KoЯn à Paris ? C'est devenu un rendez-vous annuel depuis quelques temps, et un vrai plaisir depuis que le groupe est de retour au sommet de son art. Pour cette date parisienne, unique en France, ce sont Hellyeah et - choix étrange - Heaven Shall Burn qui ouvrent les hostilités devant un Zénith plein à craquer. Alors quid de cette soirée éclectIque ? La Grosse Radio était parmi vous dans la fosse pour répondre à cette question !
Hellyeah
C’est un supergroupe qui se charge d’ouvrir cette "super date" au line up prometteur: Hellyeah, formation américaine composée entre autres de Chad Gray (chanteur de Mudvayne), de Tom Maxwell (ex-guitariste de Nothingface) et du légendaire Vinnie Paul (ex-batteur de Pantera et Damageplan). Formé en 2006, le groupe a enregistré son premier album dans la foulée et en compte aujourd’hui pas moins de cinq. Ayant déjà effectué une tournée américaine avec KoЯn en 2007, les voilà de retour dix ans plus tard avec leurs compatriotes.
C’est armé de leur dernier né Unden!able, sorti en 2016, que les Américains montent sur la scène du Zénith. La salle est déjà bien remplie quand le groupe prend place, autant dans les tribunes que dans la fosse, particulièrement dense pour une première partie. C’est avec l’intro et le premier titre de leur nouvel opus que Hellyeah débute son show. Le groupe nous délivre un heavy metal aux sons indus qui fleure bon les années 90. L’ensemble est parfaitement exécuté – on ne peut que remarquer la maîtrise de la scène inhérente aux expériences des musiciens du supergroupe – et les compositions parfaitement représentatives du genre; un peu trop, peut-être, pour être suffisamment personnelles.
Côté visuel, la maîtrise est tout aussi parfaite: les musiciens sont mobiles, Chad Gray déploie une sacrée énergie et s’avance pour haranguer la foule, les lights effrénées créent le spectacle, tandis que sur l’imposant backdrop à l’image du dernier album, un œil rouge à la pupille de serpent nous fixe d’un air menaçant. On note aussi les dreadlocks de certains des membres, comme un clin d’œil au look indémodable de KoЯn. Parmi une setlist qui fait la part belle au dernier album, vient se glisser l’agréable ballade "Moth", issue du précédent opus. Les 25 minutes de show restent malheureusement entachées par un son très passable, largement écrasé par la grosse caisse de Vinnie Paul. Est-ce pour ça que le public reste aussi statique ? Au vu des applaudissements enthousiastes, on se rassure: il reste juste un peu de travail pour chauffer la salle, HELLYEAH!
Setlist :
!
X
Demons in the Dirt
Sangre por Sangre (Blood for Blood)
Moth
Human
Startariot
Heaven Shall Burn
La grosse surprise du soir, c’est de voir Heaven Shall Burn raffler la seconde ligne de l’affiche, où on attendait plutôt Vinnie Paul et sa bande : les Allemands peuvent donc profiter d’un set de quasiment une heure pour montrer ce qu’ils ont dans le ventre, à un public assez éloigné de son univers. En effet, le saut entre le heavy de Hellyeah et le deathcore de Heaven Shall Burn est rude, tout comme le sera celui entre le set des Teutons et le nu metal de KoЯN. Malheureusement, ce grand écart a un impact plus que sensible sur le déroulement de la soirée, puisque le public se montre assez peu réceptif à la prestation de Heaven Shall Burn.
Il faut dire que le son n’aide pas les musiciens, dont les efforts sont réduits à néant par une balance infecte : à moins de connaître la discographie du combo sur le bout des doigts, difficile de comprendre ce qui se passe au sein des compositions. De plus, la taille conséquente de la salle ne permet pas au groupe d’aller chercher le public et de l’embarquer dans son univers énergique : une vraie barrière semble se dresser entre les fans et la scène, en dépit des efforts répétés et indéfectibles du frontman Marcus Bischoff, qui ne se démotive jamais. Pourtant, le groupe a énormément à offrir dans une configuration club, notamment une énergie brute et directe qui fait facilement mouche.
On profite donc assez peu de la setlist, qui balaye l’ensemble des efforts de Heaven Shall Burn, avec un crochet obligatoire par le petit dernier Wanderer, via les punchy « Bring The War Home » et « Downshifter ». Pas de grosse surprise de façon générale, avec un set assez généraliste taillé pour conquérir de nouveaux fans et satisfaire les fans occasionnels. Dommage que la balance en ait décidé autrement…
Setlist :
Hunters Will Be Hunted
Bring the War Home
Voice of the Voiceless
The Omen
Downshifter
Land of the Upright Ones
Passage Of The Crane
Corium
Black Tears (reprise de Edge Of Sanity)
Awoken (bande)
Endzeit
KoЯN
La foule se densifie et devient compacte quelques minutes avant l’arrivée de KoЯN sur scène : on sent que l’attente est forte et que les fans sont prêts à en découdre. En effet, lorsque les musiciens apparaissent en ombres chinoises sur une tenture blanche masquant la scène, les mouvements de foule débutent, de même que les cris des plus motivés. « Right Now » lance les hostilités avec une énergie débridée !
En revanche, les inquiétudes provoquées par les deux premières parties se confirment : le son est mauvais, avec une grosse caisse et une basse assourdissantes, qui empiètent sur l’ensemble des autres instruments. Bien heureusement, le public connait ses classiques sur le bout des doigts, et arrive à faire fi de cette déconvenue. Côté visuel, la mise en scène est plus dépouillée que lors du précédent passage par le Zénith : ce sont surtout des panneaux LED motorisés qui nous font face, et qui apportent une dynamique et des éclairages originaux et surtout ultra-plaisants. Les ambiances sont variées, et l’énergie du concert se trouve décuplée par ces effets savamment déclenchés.
Rapidement, on se rend compte que le groupe sait maîtriser à la perfection la dynamique de son set: en alternant classiques et nouveaux titres, aucun temps mort ne vient entacher le concert. La setlist d’ailleurs, est tout bonnement jouissive ! Avec trois titres de Issues, des passages par le premier album éponyme pour les fans les plus anciens, mais aussi des extraits du bien plus récent The Serenity Of Suffering, l’équilibre est excellent. D’ailleurs, le public semble adhérer à 100% aux nouveau titres (« Insane » et « Rotting In Vain »), qu’il connait par cœur et entonne avec le même entrain que les intemporels comme « Here To Stay » ou « Blind ». Une preuve de plus que KoЯN est revenu au sommet de son art !
Malheureusement, il y a un « mais ». Par rapport aux derniers passages du groupe en France, on sent une tendance à se mettre en pilotage automatique, et une perte de spontanéité. Pourtant, Head ou encore Fieldy – qui a abandonné ses peintures de guerre fluo – viennent beaucoup au contact des premiers rangs, et semblent prendre leur pied. Mais un petit quelque chose manque, sans qu’on puisse vraiment le définir. Rien de bien méchant, mais au vu des excellentes prestations du Download, ou encore du Zénith 2015, on en attendait encore plus, peut-être trop.
Pour en finir avec les déceptions (tatillonnes, certes), avouons que KoЯN reste bien trop peu de temps sur scène à notre goût – preuve que même avec les quelques reproches qu’on peut faire à cette soirée, on a bien pris notre pied ! En effet au long des seulement 80 minutes de show, tout le public a retrouvé ses années lycées, notamment grâce à Jonathan Davis, dont la voix n’a pas pris une ride, et qui reste toujours aussi possédé par ses titres. Et rien que pour ça, tout bon (ex- ?) fan de nu metal se devait d’assister à cette soirée.
Passons sur le dispensable solo de batterie, pour mentionner les quelques extraits de classiques du rock et du metal que le groupe choisit d’insérer au sein de certains de ses morceaux. « We Will Rock You » arrive très naturellement au beau milieu de « Coming Undone », avec une transition toute en douceur, et franchement réussie. Idem pour le « One » de Metallica, qui pointe son nez l’air de rien pour achever « Shoots and Ladders ». Du grand art, et contre toute attente, une signature mélodique en parfaite adéquation avec le titre de KoЯN. Avec ces ajouts, les Américains rendent hommage à leurs héros et se font plaisir en même temps qu’ils font plaisir aux fans. Que du bon !
C’est déjà l’heure du final, et Jonathan Davis amène sur scène sa cornemuse assortie à son kilt : il est temps d’achever nos cervicales sur « Falling Away From Me » et « Freak On A Leash », et de profiter de ces derniers instants d’insouciance en compagnie des idoles de nos jeunes années.
Prochaine étape : le retour des Américains à dreadlocks à l’Alcatraz Festival à la frontière belge en août, où il nous tarde déjà d’être !
Setlist :
Right Now
Here to Stay
Rotting in Vain
Somebody Someone
Word Up! (reprise de Cameo)
Coming Undone @Info
Insane
Y'All Want a Single
Make Me Bad
Shoots and Ladders
Blind
Twist
Good God
Rappel :
Falling Away From Me
Freak on a Leash
Un grand merci à Manon de Warner pour son aide.
Texte : Kessklër & Régis
Photos : © 2016 Rodolphe Goupil
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