L'album Corrupted Harmony sorti fin 2011 et remportant pas mal de suffrages auprès de la webpresse spécialisée (notamment chez nous), il était temps d'échanger quelques mots avec le groupe Hellixxir afin d'en savoir plus. Voici qui est chose faite lors de cet entretien avec le guitariste Matthieu Laforêt et le batteur Romain Charbonnier, qui reviennent pour nous sur la tragédie qu'a connu le groupe, les tenants et aboutissants de ce nouvel opus, l'avenir du groupe et plein d'autres choses...
Ju de Melon : Bonjour les gars et merci de répondre à nos questions. Tout d'abord, pour ceux qui ne connaissent pas HELLIXXIR, pouvez-vous présenter le groupe dans ses grandes lignes ?
Matthieu : Ssalut La Grosse Radio et salut Julien ! HELLIXXIR est né assez classiquement entre amis en septembre 2001 à mon initiative. Le groupe s’est fait un peu connaître autour de Grenoble lors de la sortie du 1er EP « The Cypress Forest », en 2003 ; les premiers concerts nous ont naturellement intégrés au sein de la scène locale. S’en est suivie une période un peu instable avec différents line-up mais les choses se sont arrangées en 2005 lors de la composition du 1er album, « War Within » (sorti en 2007 chez Brennus Music/Socadisc). Par la suite, nous avons eu la chance de progresser sur scène et défendre le disque aux côtés de bons groupes (Entombed, Dark Moor, Malmonde, The Seven Gates, Lonewolf, entre autres). « War Within » a été un véritable tremplin et nous nous sommes beaucoup amusés, cela nous a donné envie d’aller plus loin ! Aujourd'hui, nous sortons notre nouvel album « Corrupted Harmony » chez Symbol Musik/Season of Mist.
Si vous deviez citer quelques influences majeures qui font la musique d'HELLIXXIR, quels groupes mentionneriez-vous ?
Matthieu : Pour ma part, je citerais Death, Megadeth, Testament, Entombed, Hypocrisy, Sepultura, Exodus, Slayer, Claude François et bien entendu Metallica !
Romain : En ce qui me concerne, je suis incapable de te répondre ! HELLIXXIR mélange un peu tous ces groupes mais ne ressemble pas directement à l’un d’eux pour autant, de mon point de vue en tout cas.
Parlons du grand malheur que vous avez connu l'an passé avec la disparition brutale de votre chanteur Camille Marquet. Inutile de préciser ce que vous avez pu ressentir... Est-ce qu'il a été un temps question pour vous d'arrêter le groupe après ce terrible choc ?
Matthieu : Nous étions perdus, dévastés, complètement déboussolés et il est vrai que nous nous sommes posés cette question… mais tu vois aujourd'hui nous sommes là, nous continuons et Camille sera toujours là auprès de nous.
Romain : Le groupe est franchement devenu secondaire lorsque nous avons du affronter collectivement cette épreuve et apporter notre soutien aux proches de Camille. La douleur reste mais les choses suivent leur cours ; nous nous devions de sortir « Corrupted Harmony », album dont Camille était extrêmement fier. Ce premier objectif nous a poussés à relancer progressivement le groupe, d’abord pour lui puis ensuite pour nous puisqu’HELLIXXIR est un projet dans lequel nous nous exprimons tous. Nous avons aujourd’hui repris confiance et retrouvé du plaisir. Cet album lui est bien évidemment dédié mais c’est une démarche personnelle sur laquelle nous essayons de communiquer avec la plus grande pudeur. HELLIXXIR a toutes les raisons d’être aujourd’hui.
C'est donc Camille que l'on entend sur l'album, pouvez-vous l'écouter aujourd'hui sans avoir un gros pincement de coeur ou un vrai déchirement ?
Romain : On ne l’écoute pas souvent à vrai dire mais la première fois a été bouleversante. Aujourd’hui je vois les choses plus positivement, je retrouve dans ce disque sa personnalité, son âme, ses tourments, son souffle. Tout cela portera son souvenir, et notamment auprès de ceux qui l’aiment. Ce projet aura au moins servi à cela, je trouve ça beau.
Matthieu : En ce qui me concerne, j'ai du mal à écouter « Corrupted Harmony » sans avoir deux ou trois larmes. Camille serait le premier à nous dire de continuer l'aventure… et à nous traiter d’un tas de trucs qu’on ne citera pas !
« Corrupted Harmony » est donc sorti l'an passé. Tout d'abord qui a choisi ce titre et pourquoi ?
Matthieu : Cest un peu anecdotique à vrai dire. Avec Camille, nous étions dans un bar à siroter quelques bières et à parler de l’album lorsqu'il me parle de « Corrupted Harmony », qui pourrait être un bon titre de chanson… et qui, un peu plus tard, s’est avéré être une excellente enseigne pour l’album. Il faut savoir que le titre instrumental du même nom avait déjà été écrit bien avant.
Comment s'est déroulée l'écriture musicale de cet opus ? Avez-vous opté par exemple pour une composition collégiale ou chacun est venu avec ses idées ?
Romain : Les morceaux de « Corrupted Harmony » ont été écrits à 90% par Matthieu et moi-même. Nous nous entendons bien musicalement, les choses restent simples et naturelles. Il s’est chargé d’amener la matière première ; nous avons travaillé ensemble ces idées à 2 (guitare/batterie). Pour ma part, je l’aide à structurer l’ensemble et lui apporte mes idées d’arrangement. Nous terminions généralement par un maquettage rapide sur PC avant de finaliser les morceaux tous ensemble. Camille étant très peu disponible à l’époque, son implication a été plus tardive dans le processus ; quant à Arnaud, il n’avait pas encore intégré le groupe !
Matthieu : De façon générale, j'apporte la ligne directrice, le thème et les principaux riffs. La porte est toujours ouverte, si quelqu'un n'aime pas un plan voire un morceau tout entier, on l’écarte sans hésitation. Il y a une vraie cohérence musicale entre nous et un bon feeling ; je crois que nous avons enfin trouvé le style du groupe.
Au niveau des paroles, travaillez-vous tous ensemble ? Evoquent-elles certains thèmes en particulier plus ou moins liés entre eux ou les sujets abordés sont assez différents ?
Matthieu : les paroles de « Corrupted Harmony » ont été presque intégralement écrites par Camille, il avait ça dans le sang et il serait malheureusement le seul à pouvoir répondre correctement à cette question. Je l’ai parfois guidé et orienté mais pas plus. Les chansons sont très cohérentes entre elles et les thèmes (tourmentés) récurrents, le résultat est finalement assez personnel.
Est-ce que l'enregistrement de cet album s'est fait de manière fluide ou y a-t-il quelques "rebondissements" comme cela arrive souvent ? Comment et où avez-vous procédé ?
Matthieu : tu ne crois pas si bien dire, cela a été très compliqué pour des raisons humaines et personnelles mais aussi logistiques… bref, une sacrée galère. C’est Sylvain Raulin (ex-Stillrise), un ami, qui s’est chargé de l’enregistrement et du mix. Nous avons commencé classiquement par 5 jours de batterie dans la maison de mes parents ; je n’ai attaqué les sessions rythmiques que 2 mois plus tard et de façon très étalée - 3 mois au total - au casque et dans ma chambre (les guitares ayant subi un reamping). La basse et la voix ont enfin été bouclées sur 3 semaines, ouf !
Avez-vous fait appel à des professionnels hors du groupe pour le mix et le mastering ?
Matthieu : Comme je l’ai dit, Sylvain s’est chargé du mix mais a laissé le mastering au studio de Gaël Hallier (qui officie notamment dans le groupe Demians), qu’il connaît bien. Nous avons pris pas mal de temps une fois encore mais le résultat nous a beaucoup plu ; cette production est un peu spéciale mais elle a du charme et colle parfaitement à ce que nous recherchions.
Certains morceaux sur l'album ont quelques années derrière eux et différentes versions... Evoquons par exemple le cas de "Constant Fear" que les fans de la première heure connaissent depuis longtemps. Comment ce morceau a-t-il évolué selon vous ?
Romain : « Constant Fear » est un morceau intéressant puisqu’il marque le début d’une évolution musicale significative pour HELLIXXIR. Il a été enregistré une première fois en novembre 2008 (diffusion sur le net et quelques compiles), l’objectif pour nous étant d’expérimenter sur les aspects composition, chant - nouvellement assuré par Camille - et production. L’essai a été concluant, du moins pour nous, et nous a confortés dans nos choix. L’écriture des autres titres qui allaient composer « Corrupted Harmony » est venue naturellement. Pour répondre à ta question, « Constant Fear » n’a que très peu évolué entre les 2 enregistrements.
Question plus globale, quel est votre morceau préféré sur cet album et pour quelles raisons ? Celui dont vous êtes le plus fier par exemple.
Matthieu : Celui où les autres ne jouent pas ! Plus sérieusement, je les aime tous, avec une préférence pour « Blood Writings ».
Romain : J’ai un faible pour « Faces of Death » qui explore de nouveaux horizons pour nous. Ce titre est à la fois tragique et sombre mais empli de sincérité, dans un registre Death Metal un peu atypique et finalement plein d’émotion. Je trouve également la voix très réussie.
Il est temps de se concentrer sur le présent et l'avenir proche du groupe. Premièrement, pouvez-vous nous présenter votre nouveau chanteur et son parcours ?
Matthieu : Arnaud – alias Nouille – est chanteur/guitariste à la base, il a donc naturellement pris la relève et il s’en sort très bien. L’esprit est vraiment fidèle à ce que faisait Camille mais dans un registre plus proche du Black Metal, moins guttural. Je tiens aussi à dire (pour ne pas faire de jaloux !) que nous avons accueilli Manu « Smith » à la basse, déjà ami du groupe, en décembre 2011 ; c’est un personnage pour le moins singulier (dédicace pour toi Manu) mais il a très vite assuré dans un contexte pas facile. Nous avons un line-up soudé et cohérent !
Quels sont les projets Live ou autres à venir pour le groupe désormais ?
Romain : Dans un premier temps, défendre ce disque dont nous sommes tous fiers sur scène. HELLIXXIR est un groupe qui s’exprime généreusement en concert, c’est l’un de nos atouts et nous avons beaucoup travaillé pour nous améliorer encore. La priorité est de ne nous faire plaisir sans contrainte et, si possible, que ce plaisir soit communicatif. Ce sera déjà bien !
Avez-vous quelques idées déjà pour un futur album à venir ou c'est un trop tôt pour en parler ?
Romain : J’ai de la suite dans les idées et je crois que Matthieu aussi, un nouvel album verra sans doute le jour. Cependant, nous commençons tout juste à sortir la tête de l’eau… chaque chose en son temps.
Matthieu : HELLIXXIR produira encore un album, ça je vous le confirme ... nous avons déjà des idées qui mûrissent et je crois que le trio Romain/Arnaud et moi-même fonctionnera très bien pour les prochaines compositions.
Que pensez-vous de la scène metal française actuelle et avez-vous quelques groupes coups de coeur dans celle-ci ? Qu'ils soient émergents ou plus anciens d'ailleurs.
Romain : Il y a une sacrée diversité et beaucoup de talent, dommage qu’il soit aussi difficile aujourd’hui d’exister, et pour le Metal plus particulièrement… quelques groupes que j’aime, en vrac : Gojira, Outcast, Como Muertos, Henker. J’aimais beaucoup Malmonde, ce sont d’ailleurs des amis, mais ils sont off en ce moment… revenez les gars !
Matthieu : J'adore Loudblast, un des meilleurs groupes précurseurs du Death Metal Français. Je viens de découvrir Minushuman avec qui nous jouerons prochainement, un Thrash ambiant très intéressant et me rappelant un peu mes amis de Malmonde. Dans la scène Heavy, j’aime beaucoup Lonewolf, ils sont là depuis mon enfance et sont fidèles à leurs convictions.
Le metal en France, vaste débat... Comment expliquer qu'il soit plus difficile de faire jouer ou percer un groupe du genre dans notre pays alors que cela semble si facile en Allemagne, en Scandinavie ou même ailleurs ?
Romain : La fameuse exception culturelle française ?! Vaste question comme tu le dis et je ne suis pas certain d’avoir un avis très pertinent. Question d’ouverture d’esprit sans doute, même si j’aime à rappeler que la musique extrême est nécessairement plus confidentielle, et c’est aussi ce qui fait son charme. Sans aller jusqu’à des diffusions sur TF1, il faut reconnaître que « le marché du disque » français (appellation pas terrible en soi) est ultra défavorable aux petits groupes, même talentueux.
Matthieu : Nous ne sommes pas franchement les enfants de la culture Rock, contrairement aux anglo-saxons par exemple. C’est un problème culturel. Et puis ce n'est pas qu’en passant du Goldman/Johnny/Noah/Ballavoine/Diam's que les gens s’ouvriront. A noter qu’on aime aussi le Metal pour son côté marginal.
Quel est votre point de vue sur tout ce qui est téléchargement sur Internet ?
Matthieu : Go go go ! En fait, je m'en fous.
Romain : Je n’y suis pas totalement opposé, il y a du bon et du moins bon ! On le fait tous au moins un peu et cela peut être un excellent moyen pour faire des découvertes, à condition que les gens finissent par jouer le jeu, un peu. Et c’est là que ça se gatte … quand tu vois des abonnements smartphone à 60€/mois, tu peux penser qu’il ne serait pas plus con d’économiser 10€ au profit de la culture. Le public Metal est plutôt exemplaire là-dessus et achète plus facilement, nous pouvons en être fier !
Est-ce que certains d'entre vous dans le groupe ont d'autres projets musicaux en parallèle ?
Romain : Arnaud et Smith jouent tous les 2 dans Hybrid Anger, ils s’apprêtent à sortir leur première démo et ça arrache bien, registre Death Metal Moderne quelque chose (ça te va Arnaud ?). Il arrive également à Matt de chanter sous la douche.
Il est temps pour moi de vous laisser le dernier mot, que tenez-vous à dire aux fans et aux auditeurs/lecteurs de La Grosse Radio Metal ?
Matthieu : Soutenez les groupes que vous aimez !
Romain : Merci à La Grosse Radio qui permet de faire de belles découvertes dans ce merdier numérique qu’est le web !
Merci à vous et on vous souhaite bonne chance !
Matthieu : Merci à toi Ju de Melon et à bientôt.
