Prendre l’Autoroute des Vacances et sortir à Lempdes sur Allagnon sous un soleil quasi estival annonce une belle après-midi. Celle-ci se veut familiale et on est accueilli par King Lion Roots, avec King Lion et Mattoo (tous deux musiciens du Wicked band) pour des sélections vinyle de premier effet, Jah Mason "Selassie I bless me" ou YT "credit crunch", Junior Brown "what a disaster" et par le graffeur Iggy qui créé pour l’occasion un superbe Marley et qui avait aussi un stand de graff.
sono King Lion Roots
Selecta King Lion aux contrôles !
Iggy démarrant son oeuvre
Il faisait bon aussi flâner dans les autres stands, root's trip avec sa caravane qui officiera dans la soirée pour prendre de belles vidéos, Pink Lady et ses locks, Art'oga avec ses superbes statues africaines, ses colliers et bracelets, ced'N co que l’on voit régulièrement sur des festivals avec t-shirts, robes aux couleurs reggae, attirail « farmer » et livres generation H, Nastasia et ses bijoux et objets en cuir, la Croix Rouge qui faisait des démonstrations de 1er secours.
Pour les plus jeunes, bubble éclate, foot délirant où chaque joueur est enfermé dans une boule et qui donne des situations loufoques et des jeux en bois, où se mêlent habilité, statégie ou vitesse.
Grand moment aussi avec des danses africaines de la troupe Appodéma accompagnée par Destin et ses percussionistes. Destin est un phénomène qui amène la foule à entrer dans la danse, ou dans la transe.
Et on voyait s'activer tous les bénévoles et l'Association "jeunes mines de rien", telle des petites fourmis pour que tout se déroule le mieux possible, une première édition met toujours une plus grande pression.
oeuvre finie d'Iggy
Les heures passées donnent un avant-goût de ce que sera la soirée qui déjà pointe le bout de son nez.
King Bass#2
Si le temps dans la file d’attente est un peu long (j’apprendrai plus tard que c’était pour régler un petit souci de balances) avec pluie en fin de file, ce petit désagrément est vite effacé dès lors qu’on rentre dans la salle où King Bass#2, sélecta du Puy en Velay distille déjà une sélection du meilleur effet : alternance de chanteurs et de DJs: comment ne pas craquer devant un Freddie McKay "creation", the willows "send another moses" (Studio One tune !), du I-roy, une perle de chez Niney observer, Rocktone "Jah Jah Higher Than High" et quand on voit toutes ces galettes vynil, on ne peut dire que « respect » à cet amoureux de la musique.
Les DJ’s locaux ne s’y trompent pas et y vont de leurs versions, Lord Fayah (aussi clavier dans le wicked band) toaste à l’ancienne de sa voix puissante, Dawjah est un Dj/chanteur à la réputation qui n’est plus à faire, il a écumé nombres de sound-system et est maintenant à la tête du groupe Wicked Band, il nous envoie ses vers en roulant les « r » telle une mitraillette déchainée, quant à Sis Vibrations, il a ce style sinjay proche d’un Garnett Silk à ces débuts et ce pour le plus grand plaisir de la foule.
King Bass#2
King Bass#2, Dawjah au micro et Sis Vibration
King Bass#2, Sis Vibration et Lord Fayah
Tout ce beau monde sera d’ailleurs acteurs principaux pendant les entre-scènes.
MissaH & Weedo
Mais voici que retentit un son lourd venant de la scène principale et nos 2 joyeux lurons, Missah & Weedo entrent sur scène pour vocaliser « reggae music » sur le "We nah bow " riddim cher à Sizzla. 2 voix au top qui se complètent. La température monte déjà d’un cran sous l’œil protecteur d’un très beau lion créé par le graffeur Iggy.
One way selecta met le nouveau set en route pour nous jouer "Que du bon son" et c’est bien le cas sur une production maison.
Un nouvel agitateur arrive en la personne de Tiyab, bonnet enfoncé, reggae music est une big famille, comme on peut le voir, un verre de rhum arrangé à la main de chez les frères pirates, spécial sponsor du groupe, pour chanter (imbibé) "en sound system" sur l’intemporel "punnany" riddim. Une spécial dédicace à tous les ganjaman raggamuffin sur "T'en veux de la bonne" sur "Boss it up" riddim de la même trempe que le "punnany", la salle s’agite, les effluves commencent à arriver.
Tiyab, toujours sur scène, nous assène de son flow un "ras le bol" dont il a le secret et poursuit par le surpuissant "Qui je suis" sur une production maison où le trio s’en donne à cœur joie, se donnant la réplique comme dans un pur polar.
Weedo annonce à la foule, "c’est l’apéro, on fait monter la pression", un vrai sketch tandis que MissaH donne les premières notes de "Y a pas de Blem-pro" sur un hiphop reggae crée par Lions riddim.
Basse super violente sur le "So rich Riddim", style très bogle pour annoncer "pas de cocaine", pas d’amphétamine, pas d’héroine. Ici c’est ganja farmer, produit naturel tout comme l’esprit qui règne sur le festival.
Dédicace à tous les anciens, et puis aux plus jeunes pour "Mais t'étais où ?" sur une Production Dreadsquad où l’on parle entre autres de Shabba Ranks et Papa San pour les jamaicains ou de Daddy Yod et des excellents SaïSaï (on sent les influences), pour l’hexagone, le riddim accèlère digne d’un fusil mitrailleur, on entend " ils ont appelé la police pour moi", TiyaB, revient sur scène pour rattaquer avec le duo et demande au public de reprendre en chœur.
Le show se termine en apothéose avec un pur drum & bass signé Sigmadnb avec "On fume la weed", comme on fume la police. On n’est pas là pour faire le buzz, le BPM accélère a une vitesse vertigineuse tout comme les voix, les jambes sautent dans tous les sens sur scène et cela semble contagieux, la foule s’agite et saute partout. Un son énorme qui met une claque terrible avant que les platines de King Bass#2 ne se remettent en rotation. Juste le temps de manger, cuisine et saveur du monde, super traiteur local a concocté une truffade agrémentée de jambon de pays, ou des sandwichs saucisse, merguez et andouillette maison (on est dans le pays du fromage et de la charcuterie, ne l’oublions pas) et de boire une petite bière locale venant d'intercave et nommée simplement, l’Yssoirienne, et si le proverbe de la ville « belles filles à voir, bon vin à boire », il faudra maintenant y mentionner la bière aussi.
Mo'Kalamity
& the Wizards
Voila que retentit une rythmique qui fleure bon la reprise, les Wizards, le backing band de Mo’Kalamity sont en place tandis qu’arrive la chanteuse telle une princesse d’Afrique de par son élégance. Elle entonne alors "Frontline".
"Freedom" avec sa partition de flûte solo de Yann, grand personnage au charisme indéniable, est un enchantement, suivi par 'under the rain' qui sonne comme le "them belly full" du grand Bob Marley.
"Jah Love" fait la part belle à un Kubix très en forme, un maitre de la guitare lead, et sûrement l’un des meilleurs guitaristes reggae français soutenu par Kael à la guitare rythmique et au skank de clavier de Monsieur Fayce.
"Nothing soldier" nous donne un retentissement de flûte, très présente, très fraiche, et un chevauchement de batterie par Mano, qui n’a rien perdu de sa force, 10 ans avec les K2Riddim, cela force le respect.
Le départ de l’orgue annonce "petit bonhomme" et c’est une montée en puissance, on entend dans la foule ce refrain/ritournelle reprendre "Petit bonhomme traces ta route, vas voir plus loin, Mais surtout n'oublies pas de t'arrêter en chemin pour explorer toute cette diversité qui fait la richesse de notre humanité" et qui trotte dans la tête des heures après. Gros coup de massue quand le flûtiste entonne d’une voix puissante la partie Dj du morceau sur la ligne de basse de Benoit survitaminée.
Sur "Spirit", Mo’kalamity nous demande d’étre tous solidaires, réunis sous un clap de main de la foule en osmose.
le "strange things" sonne très roots, il ne peut en être autrement, chanson d’amour où l’on a droit à une envolée vocale, la voix des anges est dans la salle, celle de Mo’kalamity bien sûr et celle de John Holt, une des légendes du reggae jamaicain auteur de ce pur joyau.
S’en suit "livity" où tous les musiciens envoient un véritable feu d’artifice sur ce qui se veut être le final du show mais très vite la chanteuse et son band nous reviennent sur scène pour nous jouer le magnifique "Jah name", en version longue, dub et batterie presque martyrisée, la foule en prend plein la vue et les oreilles tandis que Mo’Kalamity demande "êtes vous toujours là ?", oui plus que jamais. "Time to rise up", avec les chœurs de Yan, sur un riddim se veut plus dancehall que le reste du concert. S’en suit avec la présentation des musiciens pour un final dont on ne voudrait pas de fin tant le moment et magique.
Broussaï
Si king Bass#2 continue a envoyer du son très lourd, on sent que le monde attend avec impatience Broussaï et la buvette voit un mouvement rapide, se réabreuver (à côté de la bière, il y avait aussi du bissap très raffraichissant) et retourner vers la scène pour avoir LA place.
On sent la vibration grandir dans la salle, Karma rentre sur scène en courant et entonne le terrible "Marianne" tandis qu’arrive Tchong Libo et son débit impressionnant.
Dès les premières notes de guitares de la chanson suivante, on sent que l’on va partir très loin, en Jamaïque, à "Kingston Town" aussitôt repris par la foule déjà conquise. Broussai tient à rendre hommage à tous les freedom fighters, ceux qui donnent jusqu’à leur vie pour cette liberté et démarre le "cours de l’histoire".
Gros ronflement de basse sur "positive". Tchong Libo demande si la foule est positive, cela amène forcément des sauts dans le public et nous demande ensuite fort logiquement de lever les bras en l’air pour tous les indignés sur "poing en l’air" car "A chaque élection on espère tourner la page Mais quel choix s’offre à nous quand on exprime nos suffrages ? Glisser un vote dans l’urne, s’apaiser et rester sage Alors qu’on sait que nos voix sont réduites à faire barrage" avec un solo guitare de Jo bien amené.
Une pensée pour toutes les victimes de violences, des attentats de France, de Belgique et dans le reste du monde. Nous dire que "nos différences font notre force" et ils entonnent "Cosmopolite" faisant reprendre le public, sur "il faut qu’on apprenne à vivre ensemble". La pression monte et une fois de plus cela jump dans la salle.
"Mandela" rend hommage au grand homme de cette Afrique du Sud prolongé par une session dub où les synthés de Mike et Romain répondent à la section rythmique de Robusto Sound à la batterie et Reynald à la basse.
Si le groupe est pacifiste, il connait la puissance des verbes et nous bombardent "avec des mots" d’une puissance à mettre par terre. Le reggae est une force bien loin du cliché réducteur de ganja / babacool, c’est avant tout un chant révolutionnaire d’unité chargé de natural mystic.
Leur dernier album regorge (tous comme les autres) de perles dont ce merveilleux "Stone Love", Sound system mythique de l’Ile, le son se veut plus dancehall, voix synthétisée des chœurs, c’est le feu dans la foule. Karma nous dit "l’Auvergne va s’entraver" mais cela saute de plus en plus haut sous des claquements de main et un synthétiseur psychédélique.
Attaque d’une guitare très 60’s, une pointe d’orgue et Karma entonne le "temps de vivre", les chœurs sont dignes des trios jamaicains "aujourd’hui je ne vais rien faire et ça pourrait bien me plaire de prendre le temps de vivre que l’oisiveté me délivre" tandis que répond Tchong Libo "des rayons solaires me caressent dans le sens du poil donne moi des couleurs chaudes pour tapisser ma toile je prends la douceur de vivre par la main j’l’emmène se poser tranquille sans penser au lendemain à l’ombre d’un pas, se balancer sur un hamac".
Synthé jouant la partie cuivre pour "à l’envers", où les 2 chanteurs demandent un max de bruit pour les artistes présent ce soir, une max de bruit pour les créateurs de ce festival et après une présentation rapide des musiciens font la photo souvenir Broussaï/public dans l’unité. Tandis qu’arrive "rêve d’évolution", le public reprenant en chœur "révolution", le poing levé comme un seul homme suivi de contraste et des couleurs et le groupe part de scène avant de revenir sur un riddim de légende : "Revolution" de Sly & Robbie. C’est la Génération H ! elle m’accompagne et voilà qu’arrivent sur scène les artistes précédents et ces locks blondes, Greg des Colocks ! Boum, la pression remonte en même temps que les effluves de la panacée. Mo Kalamity reprend à merveille Dennis Brown et Weedo, MissaH et Tiyab nous assènent le coup fatal ! La salle est vraiment renversée pour un morceau d’anthologie.
Le final se fera sur un ska, accompagné d’un pull up sur "le manège tourne".
Tandis que King bass#2 ressort des sélections toutes fracassantes, les DJ se partagent le micro, MissaH venant même faire un petit tour de chant sur des tunes.
La salle se vide tout doucement et on peut dire que le challenge qui s’annonçait gros est plus que réussi. En parlant avec Yacine, l’un des organisateurs du festival, j’apprends qu’il y a eu 640 entrées. La Grosse Radio vous annonçait il y a quelques mois le petit nouveau qui a tout d’un grand, pari plus que réussi. Un festival qui rentre dans l’histoire et qui sonne le commencement de futures éditions des plus prometteuses !
Un grand merci aux jeunes de l’association les jeunes mines de Rien, les bras et la tête de ce festival qui ont œuvré toute la journée (et bien plus encore) pour que tout ce passe dans les meilleures conditions. Une équipe jeune et dynamique avec à leur tête les créateurs Adrien et Léa qui ont pensé organisation, affiches, gobelets, site internet, logo.
Un grand merci à Yacine d’Auzon Communauté, section jeune pour l’aide de son expérience.
Un grand merci à mon binôme photographe, Christine « Kaya » qui a l’œil quand je suis rivé à mon petit carnet de note pour que rien ne s’échappe de la soirée.
Un grand merci aux artistes présents (merci pour votre aide dans la conception de l’article), aux stands, aux frères et sœurs que je croise régulièrement sur la « roots » et au public présent.
Et enfin, petite dédicace de cet article à Makeda qui n’a pu être présente, tout comme Kanou : reprends des forces et reviens nous vite en forme.
Toutes photos, droits réservés Christine "Kaya" pour Chris Photo
albums complets : Après midi / King Bass#2 / Widoo & Weedah / Mo'kalamity / Broussaï
sauf photos :
lion graff signée Iggy par Alex pour Reggae on the road
oeuvre finie d'iggy "Bob Marley signée Iggy et collectif génération H : collection personnelle