Il y a des signes qui ne trompent pas dans la réussite d'une association. Depuis sa création dans les années 80, la SMAC (Salle de Musiques Actuelles Conventionnée) d'AMPLI a vu la naissance de multiples projets musicaux inhérents à ses salariés, intervenants et autres intermittents du spectacle. C'était déjà le cas avec la doublette d'albums des Randy Mandys très marquée par les productions rock'n'roll et alternatives Américaines (cf. The Way We Are Volume I & II en 2009/2010) ou plus récemment avec le collectif éclectique de L'Ivresse Des Sens - C3O au service de l'handicap où l'on retrouvait déjà le line-up complet de Will Dèd auquel s'ajoutait le président de l'association Bernard Royer à la deuxième guitare, le slameur Makja et le très apprécié Daguerre, artiste natif du Sud-Ouest à l'accent très chantant.
Formé en 2015, le combo des montagnes fait partie de cette poignée de groupes qui développe une identité visuelle pensée en profondeur, mélange d'une ponctuation d'un autre temps que l'on peut admirer sur leur compte facebook et d'une d'une baleine volante en guise de logo signée Jive, le bassiste-graphiste de la bande (ex-Les Belmont, un vieux souvenir sorti tout droit des placards Béarnais). Par conséquent, leur musique ovni et de fait difficilement descriptible balance aussi bien pour le noise rock (« Toccatagueule »), que pour le grunge instrumental des années 90 made in Seattle (« Mamamouth ») en empruntant également à la chanson française dans sa face la plus lancinante sur « Sweet Bahnhof ». Comme on pouvait s'y attendre, c'est Pier Belmont qui est au coeur de la production, de l'enregistrement au mixage en passant par le mastering. Il a prêté ses services, au sein de la sphère locale, à des formations diverses et variées telles que The Magnetix, L'Envoûtante, Black Out ou encore Artús pour n'en citer que quelques-unes. Chose plutôt étrange, pour leur première production sobrement intitulée EP 2015, les quatre amis ont décidé d'une sortie vinyle en 45t rouge, édition limitée. Seule différence avec la version classique, l'absence du troisième morceau méchamment barré « Mamamouth » dominé par les fûts de Pat (Claudià & Lucie).
Crédits photo : L'Atelier d'Hervé
Pour sa face A, Will Dèd choisi de démarrer les hostilités avec « Toccatagueule », brute de décoffrage mais possédant une réelle sensibilité. Tandis que les claviers de Mika côtoient les riffs de guitare distordus du frontman Jérôme, l'ex-Imparto, la composition témoigne quant à elle d'une rage et d'un style pouvant se rapprocher du très noisy « Mamamouth ». On a là un texte basé sur la souffrance et le déchirement qui, par ailleurs, est merveilleusement bien desservi par l'instrumentation qui continue de suivre avec brio les propos du chanteur. L'intensité est palpable et on ne boudera pas notre plaisir d'entendre résonner ces caverneux et non moins délicieux "Laissez Mouarrrrrrgh". Une tension qui sera reprise sur le diabolique « Mamamouth » avec pour seules paroles un énigmatique "AhAhAhAhAhAh".
La musique est résolumment rock mais les références du quatuor continuent de se confondre, en témoigne le « Sweet Bahnhof », sorte de Chanson Française moderne, dans sa définition la plus noble. Portée par la basse groovy et dansante de sieur Jive, la pièce revêt presque des airs d'une pop sur laquelle on aurait rajouté un passage rock un peu plus costaud pour conclure. Un romantisme pas si étonnant lorsqu'on se remémore la première partie du disque L'Ivresse des Sens décrite comme Mon Côté Pop. On pourrait extrapoler en disant qu'on a affaire à un supergroupe car à ce niveau de compétences-là, un talent se cache forcément derrière les musiciens. Par exemple, le multi-instrumentiste Mika (ex-Orphée) apporte cette ambiance si particulière, lui qui est spécialisé dans la composition de musique de film et a entre autres fondé le projet Mygük qui a pu bénéficier d'un rayonnement un peu plus large avec sa ré-interprétation post-rock de Nosferatu, le Vampire en 2004. D'où la plage du nom de « Mamamouth » entièrement consacrée au développement d'une atmosphère un peu aérienne mais surtout bien terrifiante.
Ce EP 2015 est une claque. La baleine du 666 a tapé fort, très fort. En seulement un EP de trois-titres publié fin 2015, Will Dèd nous bluffe avec des textes simples et nous met l'eau à la bouche grâce à son professionnalisme, sa créativité, sa sincérité. Du noise, du grunge en passant par la chanson ou encore la pop, les morceaux restent en tête pour notre plus grand bonheur. Une affaire à suivre de très près. Un pur produit d'AMPLI comme on l'aime.