C'est au sortir de leur showcase à Paris que j'ai eu l'opportunité de pouvoir interviewer le groupe The High Reeds.
Suprenante cette appellation, non ?
En effet, l'ancien nom Christophe Rigaud & The High Reeds disparait au profit de The High Reeds. Voilà une première évolution qui m'a interrogé et pour laquelle le groupe a sympathiquement répondu.
Et puis, lors de cette interview, nous sommes partis sur les fondements de leur Blue-Reggae, en Jamaïque avant de parler de leur prochain projet.
Je vous invite à suivre ces échanges avant de les voir en concert sur les routes de France.
Pour cette interview ont répondu : Christophe (Chant, guitare) / Djo (Batterie-chant) et Djedi (Claviers).
"Initié par un artiste en solo, ce projet est devenu aujourd’hui un groupe à part entière".
Zopelartisto : Déjà plusieurs années au cours desquelles Christophe Rigaud s’est construit en solo puis en trio avant d’obtenir la formation actuelle avec The High Reeds.
Est-ce que c’est cette évolution qui a modifié le nom du groupe qui désormais s’appelle simplement The High Reeds ?
Christophe : Oui en effet, nous avions à cœur de montrer au public et aux gens du métier que ce projet, bien qu'ayant été initié par un artiste en solo, est devenu aujourd’hui un groupe à part entière.
C'est important que ça se sache.
Nos avancées sur le projet et les choix que nous faisons, tant sur le développement artistique que sur la création, se font de façon collective. Sur scène et en dehors, nous sommes un groupe de musique, nous sommes The High Reeds.
Même si l'album est sorti sous une appellation plus longue qui faisait sens à l'époque, et que ce choix de "raccourcir" s'est fait par la suite en septembre 2015, nous voulions montrer au public que nous avançions dans notre parcours dans un esprit de groupe. Oui, ce nom symbolise une évolution.
"Les hauts roseaux ne cassent jamais, et résistent à tous les vents, solides" !
Zopelartisto : 2012 sortie de l’EP See the river, 2013 nomination aux Victoires du Reggae, 2015 sortie du somptueux album Sounds of Life.
De nombreux projets ultra positifs. Pourtant, on ressent que le groupe a envie de plus et surtout d’éclater de nombreuses scènes.
Est-ce que la transition entre la sortie de l’album en 2015 et le set live a été mal négociée selon vous ? Une certaine frustration légitime ?
Christophe : Nous sommes à ce jour et depuis le début en 2012, en total autoproduction. Chaque étape a été passée avec joie mais aussi avec beaucoup d'efforts. "Only tears, blood ans sweat"! comme nous a dit Sam Clayton Jr, qui a masterisé l'album Sounds of life. Il nous a expliqué que défendre sa musique est un combat à long terme.
Nous avons sorti cet album sans subvention, en montant note label Blue Mountain à la force de la passion et avec la volonté de faire entendre notre musique. Avec l'appui de notre manager Julien aka Bob Sleg qui a su fédérer I Welcom pour la promotion et Musicast pour la distribution.
De nos jours ce n'est pas facile de convaincre les tourneurs et les programmateurs. Alors on fait notre chemin, on fait des scènes qui nous rendent légitimes dans le milieu, en faisant un set live qui nous ressemble et dont les échos se font sentir de plus en plus.
Pas de frustration, juste un processus qui demande de la persévérance et de la patience. Notre album a été très bien reçu, on salue d'ailleurs le très bon travail de Maxime Nordez de I Welcom, et aujourd'hui nous sommes prêts, comme tu dis, à "éclater de nombreuses scènes".
Tu peux me croire, car on s'est préparé pour ça depuis le début. On sait où on veut aller et on compte bien y aller, pas de frontières pour les High Reeds.
Les hauts roseaux ne cassent jamais, et résistent à tous les vents, solides !
Djedi : On veut défendre notre musique et faire passer notre message de façon intègre et sincère. Ça demande de la patience et on le sait. De nos jours convaincre les programmateurs prend du temps, mais maintenant, on sent que le projet est bien identifié et on est déterminé à montrer ce qu'on défend sur scène.
"Bouger en attendant que le téléphone sonne".
Zopelartisto : Justement, il y a quelques jours, vous étiez en showcase à Paris. Show a destination des professionnels.
Est-ce une certaine manière de relancer, de rebondir avec ce projet Sounds of Life ? Soutenir la vie de cet album qui le mérite grandement ?
Djo : Je pense que c'est tout cela à la fois.
La musique est devenue très difficile. Les artistes sont obligés parfois de se prendre en main d'une façon ou d'une autre, on pourrait dire se "Bouger en attendant que le téléphone sonne".
C'est pourquoi nous avons saisi cette opportunité, qui nous a permis de donner un coup d'accélérateur au projet. Et effectivement, de soutenir la vie d'un album qui reste encore inédit en dehors des réseaux reggae, et qui, pourra convaincre, je pense, des oreilles d'autres mélomanes qui sauront l'apprécier et le faire découvrir.
Djedi : C'était intéressant pour nous d'être en face d'un public quasiment exclusivement composé de professionnels. Cela permet d'avoir un retour et de se faire une idée sur la façon dont est perçue notre musique par les acteurs musicaux qu'on souhaite convaincre
Zopelartisto : Est-ce que vous avez d'ores et déjà eu des retours positifs suite à ce showcase ?
Djedi : Tous les retours, en sortant de scène, ont été positifs. Nous sommes satisfaits !
Christophe : Les gens du métier présents dans la salle ont réellement accroché avec le show live.
Notre univers, la couleur qu'on donne à notre son en étant quatre sur scène. On sent que ce showcase a eu un impact qui devrait se répercuter dans les prochaines semaines. Des contacts sont déjà en cours, et on nous a fait savoir que maintenant l'album Sounds of life tourne en boucle chez certaines personnes présentes au showcase.
Ça fait plaisir et c'est un bon signe pour la suite !
"Jouer à l'étranger est un souhait et je pense que nous sommes prêts pour ça !
L'envie la plus folle serait de rester à attendre !
L'envie la plus réaliste serait d'écumer toutes les scènes du monde"!
Zopelartisto : Est-ce que cette envie de scène pourrait vous faire sortir de France puis d’Europe selon vous ?
Quelle est votre envie (la plus réaliste et la plus folle) de scène ?
Djo : Dans tous les cas, jouer à l'étranger est un souhait et je pense que nous sommes prêts pour ça !
L'envie la plus folle serait de rester à attendre !
L'envie la plus réaliste serait d'écumer toutes les scènes du monde ! (RIRES !)
Djedi : C'est une réelle envie, un rêve qu'on veut rendre vrai. Vivre de sa passion, voyager, et partager des ondes positives avec des gens du monde entier. C'est aussi ça la richesse du musicien. Jouer, rencontrer, et vivre des moments forts en tournées, dans des contrées lointaines.
Et puis après de nombreuses années à travailler notre son dans notre local, on veut voir du pays !
Mon envie la plus folle ? Quand on joue je me laisse embarquer par le son et je danse derrière mes claviers, un jour j'aimerai avoir un set de claviers à 360 degrés pour jouer et danser encore plus ! Mon envie réaliste, c'est de faire un gros live show taillé pour les grandes scènes...on le fait dejà, il est prêt, à nous de le booster encore plus !
Christophe : Nous avons une réelle envie de parcourir le monde avec notre musique. C'est pour ça qu'on a choisi ce titre Sounds of life, car la musique, c'est le son de la vie, au delà des barrières sociales, religieuses et culturelles, c'est la musique qui nous rassemble.
On veut partager ça sans frontières. Le fait de chanter en anglais tout en revendiquant un métissage roots, soul,Caraïbes,Afrique... nous renvoie, suite aux retours que l'on a, au fait qu'on touche des gens en Europe, en Afrique, dans les West Indies mais aussi dans toute l'Océanie et au delà.
Les messages reçus sur internet viennent de loin parfois alors on se dit que ça peut prendre forme ! On veut rencontrer toutes les cultures, tous les continents.Notre musique s'adresse au monde.
"We are one" !
Mon envie la plus réaliste sur scène ? Jouer un soir devant 20 000 personnes dans les quatre années à venir.
Mon envie la plus folle ? Faire un final de ce grand concert en faisant venir une chorale Gospel, des polyphonies corses, des tambours Nyabinghi et une batucada ! Si ça se fait tu ressortiras cette interview !
Zopelartisto : Yes ! Je m'y vois déjà !
Certains ne le font pas, mais vous, vous mettez l’étiquette Blue reggae sur votre style musical. Un savant mélange de Reggae roots avec le blues et la soul.
Est-ce un clin d’œil à Keziah Jones et sa création artistique qu’il avait intitulé “blue funk” ?
Christophe : En effet, je pense que la démarche est similaire et on peut accorder à Keziah Jones le fait d'y avoir pensé bien avant nous.
Mais au fond c'est une inspiration commune, à savoir une envie de s'inspirer d'une racine blues & soul tout en mettant une touche d'originalité. Et puis on aime la profondeur du bleu, qui représente bien la magie de la musique telle qu'on la conçoit. C'est aussi un clin d’œil à notre influence première, le roots Jamaïquain, lié aux blue mountains, qui d'ailleurs est aussi le nom de notre label. Et n'oublies pas que quand la lune est pleine, les ombres sur terres sont bleues.
Djo : Comme le disait Miles Davis, le bleu c'est la profondeur du son...c'est cet esprit qu'on véhicule quand on joue. La sincérité, l'intention première et le ressenti entre chaque note et entre nous. Quelque chose qui va à l'essentiel, dans un esprit blues.
Djedi : Oui, ce terme représente l'idée que pour nous la musique est un ressenti profond, c'est l'âme qui doit parler. J'ai toujours été influencé par les groupes qui dégagent une musique de l'âme, sincère, et c'est comme ça que je vis ce qu'on joue.
"Le bleu c'est la profondeur du son...
c'est cet esprit qu'on véhicule quand on joue.
La sincérité, l'intention première et le ressenti entre chaque note et entre nous.
Quelque chose qui va à l'essentiel, dans un esprit blues".
Zopelartisto : Comment chope-t-on la blue note ?
Ce feeling revêt-il différentes possibilités musicales ou bien faut-il constamment un ingrédient secret dans tous les morceaux ?
Christophe : Pour être honnête, on envisage ça plus comme un état qu'une note en particulier. Nous n'avons pas la prétentions d'amener un nouveau style, ni de faire une musique complexe. Mais, nous cherchons une musique sincère, qui nous ressemble, une harmonie tirée de ce qu'on donne quand on joue ensemble. Quand on est tous les quatre en phase, on sent le blue feeling qui est là !
"A Trenchtown,
au fond d'un Yard où le boss d'un petit studio
m'a fait chanter la même chanson cinq fois de suite
en se mettant à dix centimètres de mon visage,
me fixant et me demandant de recommencer ".
Zopelartisto : Christophe, tu as bien voyagé en Jamaïque pour l’élaboration de l’album Sounds of Life.
Est-ce que c’était pour un travail sur ta voix ? Trouver la jamaïcain soul ?
Comment Mark Wonder t'a fait travailler ?
Quels ont été ses conseils essentiels concernant ta voix ?
Christophe : Ce voyage était attendu depuis mes 16 ans, donc il y a un moment déjà !
Les trois quarts de l'album étaient déjà pensés, mais, en effet, l'album n'aura pas été le même si je n'y étais pas allé.
Retourner aux source du reggae juste avant de rentrer en studio pour un premier album, ça te donne la force de se sentir solide et les chakras étaient bien ouverts du coup. Il faut savoir que c'est en allant à Kingston que j'ai rencontré Sam Clayton Jr. C'est comme ça qu'on a pu sympathiser et envisager trois mois plus tard un mastering une fois les prises faites, car Sam avait son pied à terre européen au Studio Innacity de Saint Etienne où nous avons enregistré l'album avec Pierrick Arnaud. Trois mois après mon voyage en Jamaïque.
En ce qui qui concerne "l'apprentissage", ça c'est passé à Trenchtown au fond d'un Yard où le boss d'un petit studio m'a fait chanter la même chanson cinq fois de suite en se mettant à dix centimètres de mon visage, me fixant et me demandant de recommencer jusqu'à ce qu'il estime que c'était assez sincère et dense au niveau de l'intention.
Un vrai enseignement, un moment fort dans mon parcours. Et puis bien sûr, mon passage au Studio Harry J, ma rencontre avec Mark Wonder, et tant d'autres aussi...il suffit de les écouter, ils chantent avec le cœur, avec l'âme. C'est bien ça la soul il me semble !
"Il faut parfois canaliser la créativité mais il ne faut pas la freiner,
plutôt la laisser venir quand elle frappe à ta porte".
Zopelartisto : D’un point de vue musical, qu’est ce que ce voyage a apporté à tes compositions Christophe ?
Christophe : Les textes et structures étaient déjà en place avant le voyage, mais "le grain" de l'album a été influencé. Au sein des prises de son, on a résonné comme le font les Jamaïcains, c'est à dire privilégier l'intention, parfois en une prise, pour plus de sincérité dans le rendu final.
Revenant de Kingston, j'étais imprégné de ce que j'avais vu à Trenchtown, à Harry J. Les prises de chant et des instruments ont été souvent faites en "one shot" avant de rajouter quelques éléments en production. Le tout pour amener aux chansons tous les arrangements qu'on avait en tête, parfois sur le moment !
Par exemple sur "I know", on a eu l'envie soudaine de mettre des nappes gospel avec deux orgues, sur la fin du titre, l'idée est venue d'un coup. Il faut parfois canaliser la créativité mais il ne faut pas la freiner, mais plutôt la laisser venir quand elle frappe à ta porte. Quand une chanson est mûre, au bout d'un moment elle te parle et se manifeste telle qu'elle doit être, il faut être à l'écoute de cela.
"Cold grown was my bed last night...and rock was my pillow too".
Zopelartisto : Est-ce le côté mystique des collines Nine Miles en Jamaïque qui a donné des chansons comme Gaïa ?
Christophe : Comme je le disais plus haut, ce que j'ai vécu là bas m'a empli de quelque chose que je n'aurai pas pu donner sur l'album si je n'y étais pas allé, en terme d'intention, de vibration.
Gaia que tu évoques, a été composée il y a longtemps, mais en effet en la chantant en studio je me revoyais à côté du Mausolée à Nine Miles, debout à côté de la pierre où Bob Marley posait sa tête le soir comme il le dit dans "Talking Blues" : "Cold grown was my bed last night...and rock was my pillow too".
Là, il n'y avait aucun bruit, juste celui du vent dans les arbres. Tout le reste était hors du temps, alors oui j'ai bien senti le "Natural Mystic" flotter dans l'air, et j'y repense souvent, comme j'y ai pensé pendant mes prises de voix.
"Nous aurons une réelle exigence sur le prochain album,
on prendra donc le temps nécessaire pour qu'il sonne comme on le voudra.
Il y aura certainement un E.P dans un premier temps".
Zopelartisto : Vous devez sans doute être en pleine composition pour le futur album de The High Reeds.
Retrouverons nous des morceaux qui mettent en valeur la diversité vocale ? (comme avec les intervention de Yao, Djo et Joe Pligrim ?)
Christophe : Oui, comme tu le dis, on est en pleine composition. On a déjà plusieurs titres montés pour le prochain album qui sera sûrement annoncé par un E.P.
Parmi ces nouvelles chansons, on trouve un titre en Baoulé interprété par Yao et on souhaite également chanter à quatre voix, bientôt, car notre pianiste, Djedi, a un vrai sens de l'harmonie. Alors, nous souhaitons l'impliquer aussi aux coté de Djo qui tient un rôle de batteur/chanteur également.
Zopelartisto : Une petite idée de la date de sortie de ce prochain projet ? 2017 ? 2018 ?
Christophe : Tout ce qu'on peut te dire c'est que l'ensemble des titres devrait être près sur 2017, mais le chemin est long pour sortir un album comme il se doit, et nous on fait les choses consciencieusement. Nous aurons une réelle exigence sur le prochain album, on prendra donc le temps nécessaire pour qu'il sonne comme on le voudra. Il y aura certainement un E.P dans un premier temps.
Zopelartisto : Un prochain clip est-il prévu pour Sounds of Life ?
Christophe : Comme on le disait plus haut, on n’arrête jamais de composer et on aura surtout à cœur de clipper un nouveau titre issu de notre prochaine production sonore !
Zopelartisto : Je vous souhaite une énorme tournée 2016 ! Cet album est vraiment une réussite ! Il faut le mettre en valeur, c’est certain ! Bless Up.
The High Reeds : Merci à toi Zop, à La Grosse Radio et big up à toutes celles et ceux qui nous soutiennent !
Crédits des photos :
ITW France Ô : Didier Garnier
1ère partie de Clinton Fearon : Chrisimages