A la manière d’un Tobias Sammet touche à tout, Peter Tägtgren ne doit pas avoir une minute à lui tant son œuvre s’étoffe de jour en jour, que ce soit en tant que producteur (Sabaton, Children of Bodom...), en collaboration (Lindemann), ou pour ses projets propres (Hypocrisy et Pain). C’est en fan de la première heure, et plutôt déçus de la nouvelle direction prise avec Cynic Paradise (rattrapé par un You Only Live Twice plutôt correct) que nous attendions ce Coming Home, en espérant un retour aux sources bénéfique.
Petit retour en arrière avant de décortiquer ce nouveau brûlot. Pain a démarré en étant axé sur des rythmiques électroniques, un chant saturé mais pas trop, des mélodies mises en avant pour des compositions tirant sur l’industriel plutôt que le death mélodique. En partant de là, la première moitié de l’oeuvre de Tägtgren vaut indéniablement son pesant d’or. De l’album éponyme à Psalms of Extinction, une ligne directrice très droite, une ambiance noire quasi-permanente malgré une certaine simplicité des sonorités, une alchimie bouillonnante et accrocheuse, bref c’est sombre, mais c’est très efficace et accessible.
Cynic Paradise annonce l’orage, avec l’arrivée d’éléments plus ‘pop’ enjolivés de distorsions qui cachent la misère, un univers qui s’éloigne pour se perdre dans des mélanges improbables de mélodies mièvres et un peu à côté de la plaque. Peter le dit lui même en interview, il compose à l’envie sans véritable but précis au départ, et attend de voir le résultat final en bout de parcours. Et de mauvais travers reviennent en partie dans Coming Home. Grande nouveauté de ce nouvel album, des orchestrations viennent s’ajouter en masse à la majorité des compositions. L’ambiance générale est bien plus ‘joyeuse’ (entre guillemets) que sur tous les albums de Pain réunis, perdant un peu de l’identité que Peter Tägtgren avait donné à la base de Pain.
Cela ne serait pas plus gênant que cela si on y avait pas autant perdu au change, car malgré les quelques riffs méchants disséminés ça et là, ce mélange d’ambiance perd grandement en efficacité et en richesse. Terminés les passages techno très noirs et très bien mariés aux riffs thrash des guitares, ici l’opposition riff thrash / mélodie orchestrée est bien trop prononcée. Et bien trop répétitive pour fonctionner à tous les coups (écoutez les intros de "A Wanabee", "Black Knight Satellite", "Starseed" ou "Call Me" pour s’en rendre compte). Il y a comme d’habitude beaucoup d’idées proposées, mais on reste un peu perplexe devant le mélange indigeste de mélodies orchestrées et l’abandon des passages électroniques si bien faits, qui apportaient beaucoup sans prendre le dessus sur le cœur des compositions.
Passons rapidement sur la balade éponyme et son pénible pattern de batterie que vous devrez vous coltiner jusqu’au bout du morceau, ou du final interminable "Starseed" à l’ambiance qui peine vraiment à décoller. Un peu de déjà-vu avec le riff principal du titre "The Great Pretender", qui se retrouve en grande partie dans "Pain in the Ass" avec une rythmique à peine modifiée. Joakim Broden de Sabaton se retrouve embarqué sur "Call Me", sans apporter grand chose au titre en lui même. Peter ayant terminé la production de l'album de Sabaton juste avant, le clin d’œil est tout de même sympathique.
Heureusement, tout n’est pas à jeter dans cet album loin de là ! La réussite se retrouve dans ce que Peter sait faire depuis toujours pour Pain, avec les morceaux typés bourrins et sans trop d’orchestre ou les mid-tempos mélodiques. L’alchimie revient en force avec les titres "Final Crusade" (avec son couplet taillé pour le live, et son pont djent plutôt sympa), "Pain in the Ass" (tout de même très réussi, avec un petit sifflement Rammsteinien), "Natural Born Idiot" (clair hommage à Static-X) ou encore "Absinthe Phoenix Rising". On reste loin du meilleur de ce que Pain nous a offert, mais ne boudons pas notre plaisir tout de même. On lui accordera toujours un effort sur les textes avec une agressivité et un second degré présents sur tout l'album (le clip de "Call Me" en est une belle preuve).
Coming Home est un album en demi-teinte, qui n’atteint pas tous ses objectifs. L’ajout d’orchestrations s’est fait dans la douleur (ou la précipitation) et la formule a perdu un peu de son intérêt dans l’ensemble. Coming Home est au fond une suite logique de You Only Live Twice, moins typé death qu’aux glorieux débuts avec une part belle aux mélodies, des textes drôles et travaillés mais un côté mielleux inhabituel et un peu dérangeant à la longue. Dans tous les cas, pas de quoi déconseiller un concert de notre Suédois, la surprise en live pourrait être agréable sur quelques titres choisis de l'album.