Entretien avec The Banyans

C'est dans le cadre du festival Verjux Saône System à Verjux en Saône-et-Loire (71) que La Grosse Radio a rencontré Devi, le chanteur du groupe toulousain The Banyans, le 18 juin dernier.

L'entretien s'est déroulé quelques heures avant leur concert. Nous avons principalement évoqué les particularités concernant le deuxième album, For Better Days (la grosse chronique ici), bien que sorti depuis plus d'un an déjà (le 23 février 2015 pour être exact). Mais Devi nous a également fait part de ses influences, de son aventure solo qui commence à se concrétiser et des futurs projets du collectif.

Bonjour Devi, peux-tu présenter rapidement The Banyans pour ceux qui n'auraient pas encore la chance de vous connaître ?

Bonjour La Grosse Radio, The Banyans est un groupe de Toulouse qui existe depuis plusieurs années, six ans exactement. Nous avons fait notre premier album Steppin' Forward en 2012 et l'année dernière, nous avons publié notre deuxième opus For Better Days.
C'est l'histoire de six potes qui se sont rencontrés autour du reggae, puisque nous étions tous amoureux de cette musique-là et de son message. On a commencé par sortir une petite maquette, un peu "à l'arrache". Petit à petit, on a vu que ça prenait, on avait de bons retours du public et comme on kiffait faire ça, on a continué et on s'est dit qu'il fallait sortir un album. On s'est donc retroussé les manches, car c'est du gros travail d'en produire un. Steppin' Forward nous a permis de faire de bonnes dates et de belles tournées. Ça nous a motivés pour un second album et on a enchaîné sur une cinquantaine de concerts, dont de jolis festivals. On s'est régalé et là on est en train de penser tranquillement au troisième album.

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Un changement de line-up s'est produit entre Steppin' Forward et For Better Days. Etait-ce volontaire ? Subi ?

Je dirais plus subi, dans le sens où ce sont des musiciens qui d'eux-mêmes sont partis pour des choix de vie différents. En effet, The Banyans est un projet qui prend beaucoup de temps, ce n'est pas un petit groupe du dimanche qui t'occupe qu'une soirée dans la semaine. Des musiciens nous ont donc quittés pour consacrer leur vie à autre chose. C'est pourquoi, nous avons engagé de nouvelles personnes. Mais nous avons eu de la chance par rapport à cela, car le bassiste et le saxophoniste actuels sont des gens que l'on connaît depuis longtemps, ils sont sur Toulouse également. Peter, le bassiste, est un ami de longue date. J'ai commencé la musique avant lui dans un petit bled dans le Tarn là où on a grandi, avant même les Banyans. Il a monté ses projets et on se retrouve là maintenant sur le deuxième album. Il était chaud et il nous a rejoints direct. Tout cela s'est fait grâce à la "guidance". Ça s'est super bien passé avec eux, ce sont de bons musiciens qui avaient de l'expérience.

Les Banyans, une histoire de potes alors ?

Tout à fait. A la base, je viens du Tarn. Le guitariste du groupe, avec qui je jouais dans le club musique au lycée, m'a dit : "Viens dans la grande ville, à Toulouse, j'ai des musiciens à te présenter". Tout est parti de là, lorsque j'ai rencontré ses potes. Ensuite, on a commencé à vouloir faire quelque chose de plus sérieux et cela a engendré des sacrifices de temps, de travail, de choix de vie, comme je le disais, et le tri s'est fait naturellement.
Pour nous, l'humain est aussi important que le côté musical. En effet, on ne peut pas imaginer travailler avec quelqu'un qui, bien que très bon musicien, n'assurerait pas sur le plan humain. On passe des heures et des heures ensemble dans le camion, on est tout le temps en train de créer, de parler du projet, etc, donc si on n'est pas des potes, ce n'est pas la "Banyans Family" !!

Autre modification entre les deux albums : l'enregistrement de For Better Days s'est déroulé au très réputé studio Davout. Comment avez-vous intégré cette structure ?

Là aussi, ça a fonctionné avec la "guidance". Un très bon pote à nous, Tamal, qu'on a connu grâce à d'autres amis quand on jouait sur Paris, est devenu stagiaire à Davout. On a bien sympathisé. Il fait de la prod., des instrus, des riddims, c'est un peu le Lee "Scratch" Perry de chez nous, un bon barjot dans le son, mais dans le bon sens (rires). Un jour, il nous a proposé de venir jouer au studio et on s'est fait des sessions de nuit, sachant que la journée, il faut payer. On a répété pendant trois, quatre nuits de minuit à sept heures du mat' et c'était freestyle !! Il avait des instrus, moi je posais dessus, le guitariste a enregistré quelques trucs, notre pianiste a fait un peu de batterie, etc... On a donc commencé par jouer sans stress, sans pression de sortie d'album, c'était juste pour le plaisir.
Ensuite, vu la vibe du studio, on s'est dit que si on pouvait faire un album à Davout, ce serait énorme. Tamal a fini par obtenir un poste plus stable et il a pu nous faire enregistrer à des prix raisonnables, sachant que c'est tout de même assez cher !!

En fait, c'était pour nous un choix de produire For Better Days dans un studio de qualité, afin de marquer le coup, de franchir une étape. On voulait un son plus élaboré, dans le sens où Steppin' Forward avait été réalisé dans un studio analogique et enregistré à bandes. L'occasion nous a finalement été donnée par Tamal et on a foncé !!

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Le premier album serait alors plus intimiste et personnel, alors que le second plus collaboratif (feat., studio emblématique,...) ?

Plus intimiste, peut-être... Au final, sur les deux albums, ce sont des compos (guitare, chant) que j'amène. Et lorsqu'on fait un feat., on réfléchit l'instru différemment. Mais pour "Follow your light", on a d'abord créé le morceau, et ensuite on s'est dit qu'une voix comme celle de Johnny Osbourne passerait bien, sachant qu'on avait fait plusieurs concerts avec lui.
Le second album serait pour ainsi dire plus généraliste. Il reste reggae roots et ce sont quand même les fans de reggae qui vont l'écouter, mais on trouve des tunes qui bougent un peu plus, des morceaux plus pêchus et moins roots seventies. On est allé un peu dans les eighties et les nineties avec des rub-a-dub plus produits. For Better Days est peut-être plus grand public, plus ouvert. On a essayé d'aller chercher un autre public, d'ouvrir afin de faire grandir les Banyans. Mais c'est bel et bien du reggae roots, on n'a pas eu les grandes radios non plus !! (rires)

Pourra-t-on voir des déclinaisons dub de vos albums ?

C'est une question d'actualité, ça ! Notre Lee "Scratch" Perry, Tamal, dont j'ai parlé, est fan de dubber. En ce moment même, il est train de nous faire une petite "sauce" dub du deuxième album. Pour Steppin' Forward, ce n'est pas encore prévu, mais plus tard, pourquoi pas. Pour l'instant, on se concentre sur une version dub de For Better Days et Inch'Allah, on aimerait sortir un For Better Dub. Ça va mettre un peu de temps à se faire, mais c'est en préparation.

Deux de vos titres me font penser à Mikey Dread : "Roots & Culture" et "One More Time", qu'il avait fait avec The Clash. Représente-t-il une grande influence pour vous ?

Fut une époque, on reprenait "Roots & Culture" sur scène [il se met à fredonner "skep skebbe dep skep", NDLR], donc effectivement, ça reste un type de reggae qu'on adore écouter. Il fait partie de nos inspirations, carrément !

Abordons ton flow maintenant. Tu oscilles entre chant traditionnel et envolées plus deejay, voire raggamuffin...

C'est vrai que c'est un peu ça ma couleur. A la base, je suis vraiment un fan de reggae roots des sixties, seventies. J'ai grandi avec Bob Marley, Burning Spear, Israel Vibration et mon père m'emmenait voir les Wailers et Israel Vibration quand j'avais 10 ans ; je suis tombé amoureux de tout ça.
Mais j'ai toujours eu une influence aussi avec un grand frère qui écoutait beaucoup de hip-hop, de ragga, de soul ; j'ai donc également été élevé avec cette culture-là.
J'ai de réelles inspirations reggae roots mais j'ai toujours eu de l'admiration pour des Sizzla, des Capleton. J'adore aussi Chronixx, Protoje, dont les flows sont plus hip-hop ; ils me parlent beaucoup et ils apportent pas mal de fraîcheur. Par conséquent, je ne suis pas fermé au reggae roots et dans mon chant, qui navigue entre quelque chose de posé et le ragga, on peut le ressentir. C'est une qualité, mais ça peut devenir un défaut ; en effet, il faut faire attention à garder une patte, une identité. Avec les Banyans, je conserve donc cette oscillation. Par contre, depuis quelques temps, j'ai commencé à créer un projet solo où j'explore d'autres choses qui seraient incohérentes avec les Banyans. Mais j'ai besoin de faire ça pour être épanoui, pour m'exprimer à 100 %. Ça sortira du reggae pour aller vers la soul, le hip-hop, le ragga, avec des chansons en français.

Justement, mon collègue Zopelartisto me parlait de cette expérience en solo. Prévois-tu de sortir un album ?

Pas de suite un album. Mais quatre titres vont arriver, des clips également. Après bien sûr, j'aimerais beaucoup sortir un album. C'est quelque chose qui me plaît énormément, ça fait trois, quatre mois que j'ai lancé ce projet et j'ai eu la chance de pouvoir faire de belles dates directement. J'ai joué avant Naâman ou Clinton Fearon.
Sur scène, nous ne sommes que deux ; quelqu'un m'accompagne à la guitare. C'est brut, acoustique et intimiste. C'était un test pour moi de faire ces premières parties, c'était la première fois que je présentais ça à un public. Ça faisait plusieurs mois que je composais chez moi, je me demandais si j'étais mal barré ou pas, mais j'ai eu de très bons retours du public et ça m'a motivé. C'est quelque chose qui m'excite autant que les Banyans. C'est vraiment différent donc ça apporte une complémentarité. Ça me permet d'avoir une corde de plus à mon arc et de m'épanouir complètement. Des sons vont arriver, je fais monter ça petit à petit, vu que j'ai les Banyans à côté, il faut donc que je trouve un équilibre.

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Je me fais le relais de Zopelartisto pour quelques questions. Quels sont vos titres qui marchent le mieux sur scène, en France mais aussi à l'étranger ? Y a t-il des préférences de morceaux en fonction des différents peuples devant lesquels vous jouez ?

Il y a deux, trois semaines, on a fait une petite tournée en Angleterre avec quatre dates, c'était vraiment super. On a souvent remarqué que les Anglais aimaient bien "Wasting Time", un morceau posé mais stepper, dans lequel on retrouve les particularités du reggae anglais. De plus, ils comprennent bien les textes. "Follow your light" passe bien également outre-Manche ; pour l'anecdote, une fille s'est filmée en train de chanter le refrain et m'a envoyé la vidéo (rires). Sur ce morceau, justement, le refrain est assez simple et je pense que c'est ce qui est accrocheur.
Par contre, en Pologne, les chansons qui marchent sont celles proches du ska, puisque les Polonais, comme les Italiens d'ailleurs, sont de grands fans de ce genre. Le dernier morceau de l'album, "Everything is nice", qui est un peu plus rapide, est assez populaire là-bas.
Sinon, en France, "Fearless" revient souvent, sachant qu'on a sorti le clip, et "Follow your light" également, qui a du succès partout en fait !!
Après, il y a un relief avec des titres comme "I miss you", des one drop très posés, plus proches du premier album, où l'on voit que ce sont plus les puristes qui accrochent. C'est à ce moment-là du concert en général où le "grand public" va chercher une bière ; et lorsqu'il revient on renvoie le pâté !! (rires)

Autre question de Zopelartisto : Vous attendiez-vous à un tel carton pour le dernier album ?

Oui et non. En fait, avec le groupe, on essaye le moins possible d'être dans l'attente. Sinon, on risque d'avoir des déceptions. Après, bien sûr, on espère toujours des retours positifs ! Pour For Better Days, on a fait de notre mieux, on a tout donné, sachant que des musiciens sont partis juste avant l'entrée en studio. On s'est enfermé pendant un mois avec de nouvelles personnes et on enchaîné directement sur le studio. Tout s'est donc passé dans une grosse vague et ce n'est qu'après qu'on a pris du recul et qu'on s'est demandé si l'album allait être un succès. En tout cas, on a fait tout ça à fond !
Le voyage en Jamaïque a également pu être un coup de pouce. En effet, depuis tout petit, je rêvais d'aller là-bas et grâce aux contacts qu'on a pu nouer avec les premières parties, nous nous y sommes rendus et on y a tourné des clips. Les feat. avec Big Youth et Johnny Osbourne, même si ce sont des anciens, ont pu être aussi bénéfiques.
Mais pour le succès en tant que tel, tout est relatif. On sait que des gens sont bien plus hauts que nous. On a juste envie de continuer et de faire de notre mieux.
Sinon, on est très contents du bien que l'album donne aux gens, c'est surtout cet aspect qui nous a touchés. Des spectateurs viennent nous voir après nos concerts en nous disant : "Votre album tourne dans ma voiture depuis six mois tous les matins quand je vais travailler" ou alors "J'écoute tel morceau quand je ne vais pas bien". En fait, le vrai succès se trouve dans le fait d'apporter du bien-être par la musique. C'est touchant et cela prouve qu'on ne s'est pas bougés pour rien.

Quelques dates à annoncer pour cet été ?

Un peu moins que l'an passé, étant donné que l'album est sorti l'année dernière. Mais cela reste des scènes de qualité [surtout le Verjux Saône System !!!, NDLR]. On a le Reggae Session Festival dans le Tarn à Montricoux [dont Bamba Stick vous a parlé ici, NDLR]. C'est chez nous, à la maison, là où j'ai grandi et c'est la première édition. On joue le premier soir avec Anthony B, Joseph Cotton. Le lendemain, il y a Mo'Kalamity, Aba Shanti I, les Twinkle Brothers, Taïro. Pour une première fois, organiser un festival sur trois soirs, je pense que s'ils continuent, ça peut donner un gros truc d'ici quelques années. D'ailleurs je les BIG UP !! RESPECT !!
Sinon, on sera au Summer Vibration à Sélestat, à Plein les Watts à Genève avec Yaniss Odua.

Les projets, maintenant. Tu parlais plus haut d'un troisième album...

On a donc Tamal qui est en train de dubber les morceaux, là c'est moins de travail pour nous et plus pour lui (rires). Quant à nous, effectivement, on a envie de continuer et il nous faut de l'actualité, c'est-à-dire un album, pour qu'un tourneur puisse nous trouver des dates. Il y a ce jeu-là aussi. Mais pour nous, ce n'est pas gênant, puisqu'on a des compos. Par exemple, ce soir, on va jouer trois, quatre morceaux qui ne sont sur aucun des deux albums. Maintenant, il faut prendre le temps de créer, d'affiner tout ça, de faire une pré-production solide, d'enregistrer ça chez nous dans le local et surtout les moyens financiers. Mais bon, on ne veut pas se presser, contrairement à l'album précédent où tout avait été fait très rapidement en un mois. Là, on veut travailler, prendre quelques mois de recul et ensuite faire un tri. Rapidement, on va essayer de sortir un clip qui annoncerait le troisième album ; relancer notre public pour 2017.

Des feat. avec Protoje ou Chronixx ?

(rires) Ce serait bien !! Pour For Better Days, on avait des feat. avec des anciens, mais là, on aimerait bien aller chercher la nouvelle génération, mais elle est plus difficile d'accès ! Surtout Protoje et Chronixx !! Sinon, on est en bons termes avec Raging Fyah, qu'on a croisés beaucoup de fois. Ils sont bien cools et ils sont dans la même boîte de production que nous, Talowa, donc ça aide aussi. On adore ce qu'ils font, on est de gros fans. On voudrait en effet se diriger vers la nouvelle génération, mais il y a toujours les contraintes de disponibilités, de temps, etc... Mais c'est clair que Protoje, ce serait énorme. On verra avec la "guidance" !!

Un dernier mot pour La Grosse Radio ?

Merci beaucoup La Grosse Radio ! BIG UP ! Vous faites bien vivre le reggae. A chaque fois, c'est hyper positif, vous vous intéressez vraiment aux choses et ça fait plaisir. Vous ne posez pas les mêmes questions bateaux, franchement c'est cool !! BIG UP La Grosse Radio, BIG UP tous les reggae addicts. Reggae music is the medicine ! One Love ! Bless Up !!

BIG UP à vous aussi les Banyans. Merci de nous avoir accordé cette interview.
Je remercie également l'équipe du Verjux Saône System, le comité d'organisation, les bénévoles pour leur magnifique travail.

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Crédit photos : Frédo Mat



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