A La Grosse Radio, nous avions largement combattu et discuté de la Loi Liberté de Création et de son volet radiophonique, lançant même une pétition en ligne pour demander son abandon à la ministre de la Culture Audray Azoulay. Plusieurs points nous dérangeaient que nous percevions alors comme des régressions des droits de artistes.
Nous réclamions alors :
- un partage équitable des revenus générés par les webradios pour les artistes (50-50 avec les producteurs)
- une meilleure transparence pour les revenus des artistes
- de meilleurs revenus pour les artistes présents sur les sites de streaming musicaux
- des moyens techniques supplémentaires pour la Sacem (afin qu'elle reverse enfin aux artistes les redevances perçues par les webradios)
L'Adami, une des principales société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes, quittait (avec la Spedidam et FO) à l'automne 2015 la table des négociations avant le passage de la loi à l'Assemblée Nationale, ce qui nous avait alors surpris, car comment défendre les artistes-interprètes en ne participant pas aux débats sur cette loi. Aujourd'hui, l'Adami par le communiqué de presse ci-dessous s'étonne qu'une Question Prioritaire de Constitutionnalité ne vienne aggraver la situation quant au partage des revenus radiophoniques, car si la loi semblait mettre en place un effort léger pour une juste rémunération des artistes, ce dispositif devrait aujourd'hui tout simplement être éliminé... Une QPC déposée par les producteurs phonographiques et qui les arrange bien. L'Adami se mord donc les doigts aujourd'hui, bien trop tard... surtout quand elle nous dit qu'elle "s’y emploiera [à lutter pour droit d’auteur et des droits voisins au niveau européen] de toutes ses forces. La démarche collective que mène TPLM (Tous Pour La Musique) à l’occasion de cette campagne présidentielle en est un exemple remarquable", on a du mal à y croire... alors qu'elle a laissé passer tant de choses en quittant la table des négociations...
L'Adami reconnait aussi qu'il y a une fuite massive des auditeurs hertziens vers les webradios, mais que cela porterait, sans la juste rémunération des artistes, un fort préjudice à ces derniers. Et c'est bien ce que nous pointons du doigt depuis de nombreuses années : parce que les auditeurs nous arrivent de plus en plus nombreux (n'en déplaise aux Inrocks, voir article ci-dessous) et par les rapports que nous entretenons avec la Sacem (qui avait signé contrairement à l'Adami le protocole d'accord de la Loi Liberté de création) en lui demandant de reverser nos redevances aux artistes, ce qu'elle nous répondait ne pas pouvoir faire, faute de moyens techniques.
Les pratiques des écoutes musicales ont grandement changé ces dix dernières années, il est grand temps que le législateur le comprenne et ne cède pas au lobbying des producteurs phonographiques mais réponde aux besoins des artistes et des auditeurs.
Yann Landry
Communiqué de l'Adami :
Loi liberté de création – réaction au projet de Question Prioritaire de Constitutionnalité
Les artistes prennent connaissance ce jour de l’intention des producteurs phonographiques de déposer une Question Prioritaire de Constitutionnalité afin d’annuler le seul dispositif de la loi « Liberté de création », qui, même s’il est insuffisant, amorce une plus juste rémunération des artistes sur internet.
La loi instaure en effet l’application pour les radios exclusivement diffusées sur Internet du mécanisme de Rémunération Equitable existant depuis 1985 pour les seules radios hertziennes. La Rémunération Equitable prévoit la possibilité pour les opérateurs radiophoniques de diffuser librement de la musique en contrepartie du versement d’une redevance assise sur leur chiffre d’affaires. Cette redevance est ensuite équitablement répartie à 50/50 entre tous les artistes et les producteurs. Avant la loi « Liberté de création », sur internet, cette répartition était d’environ 10% pour les artistes dits principaux (les solistes et chanteurs), 0% pour les musiciens qui les accompagnent et 90% pour les producteurs.
Dans un contexte où tous les indicateurs démontrent le transfert massif des auditeurs de la radio, du hertzien vers le canal internet, cette « QPC » porterait un préjudice sans précédent aux artistes. La transition numérique, et les bouleversements qu’elle engendre dans la chaine de création, serait alors l’occasion de rayer d’un trait 30 ans d’acquis pour les artistes pour une juste reconnaissance de leurs droits.
Les défis immenses auxquels sont confrontés les acteurs de la musique (responsabilité des intermédiaires de l’Internet, avenir du droit d’auteur et des droits voisins au niveau européen…) méritent sagesse et concertation pour qu’ensemble nous puissions travailler dans la même direction. L’Adami, en ce qui la concerne, s’y emploiera de toutes ses forces. La démarche collective que mène TPLM (Tous Pour La Musique) à l’occasion de cette campagne présidentielle en est un exemple remarquable. Dans ce contexte, on ne peut que regretter le dépôt de cette QPC par une partie des ayants droit eux-mêmes.
Faute d’avoir été tranchée jusqu’à présent, malgré plus de 10 ans de concertations, la question du transfert de la valeur au profit des intermédiaires du net mais aussi celle du partage de celle-ci entre les différents ayants droit reste ouverte.
Aux candidats à la présidentielle de s’en emparer. L’Adami se tient prête à travailler avec eux en formulant l’espoir d’une démarche concertée de tous les acteurs de la musique en reconnaissance de ce que chacun apporte à l’autre.