Le Booboo'zzz All Stars (qu'on abrègera par la suite en Booboo'zzz), c'est ce backing band originaire de Bordeaux qui prend un malin plaisir à reprendre tout ce qui lui tombe sous la main, sans œillères, sans se mettre de barrières. Bref, le Booboo'zzz ratisse large (expression très en vogue chez les commentateurs politiques, désolé) et cette ouverture d'esprit ne pouvait que nous toucher ici à La Grosse Radio.
Le Booboo'zzz a commencé à se faire un nom dernièrement alors qu'il diffusait sur Youtube en live, oui mesdames et messieurs en direct live, les vidéos des fameuses reprises dont on parlait plus haut. Bien qu'il a déjà backé de nombreux artistes au cours de soirées Reggae Bash au Booboo'zzz Club de Bordeaux (d'où le nom du groupe), c'est surtout grâce à ces covers, comme on dit de nos jours, qu'il a construit sa réputation. D'autant plus qu'avec des chanteurs de la carrure d'un Flox ou d'un Volodia, elles ne pouvaient que connaître le succès.
Fort de cette réussite, le Booboo'zzz sort donc un album, Studio Reggae Bash, le 10 mars prochain sur le label de Danakil, Baco Records. Baco Records, une histoire de famille, ainsi que nous le confiait Balik en interview ; la mif représente !!
Des reprises, disions-nous donc. C'est une chose que de vouloir revisiter quelques classiques ou tout simplement des morceaux emblématiques d'aujourd'hui, c'en est une autre que de le faire proprement et avec classe. En effet, le Booboo'zzz n'a rien du type antipathique qui s'évertue inlassablement à saccager Bob Marley avec sa guitare désaccordée lors du même rituel annuel de La Fête de la Musique en braillant du yaourt avec un inaudible "Kiiiiinnnnky regaaaeee, kinky reggggaaaaaee nooowwww" (ceci est valable pour tous les autres genres musicaux). Non, le Booboo'zzz ne mange pas de ce pain-là et nous leur en aurions voulu jusqu'à la fin des temps et les aurions maudit pour les siècles des siècles pour la bonne et simple raison que, s'il est interdit de se moquer de Bob Marley, on ne doit pas non plus massacrer un génie contemporain, à savoir Damon Albarn (Björk ou Maxime Le Forestier, on peut, mais pas Damon Albarn), tout simplement parce qu'à travers ses projets différents (Blur, Gorillaz, The Good, The Bad & The Queen...), il demeure l'un de ces artistes qui n'ont pas peur d'explorer des contrées inconnues, qu'il a toujours su se renouveler en permanence et qu'il a travaillé avec un nombre incalculable de ses homologues.
Le Booboo'zzz a un peu de Damon Albarn en lui, puisque, pêle-mêle, il reprend MC Solaar, Alain Bashung, les Commodores, James Blake, Tom Jones, Gorillaz, AlunaGeorge, Amy Winehouse (à l'heure où nous écrivons ces lignes, on se demande d'ailleurs toujours ce que font Björk et Maxime Le Forestier perdus au milieu de tous ces talents, on pensait pourtant que le Booboo'zzz avait bon goût), etc, autrement dit des gens aux univers musicaux assez éloignés les uns des autres. Mais pourtant, un semblant d'unité semble se dégager de ce Studio Reggae Bash : d'une manière générale, le Booboo'zzz se réapproprie les artistes précités sur des instrus plutôt rub-a-dub, même si d'autres styles parsèment l'opus.
Le titre d'ouverture, "I Need a Forest Fire", réadaptation de James Blake en est l'illustration parfaite ; l'orchestration du Booboo'zzz, à la limite du dub, on croirait entendre Zenzile (là aussi, il existe une différence entre vouloir jouer comme Zenzile et savoir jouer comme Zenzile), traduit l'exigence et le sérieux qu'il accorde à son travail avec une précision d'horloger : la rythmique est soignée, les guitares, qu'il s'agisse du skank de Jon Jon ou des cocottes de Wyman Low, entrent en symbiose et le clavier d'Oliver Smith survole tout cet ensemble avec ses nappes planantes ; rajoutez la voix grâcieuse de Bastien Picot, et vous obtenez un titre aussi correct que l'original. Et même si l'on a été déçu par "La Nuit je mens", peut-être parce que la version de Big Red est restée trop longtemps (et reste encore) dans nos oreilles et que la comparaison est inévitable (le rub-a-lounge mélancolique de Biga*Ranx, qui a produit le morceau issu du Vapor du MC de Raggasonic, se prête mieux à la gravité du morceau), c'est plus par l'interprétation de Max Livio, trop peu intense à notre goût, que par le riddim stepper orné des cordes du Booboo'zzz.
Qu'à cela ne tienne, on s'est réjoui du rub-a-dub "You Know You Like It" d'AlunaGeorge, même si, là aussi, DJ Snake, avec une ambiance différente certes, avait placé la barre très haut avec son remix, on s'est régalé avec "RMI", dans lequel Volodia se met à la place de MC Solaar le temps d'un titre, on a beaucoup apprécié "Love is a losing game", hommage à une Amy Winehouse disparue bien trop tôt, avec un Dre Gipson qui oscille avec brio entre incantations soul et flow ragga.
Et vu qu'on parlait de Flox plus haut, dont les influences naviguent elles aussi dans les eaux agitées de l'éclectisme, on le retrouve sur une adaptation rocksteady et pimpante du "Habits" de Tove Lo.
En outre, le Booboo'zzz a pioché dans la discographie de papa et maman en compagnie d'un autre relookeur musical en la personne Guive (dont le mash up entre le "Hit the Road Jack" de Ray Charles et le "Them Belly Full" de Bob Marley nous avait particulièrement éblouis) pour revisiter de manière toujours aussi groovy "It's not unusual" de Tom Jones, sur lequel a également participé Tom Tom , trompettiste de Danakil ; Baco Records, une histoire de famille, on vous dit ! La mif représente !
Mais encore, d'autres titres d'hier , "For What it's Worth" de Buffalo Springfield (déjà samplé par Public Enemy dans le magnifique "He Got Game") et "Easy" des Commodores ont fait l'objet de reprises tout aussi réussies de la part du Booboo'zzz.
Forcément, l'on a gardé le meilleur pour la fin : le "Clint Eastwood" de Gorillaz en mode rub-a-dub, avec un Oliver Smith qui se paye le luxe d'interpréter à la fois, et brillamment il faut le dire, le chant mélodique de Damon Albarn comme le flow rappé de Del. Wyman Low nous sert du Morcheeba avec sa guitare, les effets ravageurs au Korg renforcent l'efficacité du morceau, le melodica (Damon Albarn est également un descendant spirituel d'Augustus Pablo) nous fait autant planer que sur la version originale et la batterie et la basse groooooovent à mort ! Une leçon de reggae ! La preuve en images.
Le coup de génie de ce Studio Reggae Bash aura été finalement de faire cohabiter, avec classe, sur des rythmes reggae, des chansons provenant d'époques et d'horizons différents. D'autant plus qu'aucun titre initialement reggae n'est à recenser sur cet album. Cela montre l'ouverture d'esprit du Booboo'zzz et sa capacité à pouvoir réexploiter via son genre musical favori une large palette d'influences. Et ça, ce n'est pas clairement pas donné à tout le monde.
TRACKLIST
01 - I Need A Forest Fire Ft Bastien Picot (James Blake cover)
02 - La Nuit Je Mens Ft Max Livio (Alain Bashung cover)
03 - The Worst Ft Annaelle (Jhené Aiko cover)
04 - Venus As A Boy Ft Laurène (Björk cover)
05 - Easy Ft The Jouby's (The Commodores cover)
06 - It's not Unusual Ft Guive (Tom Jones cover)
07 - Habits Ft Flox (Tove Lo cover)
08 - You Know You Like It Ft Noraa (AlunaGeorge cover)
09 - Love is a Losing Game Ft Dre Gipson (Amy Winehouse cover)
10 - RMI Ft Volodia (MC Solaar cover)
11 - Clint Eastwood Ft Oliver Smith (Gorillaz cover)
12 - For What It's Worth Ft Peter Harper (Buffalo Springfield cover)
13 - Né Quelque Part Ft Jon Jon (Maxime Le Forestier cover)
TOURNEE DU BOOBOO'ZZZ ALL STARS
25.03.17 – Ancienne Belgique – Bruxelles (BE)
30.03.17 – Stereolux – Nantes (44)
31.03.17 – Centre Gérard Philippe – Calais (62)
01.04.17 – BAM – Metz (57)
07.04.17 – Bordeaux – Le Rocher de Palmer – Reggae Bash Live !
21.04.17 – L’Autre Scène – Avignon (84)
30.06.17 – Festival Summerjam – Cologne (GER)
21.07.17 – Festival de Néoules – Néoules (83)
04 au 06.08.17 – Reggae Sun Ska Festival – Talence (33)