Promenons-nous sur Le Toit du Monde avec le dernier album des BachibouSouk. Les quatre copains, Julio, Gaud, Driguez et Matthieu sont de retour. Le groupe va nous accompagner tout au long de cette chronique afin de découvrir ce nouveau projet Le Toit du Monde qui sortira le 24 juin 2016.
Le groupe a gentiment accepté de répondre à quelques interrogations afin de mieux nous immerger dans sa proposition artistique. Remerciements particuliers à Gaud (le batteur) et son clavier numérique (pas facile avec les baguettes) pour les réponses au nom du groupe.
Le Toit du Monde devient le 4e album sorti par les BachibouSouk. Tout a débuté en 2010 avec Le temps de la vie, Bouffon du peuple en 2012 puis l'enregistrement live & direct s'intitulant Les pieds sur scène.
C'est justement sur les scènes de France que le groupe a acquis une belle notoriété avec des shows énergiques et une communion indéniable avec le public. Une base solide qui a permis au groupe de construire son histoire et de proposer en cette année 2016 un nouveau projet.
Le Toit du Monde gagne forcément en maturité vis-à-vis des anciennes productions. Une voie que le groupe assume pleinement. Cela se traduit par une philosophie qui reste identique mais des textes bien plus engagés. Le groupe questionne et pousse l'auditeur à la réflexion.
Musicalement, l'auditeur s'éclate. Une hétérogénéité de styles qui tire son identité d'un rock'n'Roll indépendant que l'on pourrait assimiler à une musicalité punk à la française. Des arpèges et des mélodies à la guitare qui balancent des rythmiques rock, funk, blues et ska. Une batterie qui percute avec force et intelligence tout en drivant l'ensemble, accompagnée par la guitare basse. Enfin, des instruments à vent qui viennent soutenir et compléter la voix du chanteur.
Dans l'élaboration de cette chronique, j'ai eu la chance de pouvoir communiquer avec Céline Carpentier. Oui, mais c'est qui Céline Carpentier ?
C'est une photographe qui s'est chargée de la pochette et des visuels du groupe. Voici ce qu'elle nous fait découvrir sur le projet des BachibouSouk.
Céline Carpentier : "La symétrie du dessin a été l'un des choix du groupe.
On souhaitait travailler sur une représentation du monde. L'effet miroir représente ce côté paradoxal qui détermine assez bien notre monde actuel. Un monde qui va mal mais dans lequel il faut savoir positiver et se dire que la vie est belle.
Le patchwork de couleurs est la représentation des états d'humeurs morales et physiques de notre monde. Autant d'émotions que de variations de couleurs : de la joie à la tristesse. Toutes ces choses que fait l'homme et qui détruisent notre planète : la déforestation, la fonte des glaciers, le massacre de multiples animaux, les guerres... .
Le hibou qui représente le groupe est une identité qui est présente depuis les débuts du groupe. Il était important de le garder tout en l'adaptant de façon plus épuré, plus douce.
C'est album que l'on aurait aussi pu appeler le TOI du monde. Des chansons engagées qui parlent à chacun. J'ai voulu aller dans le même sens que le groupe en marquant cet album d'une touche graphique qui fait prendre conscience que le monde va mal mais qu'il faut continuer de sourire."
Un album qui possède quinze pistes, ce n'est pas rien. Mais connaissant le groupe, il a été plus difficile de faire un tri parmi la pléthore de titres possibles que de créer in extremis un nouveau répertoire.
On peut alors interroger le groupe : Comment faire le tri et trouver une unité dans la quantité de morceaux que vous aviez avant d’entrer en studio ?
Gaud : "Effectivement, nous avons composé une trentaine de morceaux pour cet album. Pour faire le tri, nous avons fait ça de manière très démocratique. Nous avons donné les pré-prod à toute l'équipe: Lolo et Alex, sonorisateur et éclairagiste du groupe ainsi qu'à Elise et Susie de Y'a comme un lézard. Puis nous avons tous fait une sélection. Les "votes" ont permis d'arriver à cette sélection de quinze titres".
Justement, en parlant de l'équipe BachibouSouk, restons dans le studio afin de savoir comment ils ont travaillé. Comment les améliorations qu'ils voulaient apporter à cette nouvelle production ont été construites.
Gaud : "Pour l'écriture et la composition, on ne réfléchit absolument pas à l'avance à ce que l'on souhaite faire. On lance le processus de création. En général, une personne arrive avec un texte et des accords, on fait tourner ensemble et ça prend forme très rapidement. Si ce n'est pas le cas, on met la chanson de côté et éventuellement on y revient plus tard.
On peut aussi simplement jouer et quand on se rend compte que l'on a quelque chose qui nous plait, on enregistre. Après si l'un de nous se sent inspiré, il écrit le texte.
Dans ce processus, nous ne sommes que tous les 4. A ce moment, on ne sait absolument pas à quoi va ressembler l'album. La seule limite que nous avons c'est que l'on se fixe une deadline sinon on en finirait pas et on écrit et compose tout ce qui nous passe par la tête.
Que ce soit la musique ou les textes, cet album c'est ce qu'on est et ce qu'on aime aujourd'hui".
Le toit du monde ou le "TOI" du monde un album bien plus militant dans ses lyrics que les albums précédents. Ce choix a-t-il été orienté par les expériences, "les années qui passent", ou simplement par une envie de changement par rapport aux anciennes productions ?
Gaud : "Je me rend compte que j'ai en partie répondu à ta question dans ma réponse précédente.
En fait nous n'avons vraiment fait aucun choix en ce qui concerne les orientations à prendre. Je pense que nous serions incapables de choisir d'abord des thèmes à aborder et puis ensuite d'écrire "à la demande".
Tous les textes de cet album sont vraiment ce que nous sommes et pensons au moment où l'on écrit. Je pense que l'unité se crée à ce moment, plus on avance, et plus naturellement nos idées et envies communes se dessinent. En revanche, on ne se sent pas militant à travers nos textes, on dit ce que l'on pense, ce qui nous touche mais nous ne voulons absolument pas dire aux gens à travers notre musique ce qu'ils doivent faire ou penser. Nos chansons ont plus une vocation à susciter le questionnement et la réflexion."
"L'idée de la pochette mais aussi le nom de l'album sont arrivés après avoir fait la sélection des titres. En écoutant à la suite les titres choisis on s'est rendu compte que ce paradoxe sur le toit du monde était présent dans chacune des chansons.
On s'est rendu compte que l'on parle d'un toit du monde spécifique dans chaque texte. Mais en général, on peut faire une opposition entre "le leur et le notre" ce qui a inspiré cette pochette mais aussi le titre de l'album".
J'espère que vous êtes prêt à vous balader sur Le toit du monde avec les BachibouSouk.
L'album débute par le titre "Afrique". Une introduction musicale tout simplement réussie pour ne pas dire parfaite.
Arpèges à la guitare, samples de cris d'animaux mélés à la voix du chanteur. Une longueur qui nous installe immédiatement dans le projet. Instantanément, nous sommes projetés en Live avec les BachibouSouk grâce à l'arrivée des autres instruments.
Démarrage efficace pour un morceau de six minutes. Des alternances musicales au sein même d"Afrique" qui justifie amplement cette longueur. On en redemande tellement le groupe assure.
La voix de Driguez dégaine les lyrics. Flow impéccable, les paroles sont mises en valeur. Et quelles paroles !
Débuter par"Afrique" est-ce un clin d’œil entre sa position dans le projet et la genèse de l’humanité ?
Gaud : "Oui bien sûr, directement. Mais je pense que malheureusement elle aurait aussi pu être la dernière chanson de ce disque. L'Afrique, on a vraiment la sensation que si elle a vu naître l'humanité, c'est aussi là bas que sa mort lente à débutée, il y a maintenant bien longtemps.
C'est un thème que l'on aurait pu aborder au tout début du groupe puisque c'est un sujet qui nous touche depuis longtemps mais je pense qu'on avait besoin d'un peu de recul et de maturité pour réussir à en parler dans une chanson. C'est un sujet compliqué sur lequel on ne voulait pas faire de fausse note, c'est d'ailleurs la première fois que l'on a mit vraiment du temps à écrire un texte.
On a fait des recherches, on s'est replongé dans l'histoire mais on a toujours la sensation d'inachevée. On avait envie de dire beaucoup plus de choses à ce sujet mais la chanson aurait pu durer deux heures. On a donc écrit cette chanson en voulant interpeller, pour que les personnes qui écoutent se questionnent, se renseignent, se fassent un avis !! et les faits abordés dans cette chanson ont finalement étaient choisis pour ça".
Gros riff à la guitare qui accompagne le morceau éponyme de l'album. Riff qui deviendra une sorte de "cocotte" rock'n'roll avec un bon accent funky sur l'ensemble de la piste. Les lyrics sont ultra positives.
Dans cette chanson, les BachibouSouk ont souhaité parler des événements positifs qui se déroulent dans nos vies. Il y a des jours où tout va bien et c'est important de le clamer haut et fort pour que chacun de nous puisse en profiter !
L'idée du clip leur est venue spontanément. Cette vidéo a été une nouvelle fois produite par Y a comme un lézard et a été réalisée par l'équipe de Ressons Prod durant l'été dernier dans les locaux de Y a comme un lézard à Rouvroy-les-merles (département de l'Oise 60).
BachibouSouk Officiel - Le toit du monde
Les deux morceaux suivants, "Je suis bien là" et "Les bas côtés" s'associent parfaitement. Les textes m'ont rappelé un artiste que j'ai beaucoup apprécié, Mano Solo.
L'écriture est ciselée, efficace, pleine d'ironie et de sourires grinçants, et, pour certains, gênants. Ce constat devient global lorsqu'on a entendu Le toit du monde en entier.
Riff orientaux pour "Je suis bien là", appelle au saxophone tandis que les percussions font résonner un gong. Transformation en rock'n'roll bien ruff avec un pointe de jazz grâce au saxo. Nouveau changement pour mettre en relief le texte. L'ensemble se construit sur ces bases.
"Les bas côtés" est davantage enclin à la légèreté. C'est "Une déferlante de plaisir" que nous propose Driguez. Avec aussi un petit clin d'oeil au dernier titre de cet album, "Manoha".
Musicalement, je me suis éclaté sur cette production. De la part de tous les musiciens. J’ai ressenti une belle mise en valeur des instruments à vent. Enormément d’émotion avec ces instruments.
Est-ce que c’est un feeling personnel à mon écoute ou est-ce que c’est une seconde voix dans le groupe ? Une volonté particulière ?
Gaud : "Ce n'était pas une volonté. C'est vraiment une histoire de feeling. Je pense que la plus belle des qualités pour un musicien c'est l'humilité ! Il faut savoir mettre son égo de côté pour n'avoir comme objectif que de servir la chanson. Il se trouve que sur cet album ce sont effectivement souvent les vents qui faisaient passer au mieux les sensations que l'on ressentait. Mais il n'y a encore une fois aucune règle ni réflexion tout ça se fait en jouant. Notre musique est très instinctive".
A nouveau, deux titres se lient dans cet ensemble. Le feeling blues se mèle à une légère java sur "Besoin de personne" tandis que le ska-swing s'invite sur "Ne m'appelez plus". Ce dernier met en mot un sentiment que je pense avoir concernant le système électoral.
Nouvel horizon musical avec la chanson "Vaudou". Une pompe jazzy à la guitare nous accompagne dans cet univers cinématographique ou serait-ce dans un dessin animé ? La clarinette nous balance des souvenirs de Django. "Doud Dou Dou Dou Dou Dou Dou Dou dou... ".
"La jeunesse emmerde le Front National" ! Vous vous souvenez ? "Ça sent le gaz" pourrait être une déclinaison parfaite de ces paroles gravées dans nos esprits. Ça fait grand bien !
Pourriez-vous nous éclairer sur le titre "Ça sent le gaz". Cette légèreté associée à la puissance des mots peuvent-elles choquer les auditeurs selon vous ?. Humour et propos assez noirs.
Gaud : "Je pense que les personnes qui connaissent déjà BachibouSouk ne seront absolument pas choquées. Pour les autres, si il y a un choc, alors tant mieux !
Nous sommes de Picardie, aux dernières élections régionales, nous avions comme candidate cette personne horrible dont on ne citera pas le nom. Nous avons vu sa montée en puissance et avons été choqués par le nombre de personnes qui adhéraient à ses idées nauséabondes. Ça ne paraissait plus du tout marginal et bien sûr au second tour elle était présente face à un autre parti pas franchement plus humain.
Alors oui, si cette chanson peut choquer qu'elle le fasse, au moins autant que nous avons été choqués par ces personnes qui soutiennent cette cause et qui relaient ces horreurs. En ce qui concerne l'humour, c'est une façon d'exprimer les choses. De grands humoristes comme Coluche parlaient de choses graves et pourtant c'était toujours avec humour. Il faut que les gens se renseignent vraiment sur les idées et projets réels de ces personnes et ne s'arrêtent surtout pas à ces 2/3 idées populistes qu'ils mettent en avant".
Justement, le hibou est-il aussi pour le groupe le symbole du milieu underground ?
Gaud : Au départ non. Le hibou est une création de Séverine qui a fait le graphisme de notre premier album.
A l'origine, il y avait plusieurs déclinaisons mais c'est celui qui est resté, avec son aspect déformé, pas dans la norme. Il nous a tous plu, on y a vu justement ce côté underground mais plus dans l'aspect qu'il avait plutôt que dans le hibou en lui même. Puis il est resté et est devenu en quelque sorte notre logo. Ce hibou, c'est un peu comme si il faisait partie de l'équipe maintenant, il est derrière nous sur scène il est sur nos disques, nos affiches, et même si parfois il se fait plus discret, il est toujours là ! Je dirais qu'en fait ce hibou est plus le symbole d'une belle aventure, celle des Bachi's.
Le système est une nouvelle fois égratigné sur "Crions sur leur Toit". Les BachibouSouk apporte leur vision de ce monde et surtout ce avec quoi ils ne sont pas en phase. Titre génial qui va faire jumper et chanter la foule lors des concerts. Vivement les lives d'ailleurs.
"Petit frère", la piste suivante, serait-elle un clin d’œil lointain avec le titre de IAM ?
Gaud : "La chanson n'a pas été pensée comme un clin d'œil mais elle montre à mon avis l'influence que la chanson d'IAM et plus largement leur album L'école du micro d'argent.
A part Matthieu qui est plus jeune, pour les trois autres, on avait 14/15 ans quand ce disque est sorti. On est tous originaires de la campagne, on a grandi dans un environnement protégé, et ce disque a été un élément essentiel dans la prise de conscience de ce qu'était la vie ailleurs que dans nos cocons. Ce n'était pas un clin d'œil volontaire mais je pense qu'on ne peut pas nier l'influence"!
Etapes du côté festif et positif de la Force avec un blues façon Popa Chubby pour le morceau "La Poisse". Ça enchaîne avec "Le cirque des Bachi's".
Est-ce que c’est Driguez qui fait aussi les chœurs ?
Gaud : "La plupart des chœurs sont fait par Gaud qui les fait aussi sur scène. Mais en studio il arrive que Rodrigo en fasse aussi quand la tessiture voulue ou l'interprétation lui va mieux".
Excellent ska pour "Plus vite" qui cartonne sur des lyrics dénonçant le règne du fric. Tous ces "Loups" qui nous entourent. L'ombre du Ché plane sur ce morceau. Quel accent !
Gros coup de coeur pour le "Roi des ronces". Une jolie balade poétique. Beaucoup d'intensité. Bravo !
Un petit coup de pouce sur le dernier titre "Manoha" et ses messages ?
Gaud : "Avec cette chanson, c'est la première fois que l'on est aussi personnel dans le texte.
Les enfants ont la faculté de prendre la vie comme elle vient et de se battre sans se poser de questions et avec une force incroyable.
Cette chanson c'est une façon de rendre hommage au long mais magnifique combat de cette petite fille qui a duré trois ans et qu'elle n'a malheureusement pas gagné. C'est aussi une sorte de thérapie. Nous avons toujours écrit sur la vie, sur ce qui nous touche, ce qu'on ressent, ce qui nous met en colère, c'est notre façon de nous exprimer, et cette chanson ne fait pas exception.
Nous avons vécu son combat et nous avons été marqués par sa force, son énergie incroyable. Cette petite fille a laissé derrière elle cette rage de vivre l'instant présent. Manoha, son histoire, son combat représente pour nous "Le toit du monde".
Y-a-t-il une progression, un organigramme dans cet album ?
Gaud : "Surement mais il est complètement inconscient. Pour choisir l'ordre des titres, on a fait un peu comme pour la sélection des chansons, mais l'idée était de le faire au feeling, que ce ne soit pas réfléchi mais plus "instinctif". Il y a donc, je pense, une sorte d'organigramme qui s'est fait mais naturellement, quelle chanson on avait envie d'entendre après la précédente. Cependant Afrique et Manoha ont trouvé leur place tout de suite, car la position qu'elles ont sur l'album fait partie du message".