Ragnard Rock Fest – jour 1 (22.07.2016)
C’est sous un ciel ensoleillé que cette première journée de festival commence. Les portes du site ouvrent à 10h comme prévu, laissant le temps aux festivaliers de flâner dans le Metal Market et le Village Viking. On assiste au test des armes des troupes de reconstitution historique, ainsi qu’aux premières démonstrations de bridge et de glima. Cette journée débute sous de meilleurs auspices que la veille. Après les problèmes techniques survenus lors des concerts du Warm Up, certains sont entrés sur le site du festival avec de petites appréhensions qui ont vite disparu. Tout au long de la journée, les concerts ont commencé plus ou moins à l’heure. Seule déception quand on aime le folk et le black metal… ne pas avoir le don d’ubiquité ! Le choix a souvent été difficile entre les concerts se produisant sur la Heim Stage du village viking et la Thor Stage côté festival.
C’est donc à 13h tapantes que les Allemands de Kaunan investissent la Heim Stage. Dans ce trio on retrouve Oliver Sa Tyr, également membre du groupe Faun, tête d’affiche de cette première journée.
Les trois hommes en costumes médiévaux viennent s’installer sur scène et bien qu’ils passent la totalité de leur concert assis, ils font preuve d’une prestance incroyable. Il faut dire que leurs instruments traditionnels sont plutôt impressionnants. On a affaire à une magnifique démonstration de kontrabasharpa, de bouzouki, de mandole, de vielle à roue et de cornemuse.
La plupart des morceaux sont instrumentaux et nous emmènent dans un voyage envoûtant à travers le temps. Le public est conquis.
Deuxième concert de la journée… et première course effrénée entre la Heim Stage et la Thor Stage. Acus Vacuum prends place sur la Heim Stage alors que Boisson Divine s’installe sur la Thor Stage. Du folk ou… du folk… choix cornélien… que faire ?! Acus Vacuum commence son set devant un petit public très calme totalement ensorcelé par la musique et Azora, leur danseuse qui occupe majestueusement la scène.
Une jeune femme enlève son soutien-gorge et le fait tourner en l’air pour exprimer son contentement. Premier petit wall of death du fest. Le concert est sympathique, mais bon, Acus Vacuum rejoue le lendemain sur l’Odin Stage avec une formation plus metal. Allons voir Boisson Divine !
On avait déjà rencontré Baptiste Labenne, le leader du groupe, lors de la première édition du Ragnard Rock Fest au côté d’Himinbjorg.
Il était monté sur scène avec eux pour jouer de la cornemuse. Cette année, c’est avec son groupe de folk metal, Boisson Divine, que Baptiste Labenne foule les planches du Ragnard Rock Fest, une première dans un festival de metal pour le groupe. Le courant entre le groupe et le public passe instantanément grâce à leur musique entraînante et l’humour de Baptiste. Il qualifie le groupe de "folk metal gascon", une appellation plutôt bien trouvée vue que toutes les chansons sont en langue régionale. Le groupe lance même un "circle pit gascon".
Baptiste dit même au public de se bouger sous peine de faire descendre les membres du groupe pour montrer comment on fait. Au milieu de toute cette testostérone, on trouve tout de même une touche de féminité avec Ayla, seule femme de la formation qui nous fait découvrir un instrument peu commun : la flabuta, ou flûte à trois trous.
Elle nous fait virevolter au son de son instrument, apportant une touche guillerette à la musique du groupe.
Ensuite, c’est au tour de Malepeste d’entrer en scène. Fini le folk, place au black metal. Ce groupe de black français est une belle découverte que ce soit musicalement ou scéniquement parlant.
Sur scène le groupe nous offre un décor mystique avec bougies, encens, bols tibétains. Le son du tampura et des bols tibétains ne fait qu’amplifier le côté messe noire de la mise en scène. Même les costumes sont parfaits dans le sens où ils ont l’air d’avoir été "faits maison". Pas d’imprimés sur les draps noirs qui servent à la mise en scène mais des inscriptions à la main qui bavent un peu et qui apportent un côté vraiment authentique. Côté prestation musicale, là aussi le groupe nous plonge bien dans son univers. Le son est à la fois oppressant et mystique, le chanteur nous offre un fantastique prêche.
Il tient son rôle jusqu’au bout et nous fait frissonner. Nous sommes les ouailles de ce prédicateur possédé dont le sermon oscille entre "spoken words" poignants dirigés vers la foule de fidèles et hurlements déchirés à genoux pour implorer les esprits malins. Bref, une belle prestation qui donne envie de les revoir dans un environnement plus noir que le ciel ensoleillé du Ragnard Rock Fest.
On continue dans le black metal avec les Grecs de Naer Mataron. Le groupe fait partie de ceux qui ont lancé la polémique autour du festival, leur bassiste étant membre du parti grec Aube Dorée. Or, celui-ci n’est pas là. C’est donc avec un line-up incomplet que le groupe monte sur scène. Leur guitariste est impressionnant physiquement parlant.
Je crois que je n’avais jamais vu d’aussi gros pectoraux et je sens poindre une pointe de jalousie en regardant mon décolleté qui semble vachement moins bien rempli pour le coup ! Le groupe se met à jouer, on ne retrouve pas leur côté black metal mais plutôt un côté death assez cacophonique. Le son est trop fort et on a du mal à dissocier les sons des instruments.
Ce n’est qu'en prenant un très grand recul par rapport à la scène que l’on peut entendre quelque chose d’autre qu’un barouf inaudible. Bref, pas la meilleure prestation de la journée, surtout pour un groupe attendu comme Naer Mataron.
Petit retour au calme avec Stille Volk venu prendre place sur l’Odin Stage. Un festival français de folk et de pagan metal ne serait pas vraiment un festival de folk et de pagan metal sans Stille Volk.
En effet, le groupe enchante la scène folk depuis maintenant une vingtaine d’année avec sa musique. On est loin des groupes de folk offrant une musique joyeuse et dansante faisant faire la chenille au public. Non ! Stille Volk a un vrai côté païen avec des paroles en vieux français et en occitan proches de la terre, de la nature qui nous entoure. On ressent dans leur musique un côté primal et envoutant qui nous ancre dans l’instant et notre environnement. Une belle performance qui a laissé le public en transe.
Lafforgue, le leader du groupe, conclut le set avec des remerciements aux bénévoles. Des remerciements qui sonnent comme une dédicace aux petites mains sans qui le festival ne pourrait pas se passer dans de si bonnes conditions.
Arrive le deuxième grand dilemme de la journée … Rester devant la Thor Stage pour voir Belenos, ou se précipiter devant la Heim Stage pour voir Les Compagnons du Gras Jambon ? Et si on allait se trémousser ?! Direction la Heim Stage.
C’est avec des groupes comme Les Compagnons du Gras Jambon qu’on remarque que le public du Ragnard Rock Fest n’est pas seulement composé de metalleux, mais aussi d’amateur de fêtes médiévales.
En effet, parmi les curieux, on a pu voir pas mal de fans connaissant les chansons du groupe par cœur, ce qui a fait de ce concert totalement folk et acoustique, un concert mémorable. Le public répondait au groupe à l’unisson tout en dansant au son de la musique. Il était aussi très réceptif aux nombreuses blagues du chanteur entre les morceaux. Mais le concert a atteint son apothéose avec l’interprétation de "Ræven, Rotten & Grisen" une chanson inspirée du folklore danois qui nous narre une balade entre un renard, un rat et un cochon. Le Père Vik nous demande de voir ce titre comme un "Flash Mob Médiévale". Il nous enseigne les pas à suivre et c’est parti pour quatre minutes de pur délire.
La majorité du public suit la chorégraphie. C’est un joyeux bordel mêlant fans du groupe, curieux conquis et mecs bourrés, qui nous prouve que la cohésion peut parfois sortir du chaos. Bon okay… tout le monde n’était pas forcément en rythme mais on apprécie l’effort.
Les Compagnons du Gras Jambons ont su nous montrer qu’on pouvait faire un concert d’une qualité musicale incroyable tout en chantant des chansons grivoises, le tout en faisant se trémousser des true black metalleux. Et pour ça, merci et bravo !
N'ayant pas le don d'ubiquité à mon grand regret, et envie de me poser un peu, je laisse la parole à mon collègue Lionel Born 666 pour le reste des hostilités.
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Au même moment sur la Thor Stage, c'est au tour de Belenos d'enflammer le public. Cela fait maintenant plus de vingt ans que Loïc Cellier et ses compagnons nous font plaisir en jouant leur black metal celtic sur les scènes de France. L’ambiance mystique et épique des titres joués redonne de l’énergie au public les transformant en valeureux guerriers.
Dommage que le groupe reste aussi statique sur scène, les musiciens ne bougent pas de leur mètre carré attitré alors qu’on aimerait les voir changer de place ou haranguer encore plus la foule. Mais comme dirait Aerosmith "Let The Music Do The Talking" d’autant qu’un nouvel album Kornôg est sur le point de sortir.
Aujourd’hui place à un tour d’horizon de leur discographie allant des morceaux les plus black comme "Terre de Brume" ou "Fureur Celtique" à des envolées païennes à la "Morfondu" en passant par des ambiances guerrières comme sur "Aspedenn" qui débute leur set.
Il est 18h50, Ereb Altor monte sur scène et franchement…j’avais rarement reçu une aussi grosse claque dans la tronche par un groupe que je voyais sur scène pour la première fois. Après avoir chroniqué leur EP Nattramn en 2015, je n’imaginais pas les voir si rapidement devant mes yeux.
Les musiciens sont des pros comme on les aime. Fans de Bathory, maquillés de rouge et de noir, poseurs comme il faut l’être sans trop en faire avec leur epic doom/viking metal, en prenant la pose (afin que nous, les photographes, puissions nous délecter de nos photos), Ereb Altor nous propose de rentrer dans la demeure de Quorton, domaine de Bathory période Blood Fire Death/Hammerheart. Alors ? Êtes-vous nombreux à vouloir faire demi-tour et quitter la Odin Stage ? Non ! Pas franchement car leur viking/orchestral black metal va nous faire pleurer tant il est beau. Alors imaginez ce que des titres comme "Midsommarblot", "Nattramn" (du dernier Ep), ou "Fire Meets Ice" (quoi ? ce titre vous dit quelque chose ?) nous font dans la colonne vertébrale ? Des larmes nous coulent dans la moelle épinière.
Crister Olsson (guitare/chant) nous crucifiera à la fin en rendant un hommage sincère à Bathory où des larmes couleront de ses yeux en lançant "A fine day to die" pendant que Ragnar martèlera sa basse.
Pour alléger la puissance de leur musique tant l’ambiance est forte en émotion, et alors que quelques gouttes de pluies tombent sur le site (Odin doit pleurer), Mats nous demande "Voulez vous coucher avec moi ?" en rajoutant "c’est la seule phrase que je connaisse en français" avant de lancer "Nifelhein". Bref ici, on a affaire à des pros qui savent gérer une scène : la faire vivre en changeant de place, faire participer le public et surtout savoir jouer une musique plus que parfaite. Merci à eux ! Là où il est, Quorthon a dû passer un agréable moment à l’écoute de ses fervents défenseurs...
Viens le tour de Skyforger d'entrer en scène. C’est marrant comment des sensations peuvent remonter dans nos mémoires (ou plutôt dans nos oreilles), dans notre cortex cérébral. Pour moi, Skyforger restera l’un des groupes qui a sûrement déchiré mes tympans à jamais lors du Cernunnos Pagan fest II le 16 décembre 2007 dans une Locomotive remplie à ras bord. D’ailleurs pour les plus anciens parmi vous, on n’oubliera jamais entre autre les prestations d’Heidevolk, de Stille Volk ou de Bran Barr…
Bon, retour en 2016, et c’est toujours aussi prenant de voir comment les Lettons de Riga font pour nous retourner si rapidement. Personne ne peut résister à des titres comme "Pulkvedis Briedi", tant la frontière entre le black et le pagan est mince, comme des soldats se combattant face à face dans une boucherie indescriptible. En habit traditionnel, Skyforger saura passer son message à travers une musique violente comme sur "Ei skÄ«ja, skÄ«ja", ou parfois empreinte de touches de délicatesse comme su "Migla, migla, rasa, rasa".
La diversité des origines des groupes venant au RRF montre à nouveau comment la musique peut rapprocher les peuples.
Retour au turbin pour moi !
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Les concerts prennent un peu de retard, il est 21h. Au Village Viking, Celtibeerian prend place sur la Heim Stage alors que les combattants vikings se préparent pour la grande bataille eastern. Au même moment Cruachan s’installe sur l’Odin Stage.
Commençons par Celtibeerian. Premier point à relever, c’est le premier concert électrique sur la scène acoustique ce qui peut expliquer les quelques larsens au début du concert. Autre chose importante à noter, c’est que dans Celtibeerian, si on regarde bien il y a le mot "beer", ce qui explique sûrement pourquoi la plupart des chansons du groupe sont des chansons à boire et qu’à chaque fois que le chanteur s’exprime c’est pour nous parler d’alcool.
Il nous incite même à picoler: "Are you drunk ? No ?! Why are you here then ?!" (Est-ce que vous êtes souls ? Non?! Eh bien pourquoi êtes-vous ici alors?). Le public est plutôt réceptif à l’ambiance festive créée par le groupe.
On a droit à un petit wall of death et à un mec déguisé et non costumé en viking qui monte sur scène pour offrir un casque à cornes (absolument pas historique bouh !!!) à la chanteuse. On sent qu’il a envie de rester sur scène pour danser avec le groupe, mais la sécu le fait descendre manu militari.
Bref, Celtibeerian est proche de son public et nous offre un show endiablé pour le grand plaisir des amateurs de musique festive.
Pendant ce temps à quelques mètres de là c’est un show avec une ambiance totalement différente qui se prépare. Cruachan entre sur scène vêtu de costumes traditionnels celtes. On sait que les membres de Cruachan, et en particulier Keith, le chanteur, sont des amateurs de reconstitution historique.
Leurs chansons traduisent tout à fait le folklore guerrier irlandais. Les Irlandais piochent dans tout leur répertoire avec les chansons vieilles de 23 ans de Tuatha Na Gael, mais aussi des chansons plus récentes de leur dernier album, Blood for the Blood God, sorti en 2014. Le groupe a longtemps été accompagné d’une voix féminine ce qui n’est plus le cas depuis le départ de Karen Gilligan en 2008.
On a donc droit à une interprétation plus "couillue" de "Ride On", Keith chantant les parties de la voix féminine en chant clair et les parties où il chantait dans la version originale en voix black. Le pari est plutôt réussi, même si la voix de Karen manque un peu.
Après un set de pagan endiablé, retour au black metal avec Belphegor et Lionel Born 666 qui saura vous en parler bien mieux que moi.
Les Autrichiens de Belphegor ne sont pas venus pour nous faire sauter des pétards pour une fête de sous-préfecture. D’emblée, les lights, les fumigènes, les sons des instruments tombent sur le public tel un orage qui n’arrivera jamais sur le festival. Merci à Thor et à Odin !
Les carcasses en décomposition sur le devant de la scène sont éclairées par des lights rouges rendant la scène bien gore. Les musiciens, à l’image d’un Serpenth qui se délecte de disparaitre dans des fumigènes épais, jouent avec des clairs obscurs les rendant invisibles. Le public venu en masse devant la scène ne rate rien de chaque mise en scène et prend d’emblée une décharge avec "Gasmask Terror". Les musiciens sont en place et jouent de la puissance qu’ils dégagent en nous écrasant de riffs surchargés de black/death comme ceux de "Lucifer Incestus" lancés par un Helmut littéralement possédé.
La technicité des musiciens rendant encore plus froid et "evil" l’interprétation de leurs titres, ce n’est pas la présence d’un prêtre "occulte" qui étonnera l’auditoire en diffusant de l’encens jusqu’à l’étouffement.
Assurément la meilleure prestation de Belphegor auxquelles j’ai assisté dans une église pas vraiment catholique.
Après la performance sauvage de Belphegor qui en aura scotché plus d’un, cette première journée de la deuxième édition du RRF se clôture par un live magique du groupe de Folk allemand Faun.
Le groupe nous transporte littéralement dans un autre monde peuplé de légendes et de créatures magiques grâce aux nombreux instruments aux sonorités atypiques qui les caractérisent. Des titres tels que "Iyansa" nous ont mis en transe grâce aux arrangements et à la mise en scène.
Faun est toujours un groupe agréable à écouter, mais j’étais loin d’imaginer que leur musique rendrait aussi bien en live. Faun a réussi à nous transporter hors du temps et du monde réel l’espace d’un instant. C’est comme si l’on avait fait un rêve fugace dans lequel on voudrait rester bloqué.
Le groupe nous interprète "Rhiannon", un morceau bien punchy et dansant pour clôturer leur set et nous faire remettre les pieds sur terre après un florilège de morceaux totalement planants.
C’est avec le cœur léger et des images de contes de fées plein la tête que l’on quitte le site du festival, en espérant une toute aussi belle journée, pleine de découvertes et de groupes attendus tels que Graveland pour les fans de black metal et Moonsorrow pour les amateurs de pagan metal.
Live report : Eloïse Morisse et Lionel Born 666
Photos : © 2016 Thomas Orlanth - galeries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / facebook
© 2016 Lionel / Born 666
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