les influences, j'entends bien. La sirène en introduction et le skank orientent donc le titre vers le collectif anglais. De même que sur "Shine a light" quoiqu'ici ce sont les cuivres du North East Ska Jazz Orchestra qui permettent ce rapprochement. Mais le son de WDD finit par s'en démarquer en proposant quelque chose de bien plus brut et de bien plus épais.
C'est également ce que l'on remarque sur le titre "Moon", tune stepper à l'atmosphère inquiétante, digne des bandes originales des films de science-fiction, voire même des films d'horreur (le piano que l'on peut entendre parfois peut faire penser à L'Exorciste ou Halloween). La même ambiance glaciale aurait pu être de mise également sur "Roots and wings", seul morceau instrumental de l'album, si le skank et le mélodica de Michela Grena ne venaient pas apporter une touche plus enjouée afin d'harmoniser le morceau.
On finira par deux morceaux plus roots, plus calmes que leurs prédécesseurs mais tout aussi efficaces. Ainsi, sur "Croatian sunset" et "Past, present and future", on retrouve toujours cette esthétique dense et ténébreuse mais sur des rythmes plus posés. Les basses lourdes sont bel et bien présentes. On se réjouit surtout de la version jungle de "Past, present and future", reflet des inspirations larges de WDD.
Par conséquent, Red est peut-être moins abouti que le précédent opus du groupe, Dub Drops, mais reste une belle réussite. La texture de l'album, stepper ponctuée de quelques touches roots, ravira les amateurs de dub massif aux basses bien grasses.
TRACKLIST
1. Beating Heart
2. Red feat, Jules I
3. Freedom
4. Past, Present and Future
5. In the future Jungle Rmx
6. Croatian Sunset
7. Roots And Wings
8. Moon
9. Shine a light
10. Beating Heart Steppa Version