Est-il encore besoin de présenter Jon Spencer ? Le trublion du blues énervé new-yorkais s'est taillé une solide réputation dans le monde du rock 'n' roll. Les premières exactions de Pussy Galore, puis les grandes heures du Jon Spencer Blues Explosion ont permi à Jon de remettre au gout du jour le blues rapeux au vitriol et de renvoyer sur le devant de la scène des clients de l'écurie Fat Possum comme R.L. Burnside... Que de bons souvenirs !
Encore un coup gagnant avec Heavy Trash où, en compagnie de son pote Matt Verta Ray de Speedball Baby, les deux compères revisitent le rock des pionniers. Mais Jon Spencer a aussi une vie de famille qu'il arrive à conjuguer avec sa musique. Sa compagne, Cristina Martinez, déja présente dans Pussy Galore est la la frontwoman sulfureuse du combo Boss Hog où Jon se trouve lui un peu plus en retrait.
Lors de la sortie de leur dernier album en 1997, l'ambiance dans les concerts était électrique et Cristina n'avait rien à envier au jeu de scène de son homme. De plus la belle n'hésitait pas à se dessaper ce qui n'était pas pour déplaire à l'auditoire. Depuis 2000, silence radio, quelques concerts sporadique et voila que le label In The Red annonce un quatrième long format pour le 24 mars 2017 assorti de quelques dates de concerts. Aussitôt reçue notre copie promo, voila que l'objet tourne en boucle.
"Billy" en ouverture de ce Brood X nous démontre en quelques secondes que la famille Spencer n’a rien perdu de sa fougue. La basse hypnotique rebondit dans notre crâne pour tisser un fil conducteur ou Jon Spencer rajoute ses gimmicks de guitare. Cristina Martinez au chant évolue toujours dans un registre ou la tension est palpable.
Boss Hog - 'Billy'' Live S.F. Slim's 7/14/2016
Cristina évoque toujours ce coté sensuel chargé de feeling. Encore une fois, l’interaction entre Jon et Cristina fonctionne à merveille. Une alchimie entre ce deux-là se dégage immédiatement. Sur "Ground Control", Jon prend la responsabilité de la moitié des vocaux et on sent cette osmose parfaite qui se dégage entre Cristina et lui, le tout magnifiquement encadré par une rythmique subtile et un clavier qui s’en donne à cœur joie. Le rock puissant, des racines blues, le fond de commerce est toujours là.
Des titres comme "Black Eyes" comportent tous les ingrédients nécessaires à un bon morceau de Jon Spencer. Il faut réussir à mixer harmonieusement des guitares aiguisées et placées à bon escient avec un chant qui se veut sexy et aguicheur. Dans le Jon Spencer Blues Explosion, Jon est au four et au moulin, mis en orbite par son batteur Russell Simmins et les digressions de Judah Bauer à la guitare barytone. Ici, c’est à Cristina Martinez, madame Spencer à la ville, que revient la lourde tâche de mener la revue. Jon la met en relief par son jeu. Cristina fait merveille sur des blues urbains new-yorkais comme "Signal".
A coté de ces titres sauvages et rebelles, on trouve aussi des choses plus en retenue. Le groupe sait évoluer dans un registre plus lo-fi lounge. L’effet "fuzz" sur la voix est parfaitement maitrisé et peut renvoyer aussi vers les productions de Spencer en version Heavy Trash avec son compère Matt Verta-Ray.
"Shh Shh Shh" est l’illustration parfaite de la ballade chez la famille Spencer. On pense aussi aux travaux de jeunesse avec Pussy Galore. "Elevator" propose un morceau à la structure un peu alambiquée soutenu par cette basse hypnotique qui tient le morceau. Chacun y rajoute son grain de sel pour donner du sens à l’univers de Jon et Cristina. C’est ça Boss Hog !
Photo : Angel Zayas
"Sunday Routime" se pose comme l’évolution du "Sunday Morning" du Velvet Underground. On imagine très bien ces lendemains de soirée difficile. Chacun l’aborde à sa manière mais dans les deux morceaux on retrouve ce côté "calm before the storm". La ballade de l’album. Encore un morceau cool où le clavier donne une ambiance hypnotique et met en relief la voix de Cristina Martinez.
"17" est la preuve que Boss Hog, ce n’est pas que du blues sale, du garage punk... Il a aussi tout un registre beaucoup plus fin lorgnant vers les blues traditionnels et le groove. Une autre facette du talent de Jon Spencer. Un côté plus posé, plus sage.
On peut éventuellement lorgner vers un coté plus pop, plus facile d'accès. C'est le cas de "Formula X" qui pourrait se poser comme un single pour un plus grand public si jamais le groupe avait un jour l’intention de sortir du réseau underground où il excelle.
Pour finir, on retiendra qu'un album où Jon Spencer met son grain de sel et rarement un album mauvais. Le couple vedette donne l'impression de prendre du plaisir et ce plaisir est communicatif. Et pour ce faire une idée plus précise de ce qui passe en live chez Boss Hog, voici un petit live dans le studio de la radio KEXP enregistré le 12 juillet 2016. On vous laisse apprécier !
Sortie le 24 mars chez In The Red