Axel Rudi Pell – Circle of the Oath

Catch the Rainbow ?...

Un savoir-faire ancestral jamais remis en question, mais un peu en roue libre aujourd'hui.

Disponible le 26 mars 2012 chez SPV/Steamhammer

Cela fait une paye maintenant qu'Axel Rudi Pell traîne ses guêtres fantasques et sa longue tignasse au sein de la scène métal, 23 ans exactement depuis la parution de son premier opus (sans parler de sa carrière antérieure au sein de Steeler) et à un rythme de sorties ininterrompu depuis lors. Ce Circle of the Oath, sa quinzième réalisation studio à ce jour (sans compter les 4 volumes des compilations The Ballads mais en incluant le récréatif –et dispensable également- Diamonds Unlocked tout de reprises constitué et paru en 2007), qui sort le 26 mars prochain chez SPV/Steamhammer, ne déroge donc pas à la règle, moins de deux ans après un The Crest correct mais trahissant une fois de plus une pointe, sinon d'essoufflement tout du moins de stagnation notable de la part de notre Teuton.

En effet, ici encore point de tromperie sur la marchandise, le fan sait déjà à quoi s'attendre avant même d’avant entendu la moindre note de cet album, comme en témoigne en outre cette pochette dans la lignée de pratiquement toutes les précédentes (c'est devenu une métaphore ou quoi?! A.R.P. nous donne à contempler des édifices imposants mais de loin, et nous les auditeurs restons bien souvent "à la porte"...). Et ce n'est là qu'une illustration du talent de "reproducteur" (sans jeu de mots déplacé!) de l'artiste...

Si son compatriote Uli Jon Roth a été maintes fois surnommé le 'Hendrix allemand', Rudi Pell voue lui depuis toujours une adoration pour un certain Ritchie Blackmore (ex-Deep Purple / Rainbow et actuel Blackmore's Night, est-il encore utile de le préciser hélas...), sans pour autant posséder le toucher ni détenir le ‘feeling’ certes inimitable de ce dernier (et même s’il joue inlassablement à lui copier sa « touche », notamment dans le look et les "mimiques", vous en jugerez par vous-mêmes… concernant le "jeu", le vrai en tout cas, on en est bien loin même si l'Allemand reste un brillant technicien dans le genre!), mais il a le bon goût de vouloir insuffler dans ses propres compos quelques influences éparses de l’écriture du Maître (sans parler des clins d’œil en ‘live’ où le groupe a déjà repris notamment le merveilleux et relativement méconnu "Temple of the King" du divin Arc-en-Ciel  présent également sur l'édition limitée de ce disque...).

 

Axel Rudi Pell

 

Toutefois, si l’on doit décrire plus précisément la musique d’A.R.P. « le groupe », et notamment sur cette dernière offrande, il convient de préciser qu’elle s’inscrit encore et toujours davantage dans la mouvance du « power », mais plutôt celle du siècle dernier, qu'elle n'a d'ailleurs pas évolué d'un iota depuis (on dit de certains artistes qu'ils sont « en avance sur leur temps », ici c'est tout l'inverse...) et qu’elle évoquera donc par moments dans certaines intonations les vieux Sonata Arctica en moins ‘speed’ (cf "Run with the Wind" ou le refrain de "Fortunes of War") et comme d'ordinaire le Helloween des premiers Keepers  -mais également en moins virulent-  au niveau de la batterie (on pense bien souvent au titre "I Want Out" à l’écoute du rythme d'un "Before I Die", entre autres…). Fans de ‘heavy’ hargneux ou débridé (en dépit d’un "Ghost in the Black" introducteur faussement énervé mais néanmoins efficace), passez votre chemin : l’ensemble est ici marqué du sceau d’un « classicisme » des plus flagrants et manque bien souvent de mordant et de folie, voire juste d’une once de relâchement qui aurait été la bienvenue, pour laisser place à un disque tout en retenue, ce qui est fort dommage et dommageable. Comme à l’accoutumée, ne vous attendez pas cette fois encore à des envolées de ‘speederies’ toutes doubles grosses caisses et contretemps dehors (même s'il y en avait un peu du temps où un certain Jörg Michael officiait derrière les fûts, vous avez dit bizarre?!...), le groupe restant majoritairement bloqué sur le ‘mid-tempo’.

La batterie puisqu’on en parlait … Autant le dire tout de suite, elle constitue à mon sens la composante la plus irritante de cet album. Avec un ‘bourrin’ comme Mike Terrana (quand il joue du pur ‘métal’ s’entend !), on ne pouvait guère s’attendre à beaucoup de finesse, mais que ses ‘patterns’ linéaires à souhait et ici sans grande saveur ni inventivité encore une fois (bien que bien mis en avant parfois au détriment de la gratte, ce qui est une nouveauté dont on se serait fort bien passé!) soient en plus de cela de nouveau gâchés, « charcutés » par ce son de caisse claire tout droit issue des 80’s dans ce qu’elles ont de moins glorieux (que le groupe se trimballait pourtant peu ou prou encore la décennie suivante, c'est un fait...), avec en outre cette insupportable reverb’ « mécanique » aujourd'hui complètement anachronique et qui résonne encore dans nos oreilles à l’issue de l’écoute, il y a là un pas de nouveau franchi et un parti pris artistique contestable que le groupe continue à assumer – car je ne peux imaginer qu’il s'agisse dans leur cas et cette fois d’un manque de moyens en studio (c'est vrai qu'on avait déjà eu droit par le passé à des productions au rabais mais à la longue ça relèverait plutôt davantage du foutage de gueule, disons-le...) !! -
 

Pour en revenir un instant sur la touche délibérément « traditionnelle » de ce Circle of the Oath, il convient de préciser que malgré toutes ces réserves demeure un côté ‘désuet’ plaisant qui évoque davantage le Rainbow toute dernière époque, notamment sur l’ultime Stranger in us all avec Doogie White au chant (notamment l'utilisation du clavier sur une formule "heavy mélodique" et entraînant avec un soupçon de FM, cf notamment ici « Hold on to your Dreams »), avec le même déséquilibre qualitatif au niveau de l’écriture, qui fait que le très bon côtoie le plus anecdotique, voire le guère mémorable.

Toutefois, cet album nous réserve quand même quelques surprises ainsi que de (trop) rares moments de bravoure, à l’instar du titre éponyme qui débute sur fond d’acoustique (avec des accords ‘pop/folk’ surprenants qui viennent agréablement désarçonner l’auditeur, qui se demande pourquoi du « Cat Stevens meets les 4 Non Blondes meets Page/Plant » est venu se glisser là!), avant d’alterner avec une gravité et une lourdeur proches pour le coup du recueillement d’un Dio sur « Stargazer »  voire « Gates of Babylon » ... sans toutefois égaler tout à fait l’intensité et la grâce de tels titres (et ce même si les sonorités orientales au clavier ou à la guitare sont autant de leurres pour qu’on s’y laisse prendre avec délectation). Notons également la belle ballade « Lived Our Live Before », relativement prenante mais toujours tristement classique...

Le dernier titre « World of Confusion », quant à lui (avec comme à son habitude de belles interventions de Rudi Pell en lead notamment sur l’intro), plus long et épique encore (mais ici sans le côté « Mille et une Nuits »…), et à la lourdeur accrue mêlée à des mélodies FM (le clavier en fait un peu de tonnes dans ce registre d’ailleurs !), rappelle étrangement (quoique pas tant que ça si l'on se rappelle le A.R.P. de Jeff Scott Sotto sur un Eternal Prisoner par exemple...) les morceaux les plus dans cet esprit -peut-être de par son côté plus mélancolique cette fois- du Black Sabbath de l’époque Tony Martin (décidemment, c’est en vogue ces temps-ci!!).

Il faut dire que le chanteur Johnny Gioeli (l’un des plus doués de sa génération, également derrière le micro dans le combo hard-rock Hardline dont nous attendons des nouvelles d’ici peu…) n’est pas étranger à tout cela, avec ce grain de voix juste ce qu’il faut de râpeux et qui évoque tant les chanteurs lyriques ayant officié dans Sabbath (on ne va pas faire la liste, hein, vous aurez deviné qui ça inclut et exclut! Et notons qu’il a toutefois une voix autrement moins ‘lisse’ quand même que celle de Martin…) que le timbre de Doogie White encore une fois (chanteur pour la dernière incarnation de Rainbow avec Blackmore donc –le père, s’entend…), renforçant encore les réminiscences déjà évoquées plus haut.

Le problème étant que l’ami Gioeli ne nous fait plus vibrer comme naguère et qu’on le sent en « service minimum » et même en retenue sur ce disque, ce qui est un comble pour un chanteur de cette trempe, lui qui nous régalait du temps d’un Masquerade Ball (dont le "World of Confusion" précité se voudrait être une 'suite')  tout en solennité, avec une puissance digne d'un Dio mêlée au lyrisme d’un Freddie Mercury, et « vice et versa »… Gageons que certains titres prendront malgré tout une toute autre dimension en ‘live’, c’est du moins tout le bien ou mal que l’on peut leur souhaiter.

Pour l’heure, sur album en tout cas, cela fait un moment qu’Axel Rudi Pell and co  ne nous ont plus vraiment enthousiasmé. Les grandes heures inspirées de Between the Walls, des magistraux Magic et Oceans of Time (qui marqua l’arrivée de Gioeli en remplacement de l’énormissime Jeff Scott Sotto), du sublime Masquerade Ball déjà évoqué ou encore de Kings and Queens sont loins hélas… Il est ainsi de notre devoir vis-à-vis d’une formation aussi méritante (et au line-up pas dégueu, quand même...) de sortir pour une fois le carton rouge ! Car le groupe n’aurait rien à perdre à espacer un peu plus ses sorties, le temps d’écrire des morceaux un peu plus travaillés et imparables (comme Rudi Pell avait pu le faire dès le premier album avec un hymne tel que "Snake Eyes" !!!!).

Ce n'est pas avec cette offrande donc que nos ferrailleurs gagneront de nouveau fans. En revanche, du fait de l'absence flagrante cette fois de moments de grâce vraiment marquants (à l'exception toute relative du titre éponyme...) et de fautes réelles de goût persistantes dans la production, ils risquent de finir par lasser ou décevoir un auditoire respectueux jusqu'alors -mais pas dupe- , et jusqu’aux adorateurs les plus acharnés qui aimeraient un peu de renouveau au bout d'un moment. L’argument de la perpétuation de la tradition ne tient pas la route face à des Demon’s Eye par exemple (avec Doogie White, encore lui !), plus authentiquement ‘roots’ (même si dans leur cas elle confine parfois au « mimétisme ») quand bien même on s'éloigne cette fois du power/heavy. On attend davantage de la part d’Axel Rudi Pell aujourd’hui qu'il rentre enfin de plain-pied dans la modernité, comme ont su magistralement le faire, dans un registre cette fois relativement voisin (même si plus ‘power/speed’ quand même) voire même « cousin germain » ^^, nos Frenchies de Nightmare


LeBoucherSlave

6,5/10

Axel Rudi Pell line-up 2012
 

NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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