Xandria – Neverworld’s End

Xandria, groupe de metal gothique allemand, s'est taillé (miraculeusement) une petite réputation dans le milieu, de part la voix douce et sensuelle de Lisa Middlehauve et le « charme » qui se dégageait des albums pondus par la formation. Pourtant, et non sans raison, ils n'ont jamais réussis à s'imposer parmi les plus grands noms du genre, faute d'un quelque chose qui fait toute la différence … de beaucoup de choses, en fait. Les compositions étaient souvent médiocres, les brûlots de qualité peu constante, le chant linéaire et à la limite de la justesse, bref c'était pas tout à fait ça, ce qui fait que, dans la grille du chroniqueur, pour citer les seconds couteaux du genre, la formation était idéale pour décrire le manque d'ambition flagrant et la non-originalité. Donc, à priori, peu de chances d'avoir un miracle quant à Neverworld's End. Sauf qu'intervient 5 ans d'intervalle entre Salomé et ce dernier, et surtout un changement de line-up. Lisa Middlehauve s'en va, faisant place à Kerstin Bischoff (ex-Axxis), elle-même ne restant pas et cédant enfin le rôle de frontwoman à une certaine Manuela Kraller (Haggard). Il se pourrait que le résultat final soit bien meilleur.

Et en effet : il l'est. Mais il ne plaira pas à tout le monde, et ce premier point est à éclaircir. En effet, notre combo semble tout à fait méconnaissable, ayant subit une transformation très radicale. Pour ceux qui appréciaient les anciennes atmosphères proposées par Xandria, il sera difficile d'y retrouver le quintet qu'ils aiment et chérissent tant, car la mue, elle, est quasi-radicale. Au metal gothique sans prétention d'antan se substitue un heavy metal symphonique tranchant, aux nombreux chœurs, et dont moult points ne seront pas sans évoquer … Nightwish. Cette métamorphose semblait à présager avec le single « Valentine », elle devient tout à fait réalité en écoutant tout le reste de la mouture. Volonté de faire peau neuve de la part des allemands, donc. Est-ce pour attirer de nouveaux fans, faire une musique qui correspond plus à leurs attentes ? Il y a certainement des deux, car cette fois-ci, un nouveau palier est franchi, et la médiocrité du passé est complètement gommée. Si l'évocation des finlandais est inévitable, nous ne tomberons nullement dans le bête plagiat, bien au contraire. Les quelques influences tirées par-ci, par-là, sont uniquement présentes pour soulever une certaine nostalgique de ceux qui regrettaient l'époque Tarja, et de ce grand nom, ils prennent le meilleur pour forger un peu leur musique à eux. Pourtant, de la personnalité, ils en ont.

Si certains crieront au manque d'originalité flagrant en évoquant l'ancien Xandria, remettons les pendules à l'heure : le groupe ne l'a jamais été, et ce n'est pas vraiment le cas sur Neverworld's End. Période Kill the Sun, on pouvait entrevoir de sérieuses inspirations sur un Tiamat et son Wildhoney, puis Within Temptation quant au reste de la discographie. Et à l'instar d'un combo de la trempe d'Amberian Dawn, Xandria décide d'utiliser une autre corde, c'est à dire celle du talent, plus périlleuse mais tout aussi concluante si elle est bien tirée. C'est le cas, notre quintet nous prouve qu'il sait faire au mieux, et ne pas se limiter à imiter ses aînés. Dorénavant, on sent que l'inspiration est tout à fait présente au travers de morceaux cohérents, solides et puissants, qui semblent garder une ligne conductrice tout à fait judicieuse. La rythmique est puissante, les guitares n'ont jamais été aussi présentes dans la musique du groupe, ainsi que le clavier qui se taille une belle part du gâteau. L'autre point central, c'est la voix féminine, placée au centre, pour une mise en valeur idéale. On sent que la formation compte énormément sur le talent de Manuela Kraller. Ainsi, le fait qu'elle occupe une position importante ne surprendra absolument pas. Il semblerait que nos allemands décident de prendre le taureau par les cornes et, aidés par une production impeccable, donnent une puissance encore non soupçonnée de leur part aux compositions. Vous trouviez que le quintet est mou ? Neverworld's End va vous faire radicalement changer d'avis.

Et avec toute cette cohérence et ce côté homogène, la diversité n'en est pas oubliée, pas plus que les expérimentations. Xandria souhaite prendre des risques et définitivement abandonner cette image de groupe de second rang, ce qui semble tout à fait légitime, et le pari est réussi. Les ambiances sont primordiales, tout autant que le côté catchy. Alors comment combiner l'un avec l'autre ? La recette est trouvée. Lâchez les guitares, les refrains et les mélodies entêtantes, gardez cette formule d'un bout à l'autre, mais pour ne pas rendre la tambouille indigeste, ajoutez-y quelques points de diversité et de sympathiques aérations. On retrouvera ainsi de petites touches folk et instruments celtiques sur la très belle « Call of the Wind », un hymne heavy en puissance sur « The Lost Elysion » (qui sera une belle surprise de la part de Xandria), des ballades touchantes (« The Dream is Still Alive » et « A Thousand Letters », toutes deux réussies, mais la seconde sera plus agréable que la première), et surtout des pistes épiques : « A Prophecy of Worlds to Fall » et « The Nomad's Crown » sont les plus longues compostions de Xandria, les plus ambitieuses, et la deuxième nommée est la plus réussie de tous les morceaux écrits par les allemands. Orientale, mystérieuse, puissante et intrigante avec une Manuela qui excelle. Digne des plus grands du metal symphonique. En clair, il y en aura pour tous les goûts, et les saveurs sont, elles, délicieuses.

Et que serait tout cela sans Manuela Kraller ? Le choix d'une voix lyrique, plutôt similaire à celle d'une certaine Tarja Turunen, ne fera pas l'unanimité. Et pourtant, la frontwoman fait un travail tout à fait admirable, avec multiples variations, collant parfaitement à la musique, capable de se faire plus douce et d'émouvoir sur les ballades et la mid-tempo « Forevermore ». Ses prestations scéniques sont déjà de haute volée, mais elle prouve par la version studio qu'elle a tout d'une grande chanteuse du milieu et n'a rien à envier à d'autres divas. Le groupe semble avoir trouvé la voix qui correspondait à leur musique, et la musique correspond tout autant au chant de la belle, qui n'a aucune difficulté à faire des incursions dans des tons graves (« Soulcrusher ») ou aigus (« Euphoria », « The Nomad's Crown »).

Pourtant, dans tout cela, on distingue encore deux-trois morceaux un peu plus faibles. Et encore, ce terme n'aurait presque pas sa place car même les pistes légèrement sous le lot sont bonnes. « Valentine », « Euphoria » et « The Dream is Still Alive » ne sont pas aussi intéressantes que les autres, un peu plus classiques. Dans le genre accrocheur, « Cursed » sera préférée à « Valentine », par exemple, car jouant beaucoup plus sur l'ambiance grâce au violon et les performances des instruments (même si le fait d'entendre clairement la basse tout au long de l'album est un énorme plus). De même, question ballade/mid-tempo, « The Dream is Still Alive » dispose d'une aura moindre à « Forevermore » et son solo dantesque, ou encore « A Thousand Letters » où Manuela chante avec tout son cœur sur un refrain de haute volée. De même, la bonus track « When the Mirror Cracks » aurait été un choix parfait sur l'opus, en remplacement de l'un ou l'autre morceau en dessous (peut-être « Euphoria ») par sa rythmique se rapprochant du power metal. Mais l'excellence étant déjà atteinte avec la superbe « The Nomad's Crown » littéralement époustouflante, on pardonnera à Xandria de nous laisser quelques titres un peu sous les autres (et surtout qu'ils nous gardent le meilleur pour la fin les bougres, tant la galette est plus jouissive à partir de « Soulcrusher », et dire que la première moitié est déjà très bonne …).

Parfois, de bonnes surprises arrivent. Et Neverworld's End n'est ni une bonne, ni une très bonne, mais tout simplement une excellente surprise. La maturité est atteinte, et désormais Xandria semble posséder en main toutes les cartes pour avancer et devenir une nouvelle égérie du metal symphonique. Là où Nightwish peine désormais à rassembler les foules (malgré la très belle voix d'Anette), où Epica vacille et chute avec le mauvais Requiem for the Indifferent, où Within Temptation s'écarte du genre pour se tourner vers quelque chose de plus rock, des prétendants comme Amberian Dawn ou Xandria semblent bien avoir réussi à trouver ce qui fait d'eux des formations à suivre de très, très près.

Neverworld's End est de loin ce que Xandria propose de plus solide et de plus mature. Des compositions imparables, une chanteuse qui ne connaît aucune barrière et aucune difficulté, une prestance instrumentale réelle. Et une fois l'écoute terminée, ce n'est pas la fin de Neverworld que l'on entrevoit, mais bel et bien son avènement.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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