La force tranquille du dragon ?
Ah Dragonforce... ses shreds, sa rapidité, ses solos à mi-chemin entre un Yngwie Malmsteen sous exta et la bande son d'un Super Mario futuriste, ses parties instrumentales tricotées souvent interminables... une autre époque ? En un sens oui, car voici ZP Theart parti, l'emblématique chanteur néo-zealandais ayant décidé de mettre fin à l'aventure pour divergences musicales. L'occasion pour le groupe de démarrer une nouvelle ère ?
Un jeune britannique nommé Marc Hudson a ainsi pris le relais, plein de pression mais aussi de certitudes, de longues semaines de répétition ayant précédé l'enregistrement d'un album attendu au tournant par les fans de la première heure mais aussi les détracteurs. Et à l'écoute de ce nouvel opus intitulé The Power Within et à paraître le 15 avril chez Electronic Generation Recordings (le propre label du groupe, avant une sortie américaine chez Roadrunner Records), on peut se demander si les guitaristes-compositeurs Herman Li et Sam Totman n'ont pas eux aussi réfléchi en profondeur sur leur façon d'appréhender de nouvelles compositions.
Première constatation : exit ou presque les long titres de 7 minutes ou plus bourrés d'effets dans tous les sens. Ou tout du moins admettons un véritable gain en maturité sur ce point, Herman nous l'expliquant d'ailleurs lors de l'entrevue qu'il nous a accordée le 28 février dernier. Place à un feeling ainsi mis en avant, même si la technique reste largement de mise ; il ne reste désormais plus grand chose du Dragonforce de Ultra Beatdown et on serait tenté de dire "dieu merci" tant cela commençait à devenir lourd/redondant (rayez la mention inutile).
Bien sûr quelques préceptes speed restent présentés à nos oreilles, Dragonforce demeurant avant tout ce groupe de "extreme power metal" à l'adrénaline quasi incontrôlée. Quasi oui, car nous n'aurions point fait cette précision sur les deux précédents brûlots. Il convient de souligner qu'un "Fallen World" garde cependant cette touche avec un solo quelque peu fou fou pour une chanson qualifiée comme la "plus rapide jamais composée". Allons bon, il fallait bien faire un petit coup promo, les erreurs du passé ne sont pas encore totalement corrigées mais on ne leur en voudra pas trop - il faut bien vivre. Ensuite un "Give Me the Night" (et son intro très "From Chaos to Eternity" du dernier Rhapsody of Fire à date) peut troubler, non pas tant sur son rythme certes très direct, mais plus par son côté moderne qui reviendra d'ailleurs à plus d'un moment sur le CD, notamment sur le final "Last Man Stands" qui mélange (habilement ?) influences atmosphériques et AOR que même un Linkin Park ou un 30 Seconds to Mars n'aurait pas renié sur son entame (avouez que je vais chercher loin là quand même !). Quant à "Heart of the Storm", elle ne brillera pas par son originalité et semble un peu de trop lorsqu'on réécoute plusieurs fois l'offrande, même si elle a le mérite d'exister et d'activer un potentiel headbang.
Cependant, le feeling mis en avant annoncé préalablement se ressent surtout sur des compos plus simples et axées sur une mélodie efficace. L'entrée en matière consistuée par "Holding On" annonce directement la couleur, il s'agit très certainement de l'hymne instantané du disque - rien que cette introduction oriantalisante made in China saura ravir les plus septiques. Et s'il s'agissait là du meilleur morceau de Dragonforce depuis l'album Sonic Firestorm ? Puisqu'on parle de cette sortie datant de 2004, soulignons une mélodie très proche de cet esprit sur "Wings of Liberty", titre le plus long de ce The Power Within mais très certainement pas le plus inintéressant. Grosse surprise pour les fans, on se retrouve même face à un Dragonforce presque sombre sur le refrain de "Seasons", titre choisi en reprise acoustique finale (certes sympathique mais qui n'apporte pas grand chose à la galette), qu'un Sonata Arctica aurait adopté sans mal et où Marc montre un registre assez différent et largement plus versatile que ZP.
Car le nouveau frontman ne déçoit pas, même si on sent quelques retouches/corrections (ou simplement effets ? Laissons l'avis aux professionnels) autotune afin d'harmoniser le tout. C'est bougrement efficace autant dans le timbre que dans les variations, il y a fort à parier que ce petit tournant dans la musique du groupe ne soit pas étranger à son intégration que l'on sent complète et intuitive. En espérant que ceci se concrétise en live, les avis actuels sur ses premières performances étant quelques peu divergeants il faudra donc attendre un peu pour juger.
L'album s'avère ainsi constant dans une qualité certaine, il souffle le chaud ("Holding On" déjà mentionnée mais aussi un très sympathiques "Die By the Sword" au titre Manowarien et aux cavalcades en mode Running Wild électro) et disons le plus tiède (pourquoi terminer l'album sur une version acoustique faisant retomber le rythme ? Sans oublier "Fallen World" ou "Heart of the Storm" que l'on ressent un peu comme du travail un poil bâclé). On ne revient pas non plus à Valley of the Damned (qui fête déjà ses 9 ans cette année, comme le temps passe vite), on se rapprocherait plus en fait d'un Sonic Firestorm modernisé avec les élements de Inhuman Rampage et Ultra Beatdown un poil plus maîtrisés et, surtout, contrôlés. On peut simplement questionner sa véritable durée de vie, cela reste après tout du "power dopé" assez générique mais bon... si Dragonforce s'était mis à faire du prog ou de l'expérimental (quoique...), ça se saurait depuis le temps !
Petit cocorico pour finir, avec la nouvelle excellente prestation de Fred Leclercq (ex-Heavenly, Maladaptive) à la basse, lui pourtant guitariste à la base. C'est d'ailleurs sur cet instrument de prédilection qu'il nous offre une fort jolie instru en bonus track intitulée "Après la tempête". A découvrir sur l'édition limitée.