Klaus Johann Grobe – la Mécanique Ondulatoire, jeudi 15 septembre 2016

Taillée dans la pierre et tout en long, la petite salle de la Mécanique Ondulatoire a des allures de caveau gothique. Mais loin de la batcave, elle se sera changée ce soir en douillet nautilus disco. Si les années 70 restent en toile de fond, c’est son versant « boule à facettes » que travaille Klaus Johann Grobe, s’éloignant par là du psychédélisme krautrock qui baignait une partie de ses titres antérieurs. Le dernier album édité chez Trouble in Mind, Spagat der Liebe (« équilibre de l’amour » ? Que les germanistes me pardonnent et me viennent en aide) a donc choisi définitivement la pop groovy ensoleillée au détriment des cavalcades métronomiques et dissonantes. Les amateurs s’en réjouiront.

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Le duo se fait quatuor pour la scène. D’emblée, les claviers de Sevi Landolt inondent la salle, confortablement retro et cristallins. La batterie de Daniel Bachmann, seconde tête pensante du groupe, est sautillante. Les boucles d’une basse précise et rondouillarde sont lancées, et voilà qu’une flûte traversière ramène sa fraise, comme échappée d’un âge d’or disco. C’est plaisant, cela berce. Le deuxième morceau va plus loin et évoque soudain un inusable générique de série US – décapotables à larges lunettes fumées arpentant les déclivités de San Francisco, rouflaquettes au vent. Cheesy, mais osé. Pourquoi pas. La disco étend son empire tentaculaire dans le sous-sol du quartier Bastille. On pense aux compositions de Cerrone, ou à l’entêtant – restons polis – « Funky Town ». Lorsque le flûtiste passe aux congas, plus rien ne peut nous étonner.

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La formule est efficace et assez singulière. De leurs influences krautrock et électroniques, les Suisses ont gardé la dimension « morotik », la précision imparable de la rythmique. Tout en abandonnant toute l’étrangeté qui hantait le rock allemand expérimental, à coup de réverb’ spatiales et de possessions dissonantes. Ainsi le chant de Landolt délaisse-t-il tout effet, assumant ludiquement les reprises à voix nue dans une habile imitation d'écho. Bel exercice, surtout lorsque Bachmann le rejoint pour des moments de tir de barrage vocal.

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Mais voilà le défaut de la qualité : le set se met à ressembler à un papier à musique propre et calibré. Oserait-on le cliché de l’horloge suisse ? La position assise du bassiste, anecdotique, peut être vue comme signifiante : Klaus Johann Grobe maîtrise sa formule à la perfection, mais le live ne témoigne d’aucune prise de risque. Il faudrait plus que des refrains ensoleillés, des sourires et une boule à facettes. Ou alors, trouvez-nous carrément une boite avec dancefloor, et permettez-nous de nous détourner de la scène. La pop comme le rock doivent proposer un vrai voyage, et non aligner des vignettes artistement colorées mais semblables. Ce n’est pas avec des joliesses comme « Wo Sind » et autres refrains d'une piégeuse langueur que l’on maintiendra l’attention d'un auditoire à 22h.

En milieu de set, on croit le décollage possible lorsque s’impose une rythmique plus funk, laissant la voie ouverte pour des embardées au clavier. Plus tard, une touche punk vient réveiller les oreilles engourdies à force de bercements. Mais globalement, les écarts sont rares, les mélodies en mode mineur (comme celle qui préside au très bon titre « Kothek ») trop exceptionnelles.

Alors que reste-t-il de la tonalité cosmique mise en avant par le visuel retenu pour le concert ? Pas grand chose. Le globe n’est pas un astre mystérieux, c’est bel et bien une boule à facettes. Dernier signe : « Koordinaten », l’un de leurs premiers succès, de loin le plus kraut et galactique, ne sera pas joué. Y compris en rappel – qu’ils ne nous accordent pas d'ailleurs... Les brumes et écharpes stellaires ont laissé la place au soleil de la disco. Sophistication groovy, certes. Mais gare à l’assoupissement sur le long terme. 

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